Idus Martiae

Dans le calendrier romain, le 15 mars est l’Idus Martiae – les ides de Mars – le jour du dieu de la guerre, le jour où l’on paie ses dettes. Mars est le gardien de Rome et de son peuple, le garant de l’ordre et de la stabilité. Payer ses dettes maintient l’harmonie et la cohésion sociale. Le 15 mars est un jour de responsabilité. C’est ainsi qu’en -44, le Sénat romain assassine à coups de couteaux l’empereur Jules César, avec qui il était à couteaux tirés.

L’assassinat de César résulte de frustrations politiques, idéologiques et personnelles qui ont longtemps fomenté jusqu’à l’implosion. Fraîchement proclamé dictator perpetuo, César venait d’éliminer en pratique le Sénat pour s’ériger en seul maître de Rome, mettant en danger les fondements de la République mais surtout l’influence et le statut des Sénateurs. Les voilà désormais accusant César de tyrannie et justifiant la nécessité de l’éliminer pour ramener le principe de responsabilité à Rome.

En réalité, les conspirateurs avaient pour la plupart des problèmes personnels avec César. Shakespeare a immortalisé Brutus avec le fameux Et tu, Brute – les derniers mots de César étaient plutôt Kai su, teknon, Toi aussi, jeune homme, (tu vas mourir) – mais il n’était pas seul à en vouloir personnellement à l’assassiné. Les réformes de César élargissant le Sénat, ouvrant la citoyenneté romaine à des étrangers et centralisant le pouvoir entre ses mains, détruisaient la classe patricienne. Et ses aventures égyptiennes où une Reine étrangère occupait une place trop importante achevaient d’aliéner les sénateurs romains et le système de classe qu’ils avaient instauré. De plus, la rumeur voulait que César, inspiré par sa dulcinée Cléopâtre, ait eu des visées dynastiques ; pour sauver la République, il fallait l’éliminer.

César assassiné, Rome plongea dans le chaos et l’instabilité politique avant de sombrer dans une guerre civile, une série de conflits et de luttes pour le pouvoir, dont émergera ultimement l’Empire romain – avec Auguste – soit exactement ce que l’assassinat de César devait empêcher. Les voye ale – via assassinat ou démission forcée – ne veulent rien dire. Ce qui importe, c’est l’après.


PS: Si vous avez une carte Unicarte, c’est également le jour de payer votre carte Visa. En ces temps troublés, ce n’est pas le moment d’accumuler des frais de retard.

Quand c’est pour tuer Jovenel Moïse tout le monde est là mais quand c’est pour sauver le pays, il n’y a plus personne

Depuis quelques temps, la justice haïtienne multiplie les convocations dans le cadre du magnicide du 7 juillet 2021. Tous les jours, nous découvrons d’illustres inconnus qui seraient impliqués, des simples chauffeurs aux chefs d’État, en passant par des parlementaires, des élus locaux, des hommes d’affaires, des fonctionnaires, et tout ce qui se trouve entre eux. Après un tel consensus pour assassiner Jovenel Moïse, l’on serait en droit d’attendre, plus deux ans plus tard, que nos politiques réussissent à s’entendre pour éviter que le pays ne disparaisse. Mais non. Nos politiciens continuent d’attendre du Blan (ONU, Core Group, OÉA et même CARICOM) qu’il les mette au pouvoir. Nos citoyens continuent d’attendre du Blan (Biden, Trudeau) qu’il les accueille chez lui. Nos politiciens s’accommodent très bien de l’idée de régner sur des cendres. Nos citoyens s’accommodent très bien de l’idée d’abandonner la terre de leurs ancêtres pour des contrées où les attend le mépris le plus ouvert.

En attendant l’enseignement supérieur privé en Haïti est sur son lit de mort. Les étudiants sont partis. Les professeurs aussi. Dans un pays où les gangs collectent les territoires perdus dans l’indifférence générale, l’université n’est pas la priorité. La fuite des cerveaux, déjà débilitante – à plus de 80% dans les années précédentes – atteint des niveaux inégalés. Lorsque l’immigration choisie rencontre la défaillance totale, les pays d’accueil récupèrent des talents inquiets pour leur vie à vil prix et dans des conditions à la précarité entretenue via des visas et statuts temporaires. En échange, le pays d’origine s’enfonce plus avant dans le chaos sans espoir de s’en remettre.

L’émigration de personnes qualifiées n’est pas fatalement négative. Si le phénomène de la fuite des cerveaux est souvent évoqué, il existe des cas où cette émigration s’est avérée bénéfique pour les pays d’origine. Les transferts de compétences de la diaspora, comme en Inde où le secteur des technologies de l’information et de la communication s’est largement développé grâce à son réseau diasporique, les transferts d’argent, comme aux Philippines où la politique d’émigration de travailleurs qualifiés, notamment dans le secteur de la santé, contribue à hauteur de 10% à son PIB, ou même les migrants de retour en Irlande qui ont pu bénéficier du capital humain et financier de leur diaspora pour favoriser leur prospérité. Dans ces trois cas toutefois, un État a mis en place des politiques adaptées pour tirer parti des opportunités offertes par cette mobilité internationale. En Haïti, nous fuyons pour ne pas crever et nos anciens dirigeants fuient pour pour échapper à leur arrestation pour leurs crimes.

Dans la longue liste des personnes convoquées dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Jovenel Moïse se trouve l’ancien ministre de la justice, Rockfeller Vincent, réfugié aux États-Unis. Attendu ce 22 novembre 2023 au cabinet du juge Walter Wesser Voltaire, il ne s’est pas présenté. Il craint pour sa sécurité, mais surtout pour sa procédure de demande d’asile aux États-Unis d’Amérique. Comme beaucoup d’autres, cet Haïtien était de passage en Haïti ; il n’allait tout de même pas y retourner alors qu’il tente de convaincre l’Oncle Sam de l’accueillir chez lui. Toutefois, dans un geste de grande magnanimité, l’ancien garde des sceaux – révoqué pour incompétence en tant que substitut du commissaire du gouvernement avant de se retrouver à diriger l’unité de lutte contre la corruption puis le ministère de la justice – a laissé entendre qu’il consentait à répondre au juge par visioconférence. Une offre généreuse qui ne semble pas avoir séduit le juge Voltaire qui recevait un ancien sénateur accessoirement sous le coup de multiples sanctions internationales, Hervé Fourcand, et un animateur plus grand que nature accessoirement ancien candidat malheureux à la présidence, Luckner Désir.

Deux jours plus tôt, le 20 novembre, après son interrogatoire, il ordonnait l’arrestation de Macky Kessa, agent exécutif intérimaire de Jacmel. Le 16 novembre, c’était au tour de Lyonel Valbrun, ancien secrétaire général du Palais national, de se présenter au cabinet du magistrat instructeur. Hier, Jenny Obas, haut cadre régional de la UNIBANK dans le département du Nord, a répondu aux questions du juge Voltaire, accompagnée de Me Emmanuel Jeanty, le même avocat qui avait transmis l’offre généreuse de M. Vincent et qui, accessoirement, représente la veuve de Jovenel Moïse. Bien que l’instruction soit secrète, la présence de Me Jeanty pourrait indiquer qu’il s’agit là de témoins à charge dans une enquête extrêmement délicate; ce qui serait particulièrement stupide le cas échéant.

L’enquête sur la mort de Jovenel Moïse continue de bouger à défaut d’avancer. La justice américaine a déjà inculpé et condamné plus d’une vingtaine de personnes, mais là-bas, le temps c’est de l’argent tandis qu’ici, nous n’avons plus que le temps. Le juge Voltaire vient d’annoncer une nouvelle liste de personnalités attendues tout au long de la semaine prochaine pour être entendues. Cela fait un certain sens. Avant son assassinat, Jovenel Moïse avait réussi à susciter une opposition généralisée, allant de ses opposants politiques aux églises, en passant par des hommes d’affaires et la rue. Si cette logique tient, l’enquête pourrait s’éterniser jusqu’à ce que toute la République défile devant le cabinet d’instruction. C’est, peu ou prou, la même attitude que nous adoptons pour la résolution de la crise: elle bouge à défaut d’avancer. Les sommets se succèdent. Les négociateurs défilent. Rien ne se passe. Rien ne change. Nous attendons le Blan. Quelle que soit son incarnation. Possiblement kényane. S’ils reçoivent l’argent. Si la justice kényane est d’accord.

En attendant, un peuple se meurt.

Les racines profondes de Jovenel Moïse

Ce matin, ma mère m’envoie ce tik tok d’un André Michel décrivant la vie idyllique qui serait la nôtre le lendemain du départ de Jovenel Moïse du pouvoir. L’avocat autoproclamé du peuple est coutumier de ces déclarations à l’emporte-pièce mais celle-ci accuse une turpitude particulière au vu de la dégradation du pays après le magnicide de 2021.

Ma mère accompagne le tik tok d’une remarque inattendue. Jovenel Moïse, me dit-elle pince-sans-rire, est le nouveau Toussaint Louverture. Et, comme je demandais une explication, elle s’est mise à rire comme si elle avait trouvé la blague du siècle. J’insistai. Entre deux fous rires, elle m’explique que la raison pour laquelle rien n’a changé c’est « parce que le défunt président n’est jamais parti ». « En [le] renversant », on n’aura abattu que le tronc de JoMo et le voilà qui « repousse par ses racines parce qu’elles sont profondes et nombreuses ».

Ma mère a toujours vu Jovenel Moïse avec humour, voire même, peut-être, un peu d’empathie. Ce fauxpreneur de la banane qui était réputé avoir des centaines de millions de dollars de contrats étrangers mais qui se comportait comme le laquais de Michel Martelly lui avait paru curieux. Le pauvre malheureux, disait-elle. Puis elle me parlait de paysans revanchards, de rancunes tenaces et du fait que tout cela finirait mal. Et puis, sur ce blogue, nous savons que la banane a deux fins.

Mais revenons à notre président-zombie car, même si ma mère fait de l’esprit, elle n’a pas tort. Même mort, Jovenel Moïse préside encore à nos destinées. Officiellement, nous n’avons pas de président et le chef actuel de l’État est son premier ministre post-mortem, installé littéralement après la publication du cadavre de celui qui l’avait nommé. Le gouvernement d’Ariel Henry est techniquement partie de l’administration Moïse. Il semblerait donc aller de soi qu’elle en maintienne les caractéristiques premières : mensonges éhontés, corruption, impunité, incompétence et autres éléments kakistocratiques.

L’impuissance face aux gangs également :

Quand Jovenel Moïse nous aidait à quitter Haïti

Avant, longtemps avant, qu’il ne soit brutalement assassiné la dernière année de son mandat, feu Président Moïse s’était donné pour mission de nous aider au mieux à laisser Haïti. Faites vos passeports qu’il disait là où il aurait dû nous dire fuyez, fuyez, fuyez l’enfer que mon parti, mes soutiens, mes adversaires et moi vous avons préparé. En 2017, Frantz Duval, rédacteur en chef du Nouvelliste, relève l’effort et titre sur « le passeport pour tous : première grande réalisation de Jovenel Moïse« .

Partir étant le plus grand rêve partagé par le plus grand nombre d’Haïtiens … Le président Jovenel Moïse a-t-il bien compris la mécanique du départ ?

Depuis son installation, il y a un service que le chef de l’État pousse pour que tout marche comme sur des roulettes : la livraison des passeports. La promesse est publique, les efforts sont visibles.

[…]

Aujourd’hui, il est non seulement devenu plus facile d’obtenir un passeport, mais la réception des documents, la saisie des informations et la livraison des passeports se font en plusieurs points du territoir.

[…]

Voyager est devenu plus facile depuis que M. Moïse a ouvert la mer de difficultés qui obstruait le chemin de chaque potentiel voyageur vers l’obtention d’un passeport.

Frantz Duval op.cit., 8 août 2017

Monsieur Duval replace cette politique dans un contexte d’émigration massive des Haïtiens : 88 187 Haïtiens partis pour le Chili en 19 mois, à raison de de 4641 par mois; 121 000 Haïtiens installés aux États-Unis depuis le séisme de 2010, soit 1531 par mois. L’Haïtien rêve d’ailleurs et le passeport est son sésame vers cet ailleurs qui, peu importe la forme qu’il prend, ne sera au moins pas Haïti.

Il y a un an, une enquête nationale sur les préoccupations de la population et ses perceptions des valeurs et des institutions de la démocratie » de lObservatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie (OCID) révélait que  » 82% des Haïtiens rêvent de quitter le pays« . À refaire cette enquête aujourd’hui, il ne resterait plus sans doute que votre blogueuse et des illuminé.e.s de son acabit.

N’empêche que le Président Moïse aurait pu mieux nous prévenir de ce qui nous attendait. Il aurait dû nous dire qu’il nous donnait une longueur d’avance de 4 ans pour faire notre deuil et dire adieu à la terre de nos ancêtres. Nous aurions pu mieux nous préparer, faire nos demandes de passeports et les récupérer à temps.

À sa défense, il ne semble pas plus avoir compris ce qui l’attendait lorsque deux ans plus tard, son ancien premier ministre, le Dr Jacques Guy Lafontant, annonçait l’année de son magnicide comme celle d’une lutte acharnée pour pérenniser le pouvoir du PHTK.

Cette année 2019 est une année de lutte et l’année de la lutte acharnée sera 2021 car nous devons conserver le pouvoir politique pour 30 ans, 50 ans.

Dr Lafontant, janvier 2019 – Extrait vidéo retranscrit par Loop Haiti .

Je me demande d’ailleurs ce qu’il advient du Dr Lafontant. Est-il satisfait des résultats de cette lutte acharnée de 2021 ? Son dernier tweet est une note du collège haïtien de médecine interne – dont il est le président – dénonçant le kidnapping de deux médecins.

Ariel Henry appelle à l’aide

Le 11 juillet 2021, quatre jours après l’assassinat du Président Jovenel Moïse, le gouvernement haïtien dirigé par le premier ministre par intérim, Claude Joseph, demande aux États-Unis et à l’Organisation des Nations-Unies une aide militaire pour stabiliser le pays en vue des élections. Ils lui répondirent en le virant de la Primature pour y placer Ariel Henry. Hier soir, dans la nuit, alors qu’une foule en liesse célébrait la rumeur de sa démission, le Dr Henry et son cabinet ont décidé, à leur tour de soumettre formellement à la communauté internationale une demande d’assistance militaire.

L’appel à l’aide part aujourd’hui. À l’ONU, elle rencontrera le scepticisme de la Chine et de la Russie; à l’OÉA, elle fera la joie du Secrétaire Général Luis Almagro; aux États-Unis, elle se heurtera à l’ennui profond qu’évoque Haïti chez l’administration Biden-Harris.

Nous sommes bien loin de 1915 où un Woodrow Wilson, raciste idéaliste, enverra des troupes américaines prévenir l’anarchie en Haïti suite à l’assassinat du président Vilbrun Guillaume Sam. Le 18 février de la même année, dans la salle Est de la Maison Blanche, il avait assisté, conquis, en compagnie de ses filles et de membres de son cabinet, à une projection en avant-première de The Birth of Nation, un film faisant l’apologie du Ku Klux Klan en présentant les Noirs comme des sauvages, des paresseux, se vautrant dans la luxure et cherchant à subjuguer des Blancs qui leur étaient en tout point supérieurs – et, accessoirement, violer des femmes blanches.

Le film, le tout premier blockbuster américain, était une adaptation de l’oeuvre de Thomas Dixon Jr, raciste professionnel, ami et ancien camarade d’université du Président Wilson avec qui il partageait les mêmes idées sur le danger que représentaient les Noirs pour l’Union. De voir une foule de sauvages noirs entrer à l’ambassade de France pour en tirer leur président et le lyncher devait conforter le président américain dans sa conviction « scientifique » quant aux vertus de la ségrégation raciale. Certes, il existait une crainte réelle que le Dr Rosalvo Bobo ne prenne le pouvoir, mette fin à la politique douanière made in America du Président Guillaume Sam et nuise aux intérêts économiques américains. La chance de mater une révolution de Noirs n’a pas dû déplaire. Le lendemain même de l’assassinat, le 28 juillet 1915, les Américains débarquaient en Haïti pour n’en repartir qu’en 1934.

En 2022, la situation est bien différente. Le président américain est un libéral pour qui l’existence ou non d’Haïti n’a aucun impact sur son pays. Coupable du plus grand des crimes dans un monde capitaliste – l’extrême-pauvreté – Haïti n’intéresse guère. Le pays le plus pauvre de l’Amérique est en situation de crise permanente; c’est dans l’ordre des choses. Qu’il s’enfonce dans la mer des Caraïbes ou en émerge; le monde continuerait de tourner. Que son président soit assassiné, son peuple affamé, son territoire fragmenté … cela n’a guère d’importance.

Pour sauver les apparences, le FBI est dépêché sur place. Puis, rien. Ou, plutôt, une enquête ordonnée par le Congrès et des efforts pour cacher des liens entre le FBI, la DAÉ et les suspects. De temps à autre, quelques tweets sont offerts: pour nous doter d’un premier ministre, pour nous assurer du soutien de l’Oncle, pour nous rappeler qu’il est là même s’il ne fait rien. C’est à cette administration qu’Ariel Henry demande de l’aide. À moins que l’Ambassade américaine elle-même ne lui ait suggéré d’en faire la demande, cet appel tombera dans l’oreille de sourds.

Bien sûr, apparences obligent, cette demande est adressée à la communauté internationale mais la communauté internationale chez nous, ce sont les États-Unis d’Amérique; les autres – qu’ils soient membres du Core Group ou pas – font surtout de la figuration. Si le Dr Henry agit à la demande des États-Unis, une intervention étrangère ne devrait pas tarder. Le premier réflexe est celui de l’opération de maintien de la paix (par l’Onu) mais il faudra obtenir que la Chine et la Russie soient d’accord ou à tout le moins ne s’y oppose pas. Une option plus plausible est celle offerte par le Global Fragility Act (loi sur la fragilité mondiale) de 2019. Par cette loi, signée le 20 décembre par le président américain Donald Trump, les États-Unis d’Amérique se sont offerts les moyens d’intervenir dans les États fragiles afin de protéger le monde libre des « États sujets aux conflits qui peuvent être des vecteurs d’extrémisme violent, de migrations incontrôlées et d’extrême pauvreté »; des États comme Haïti donc.

Au mois d’avril 2022, sans fanfare ni trompette, l’administration Biden-Harris a publié une nouvelle politique visant à « interrompre les voies potentielles de conflit … et réduire les menaces avant qu’elles n’arrivent sur [les] côtes [américaines] ». Dans cette Lettre du président sur la mise en oeuvre du Global Fragility Act, l’administration annonce une stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité s’étendant sur 10 ans; un « effort pour renforcer la sécurité et la prospérité des peuples du monde entier en aidant à renforcer les bases des parties du monde qui continuent de faire face à des défis pouvant conduire à des conflits déstabilisants et à la violence ».

L’exemple mis en avant est celui de l’Ukraine qui, depuis son invasion par la Russie en février 2022, bénéficie de milliards de dollars d’aide militaire américaine. En comparaison, Haïti n’a qu’une promesse de 3 millions de dollars pour son fonds pour le renforcement de la sécurité. Toutefois, il est fort possible que nous soyons assez déstabilisants pour que les États-Unis reviennent en Haïti protéger, à défaut d’intérêts économiques clairement définis, des intérêts sécuritaires se résumant généralement à nous garder chez nous.

Pourquoi le Président Moïse aurait-il envisagé de nationaliser le Port Lafito ?

Le 2 juillet 2015, à Lafiteau, dans la commune de Cabaret, Joseph Michel Martelly, président de la République d’Haïti procède à l’inauguration du premier et unique port Panamax d’Haïti. Située à une vingtaine de kilomètres de Port-au-Prince, la petite ville portuaire accueille un projet estimé à 150 millions dollars  » représent[ant] un changement de paradigme majeur pour l’avenir de l’industrie en Haïti. » Porté par le GB Group – la compagnie du seul réputé milliardaire haïtien, Gilbert Bigio – c’est un projet présenté alors comme central à l’effort de modernisation d’une Haïti qui se voulait Open For Business.

En 5 ans, de projet porteur de développement économique, le Port Lafito est devenu, dans l’imaginaire collectif, synonyme de trafic d’armes et de de munitions. En novembre 2020, la compagnie fit sortir, par son cabinet d’avocats, une note insistant sur le fait que les saisies effectuées résultent de sa collaboration avec les autorités.

L’argumentaire a du mérite: si vous faites la chasse aux armes illégales dans votre port alors que les autres les laissent passer, il est parfaitement logique qu’il y ait plus de saisies chez vous. Il peine à convaincre toutefois: aucune suite ne semblant être donnée aux saisies et ces tiers n’étant jamais nommés. En mars 2021, lors d’une réunion du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN), le Président Jovenel Moïse promit, dans le cadre de la lutte contre le trafic d’armes et de munitions, de renforcer le contrôle des ports de St-Marc, Port-de-Paix et Lafito. Le mois suivant, la police nationale d’Haïti (PNH) annonçait l’arrestation de Kesny Exantus, un trafiquant d’arme présumé, appréhendé dans le cadre d’une saisie effectuée au port Lafito, le jeudi 22 avril.

Nous semblions donc être sur la bonne voie – même si la prise (un 9mm et quelques balles) était pauvre. Il appert toutefois que les conseillers du président assassiné n’étaient pas du même avis.

De toutes les révélations du fameux reporatge de Maria Abi-Habib pour le New York Times, c’est la seule qui s’intéresse spécifiquement à ce que le Président Jovenel Moïse anticipait de son possible assassinat. Aucun nom n’est cité mais les indices offerts sont aussi subtiles que le nez en plein visage. À en croire les sources de Madame Abi-Habib, Jovenel Moïse envisageait de nationaliser le Port Lafito.

En février 2021,

le président commence aussi à discuter d’un projet de nationalisation d’un port maritime appartenant aux alliés de M. Martelly et où plusieurs cargaisons d’armes illégales ont été découvertes et saisies au fil des ans, selon deux hauts responsables haïtiens.

“Jovenel m’a raconté qu’il avait un plan qu’il voulait mettre en œuvre, mais qu’il ne pouvait pas car ‘ils me tueront’, m’a-t-il dit,” se remémore un puissant politicien ayant travaillé comme conseiller informel de M. Moïse, s’exprimant sous réserve d’anonymat par peur pour sa vie. Le port, explique-t-il, “faisait partie du plan.”

Maria Abi-Habib, « Le président haïtien dressait une liste de narco-trafiquants. Ses tueurs l’ont saisie. » New York Times, 12 décembre 2021.

Le fait qu’aucun nom ne soit cité est sans doute significatif. Mme Antoine n’a pas hésité à nommer l’ancienne première dame Sophia Martelly même à se faire menacer de poursuites en diffamation pour confirmer qu’elle maintenait ses déclarations. Les conseillers anonymes, les sénateurs interviewés et même le fils du Président ont librement nommé Michel Martelly, Charles « Kiko » Saint-Rémy, Woodly « Sonson Lafamilia » Éthéart, Evinx Daniel, Ariel Henry, Bertho Dorcé … Ils ont offert des noms d’endroits: Savane Diane et de compagnies: Mariella Food Products. Le port dont l’éventuelle nationalisation faisait craindre un assassinat à un président assassiné n’est pas cité. Comme si le fait seulement d’en parler ouvertement – même sous le couvert de l’anonymat – emportait le risque de subir le sort de Jovenel Moïse.

En terme d’écriture d’horreur, on peut difficilement faire mieux. Une information laissée en suspend en attendant que notre imagination fasse le reste. Et notre imagination céans sait être créatrice.

Comme, je mentionnais, en passant, cette drôle d’omission à des amis, l’un me conjura de faire attention à là où je mettais les pieds; un autre fit une blague sur le Mossad (services secrets israéliens) et leur propension à faire disparaître les personnes trop curieuses; un troisième  m’envoya –  avec les emoji appropriés pour bien indiquer qu’il n’y croyait pas lol mais tout de même – une théorie du complot où un génocide haïtien se préparerait pour pouvoir reloger le peuple palestinien et laisser tout le territoire aux Israéliens. Il fut également question de la surveillance de nos frontières confiée en 2015 à HLSI, une firme israélienne consacrant le contrôle total du pays par ses douanes. Aux trois, je demandai s’il n’y avait pas là un peu d’antisémitisme – Monsieur Bigio est juif. Ils m’assurèrent que non, en tout cas, pas de leur part, même si dans ce qui se dit, peut-être, un peu. N’empêche, je devrais vraiment faire attention avant d’en parler sur le blogue.

La réalité est que je fais toujours attention à ce que j’écris sur le blogue. Je fais attention, non seulement, parce que la loi de ma bouche s’arrête à la diffamation mais surtout parce que mes lecteurs.rices attendent de moi que je présente les faits le plus fidèlement possible même et particulièrement quand la réalité se moque de leurs théories, leurs espoirs et leurs illusions. Aussi, tenté-je de me renseigner sur Jovenel Moïse et le port Lafito.

Malheureusement, je n’ai pas trouvé grand chose. Mes questions directes  – imagination créatrice oblige – sont restées sans réponses. Mes recherches sur Internet n’ont pas plus aidé.

Au début de son quinquennat, le Président Moïse se fait élogieux. Il salue un « acte de foi en Haïti, la terre des opportunités, le diamant à l’état brut » et la voie vers « de meilleures conditions de vie pour notre peuple ». Il en est si convaincu qu’il l’inclut dans sa #karavànchanjman – la Caravane du Changement – programme phare de sa présidence.

Le magazine Challenges consacre un reportage à cette visite du président de la République et titre sur les milliers d’emplois qui seront bientôt à Lafito. Signé Cossy Roosevelt (rédacteur en chef du magazine), le publi-reportage vante « l’importance d’un tel projet, qui va contribuer à baisser le taux de chômage en Haïti », et reproduit les commentaires de celui qui était alors le président de la République:

« Ce matin je suis présent à Lafito parce que la création d’emplois est l’une des plus grandes priorités de mon administration. Je crois que le secteur privé a un rôle important à jouer dans la production des biens, des services et surtout dans la création d’emplois. Je suis présent parce que l’État à lui seul ne peut recruter les milliers de chômeurs de Cité Soleil, de Bel-Air, de Martissant, de la Fossette, de Raboteau… », expliquait Jovenel Moïse qui s’est prononcé en faveur d’une grande synergie impliquant les secteurs privé et public.

Challenges est une ancienne propriété du GB Group dont la durée de vie fut de 4 ans: d’août 2015 à août 2019. D’allure consensuelle, il est ce qui se rapproche de plus de la parole directe d’un groupe dont le fondateur et président, contrairement à d’autres gens d’affaires en Haïti, aime rester discret. C’est ainsi que le reportage précité, traduit en anglais, sera publié, verbatim et sans attribution, sur le site web du groupe. De même, une tribune de Cossy Roosevelt sur les mesures de relance du Président Moïse – contenant une liste de recommandations économiques à l’intention de l’Exécutif – a été partagée sur LinkedIn par l’éditrice du magazine, Laurence Sarah Bigio.

Vers la fin toutefois, le magazine s’est fait plus incisif. Les titres de son 78ème et dernier numéro sont alarmants (istes?): « Le pays va mal, la situation sent mauvais »; « Présentation à Washington d’un rapport sur le commerce illégal »; « Quel avenir pour la sous-traitance textile? »; « Gangs 2.0, comment vivront les 5 millions d’habitants de Port-au-Prince en 2030? »; « Onu en Haïti, ils ont échoué… ou presque ». Même la photo du mois n’échappe pas à l’ambiance de fin du monde: « Le plus important est de survivre ».

La couverture du 78ème et dernier numéro du magazine Challenges

C’était en mai 2019. En août 2019, le magazine annonça sa fermeture temporaire en laissant libre l’accès à tous ses articles des 4 dernières années. Le site web du GB Group en parlant au passé; cette fermeture a du rapidement devenir définitive.

À supposer que ce repli sur soi du groupe GB soit indicatif de relations moins idéales avec le pouvoir en place, c’est bien le seul que j’aie pu trouver; du reste, Gilbert Bigio serait loin d’être le seul entrepreneur à avoir soutenu la candidature de Jovenel Moïse pour s’en éloigner après. Du côté de Jovenel Moïse, il est tout aussi difficile de trouver un indicateur concret. Il est bien cette vidéo – publiée en juin 2020 par un de ces médias en ligne qui pullulent sur YouTube et dont la spécialité est le zen – de Luckner Désir, l’animateur à la cloche du très populaire Matin Débat, mais tout cela ne parait pas bien sérieux.

Nous pourrions également verser au dossier, le fait que Jovenel Moïse, tout fauxpreneur qu’il était, était d’avis que la richesse est une vertu et, cette année encore, autorisait une nouvelle zone franche à Savane Diane. Il n’est pas aisé de l’imaginer nationalisant des entreprises à tout va. D’aucuns m’opposeront la saga Varreux – mais il s’agissait de biens appartenant déjà à l’État. La question qui sert de titre à ce billet reste donc posée.

En attendant, sur le site du magazine défunt, le lien vers le dernier éditorial « Le pays va mal, la situation sent mauvais » ne marche plus. Le titre reprend une formule de certain haut responsable de l’État, en 1990, alors qu’un changement majeur s’annonçait. N’ayant pas été une abonnée de Challenges, je n’ai pas réussi à en trouver la copie version papier. Je suis persuadée toutefois qu’un lecteur ou une lectrice devrait pouvoir aider.

Si vous trouvez une copie du numéro 78, soyez gentils, numérisez ce texte et envoyez-le moi par mail. J’ai toujours été fascinée par les chants de cygne.

De qui Jovenel Moïse était-il la propriété ?

Dans le fameux article du New York Times sur l’implication présumée de la famille de l’ancien Président Michel Martelly dans la magnicide de son dauphin, nous retrouvons sa femme, Sophia Saint Rémy Martelly, clarifiant pour une dilettante qu’elle s’appliquait à réprimander: « Jovenel Moïse est un propriété. »

Selon Esther Antoine, anciennement de la Commission Présidentielle pour le Suivi, l’Efficience et l’Efficacité des Politiques Publiques (Delivery Unit), madame Martelly était furieuse de ne pas être tenue au courant de tous les déplacements du candidat Jovenel Moïse. Alors que son président de mari avait accepté de se mettre un peu en retrait pour laisser au Nègre Banane la chance de se faire connaitre, madame Martelly ne l’entendait pas de cette oreille. Il importait de le comprendre: « Jovenel est une propriété ». Une propriété que l’on doit pouvoir retracer à tout moment.

Dans un pays qui a fait 1804 et où la question de couleur – les américanisés parlent de colorisme – demeure prégnante, une telle affirmation évoque des images mal venues de personnes noires asservies. Jovenel Moïse est un homme bien noir, choisi – nous assure le chanteur et ex-Sénateur Jacques Sauveur Jean – pour sa ressemblance avec le paysan haïtien anciennement asservi. Les Martelly sont des grimauds – Noirs de teint clair – se projetant mulâtres – métis générationnels. L’affirmation provoque un certain inconfort.

« Jovenel Moïse est une propriété » ne veut pas dire toutefois qu’il est celle des Martelly ou même des Saint-Rémy. Seulement qu’il appartenait à quelqu’un. Quelqu’un qui tenait à tout connaître de ses faits et gestes. Quelqu’un qui devait continuer à le suivre durant sa présidence et qui doit en savoir plus sur sa mort. Qui y a donné son accord ? Qui l’a commandité ?

Dans l’article du New York Times, comme dans les ragots de la République, Michel Martelly semble être un jouet aux mains de sa femme et de la famille de celle-ci. Cela s’entend. La journaliste semble avoir surtout rencontré des informateurs venant du camp Lamothe – Esther Antoine, certes, mais il faut sans doute compter le compagnon de celle-ci parmi les conseillers anonymes cités.

À l’époque où il était Premier Ministre, le camp de Laurent Lamothe pointait déjà du droit Sophia Martelly comme l’artisane du schisme entre les deux amis. Sophia Martelly qui faisait espionner le Palais par Anne-Valérie Timothée Milfort. Sophia Martelly qui faisait espionner Global Voices – l’entreprise de Monsieur Lamothe – à qui elle louait une maison. Sophia Martelly qui, avec le concours de son frère, Kiko, remettait les ministres à leur place et travaillait à faire tomber le Premier Ministre.

La chose n’est pas nouvelle. Depuis 1804, les hommes qui ont fait la révolution ont décidé de s’emparer du pouvoir au détriment de celles qui l’ont fait avec eux. Parallèlement, se construisit une rhétorique d’arrivistes, d’intrigantes, de grands jupons contrôlant dans l’ombre de pauvres hommes politiques livrés aux descendantes de Jouthe Lachenais – archétype de la séductrice haïtienne qui se serait offerte 35 ans de pouvoir en prenant au piège Alexandre Pétion puis Jean-Pierre Boyer. Sophia Martelly en femme fatale de l’ère PHTK, sorte de Lady Macbeth des Caraïbes, n’est pas difficile à vendre. Dans un pays où pour mieux empêcher les femmes d’accéder au pouvoir, on s’empresse de leur supposer un pouvoir de l’ombre, le récit trouvera – et de fait a trouvé – facilement un écho.

Ce caveat posé, l’on ne peut ignorer l’influence des Saint-Rémy dans l’ère PHTK. Il y a la femme, Sophia, ancienne manager du chanteur Sweet Micky un temps reconvertie en gestionnaire de programmes sociaux financés par les fonds Petrocaribe après avoir travaillé sur les problèmes de laide humanitaire en compagnie d’un certain Josué Leconte, futur collègue de son beau-frère, Gesner. Il y a le beau-frère – Gesner Champagne – qui menace des directeurs généraux, dont la compagnie – Preble-Rish Haiti – dépêche des mercenaires américains à la Banque centrale et chez qui, le frère, Kiko, gifle des ministres. Il y a le frère, Charles « Kiko » Saint-Rémy, giflant des ministres par ci, menaçant qui veut lui enlever le monopole du commerce d’anguilles, par là ou appelant à et obtenant la démission du Premier ministre Lamothe.

Contrairement à l’histoire officielle de leur rencontre, c’est par Kiko que Michel aurait fait la rencontre de Jovenel. La mémoire collective se souvient d’un homme maigre en chemise verte poussé au-devant de la scène par un Michel Martelly goguenard présentant sa belle découverte – un fauxpreneur aux réussites douteuses – qu’il nous a vendu comme le paysan qui allait sauver la banane haïtienne et en qui il allait investir, par l’entremise du Fonds pour le développement industriel, 6 millions de dollars de l’argent du contribuable. En réalité, Jovenel Moïse et son cousin Jacques Jean Kinan, avaient travaillé avec M. Saint-Rémy dans l’industrie de l’anguille – une industrie, nous apprend le New York Times,  récemment identifiée comme étant un canal de blanchiment de fonds.

L’ancien sénateur du Nord-Est, Jean Baptiste Bien-Aimé, évoque une relation fusionnelle – pwason kraze nan bouyon – entre Kiko Saint-Rémy, Jovenel Moïse et Evinx Daniel – un proche de Michel Martelly, arrêté en 2014 pour trafic de drogue et dont l’entreprise fut longtemps soupçonnée de blanchiment d’argent. Jovenel Moïse étant arrivé au pouvoir avec une inculpation pour blanchiment d’argent, l’on serait en droit de penser que le bouillon où flottait tous ces poissons, avec ou sans anguille, en était un de narcotrafic et que le propriétaire dudit bouillon devait aussi être celui de Jovenel Moïse.

C’est ici que tout devient compliqué. Le réflexe premier est de s’intéresser à la fameuse Baz Galil – le gang de ce pauvre Brandt, fait kidnappeur à l’insu de son plein gré – et dont Monsieur Saint-Rémy serait le numéro deux. L’on pourrait faire pire. Après tout, Woody Ethéart- alias Sonson Lafamilia – grand ami des Martelly et cerveau présumé de Baz Galil – avait été arrêté puis transféré par la police dominicaine au mois de mai 2021 et Jovenel Moïse ne semblait pas pressé de le faire libérer comme ce fut le cas, en 2015, sous la présidence de Martelly. Le fils ainé du président Moïse – Joverlein Moïse qui s’est lancé dans une croisade pour que justice soit rendue à son père – y va de son interprétation:

Il est possible que Martelly ait perçu son arrestation comme un manque de respect, que mon père était un traître et trahissait la famille Martelly.

Joverlein Moïse, cité par le New York Times

Mais peut-être faut-il étendre la trahison ressentie et la Famille en question. La Familia de Galil, certes, mais aussi La Familia internationale qui les fournit en drogues à faire passer aux États-Unis et, possiblement, accessoirement, en mercenaires chargés d’éliminer une propriété fait président qui s’apprêtait à tout raconter au Blan.

Pas de veine, le Blan, Léviathan spontané, donnera sa bénédiction à un remplaçant soupçonné de connivences poussées avec les assassins.

Quand Kiko Saint Rémy appelait à la démission de Laurent Lamothe

Le 18 novembre 2014, alors que la résistance au Président Michel Martelly se faisait inquiétante, son beau-frère, complice et gifleur émérite de ministres, rejoignait une manifestation anti-gouvernementale pour exiger la démission du Premier ministre Laurent Lamothe. Le schisme entre Martelly et son ancien patron et ami était presque consommé. Les problèmes entre les deux hommes étaient de plus en plus insurmontables. La première dame, Sophia Saint-Rémy Martelly, était réputée fatiguée de voir Lamothe durer aussi longtemps et pressée de le remplacer par quelqu’un qui serait redevable au couple et non l’inverse. Que son frère appelle publiquement à la démission du premier ministre était tout sauf fortuit. Moins d’un mois plus tard, au 14 décembre 2021, Laurent Lamothe démissionnait de son poste avec, comme c’est la coutume, le sentiment du devoir accompli.

Si c’est cela qui peut vraiment débloquer la crise politique, j’ai décidé de remettre au président (Michel) Martelly ma démission à la tête du gouvernement, ainsi que la démission de tous les ministres … Je quitte le poste de Premier ministre avec le sentiment du devoir accompli. Nous avons engagé ce pays dans une dynamique de mutations profondes et de changements réels au bénéfice de la population … nous espérons de tout cœur que le travail remarquable de mon gouvernement ne sera pas gâché et que d’autres grandes réalisations sont à venir pour notre pays par le prochain Premier ministre.

Laurent Lamothe, cité par Le Point. 14 décembre 2014

Le Président Martelly accepta cette démission de son premier ministre en « reconnais[sant] cette position qu’il prend pour aider à trouver une issue à la crise » et en le « félicit[ant] pour son courage et sa détermination à aider Haïti ». On l’excusera du peu. Son beau-frère s’était montré infiniment moins convenu, accusant Lamothe, entre autres atrocités, d’« instrumentalise[r] la justice » et de neutraliser des « compétiteurs », des « opérateurs », des « militants ». En guise de réponse, le Premier ministre se contenta d’un tweet visé:

Nous prônons la liberté et l’indépendance du pouvoir judiciaire. C’est indispensable pour la démocratie. La lutte contre la criminalité continue.

Tweet du Premier ministre repris par Le Nouvelliste. 19 novembre 2014.

Le beau-frère du président plaidait un peu sa propre cause. Il devait être auditionné comme témoin dans l’instruction du dossier de Woodly Ethéart – nom de guerre, Sonson Lafamilia – de Baz Galil, le gang du malheureux Clifford. Fait kidnappeur à l’insu de son plein gré, Clifford Brandt aurait offert une liste des chefs de Baz Galil dont il ne serait « que » le numéro 5. Monsieur Saint-Rémy en aurait été le numéro 2 avec un Handal – pas le Samir suspecté magnicide mais Stanley, arrêté puis relâché dans le cadre de instruction sur l’enlèvement de sa mère en 2005 – à la première place. Pierre Espérance du Réseau National de Défense des Droits de l’Homme, jamais avare de révélations, n’y alla pas avec le dos de la cuiller.

Kiko St-Rémy symbolise le secteur mafieux en Haïti … L’arrestation la semaine dernière du commissaire Télémaque constitue la dernière goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il craint que l’ex-haut gradé de la police puisse livrer des informations susceptibles de le faire tomber dans les filets de la justice.

Pierre Espérance, cité par Le Nouvelliste. 20 novembre 2014

Mais les enjeux étaient plus importants encore. À la fin de l’année 2014, il s’agissait de s’assurer que la personne qui – courtoisie de l’une des dispositions les plus dangereusement stupides de la Constitution de 1987 – devrait tenir au chaud la chaise bourrée en attendant le second mandat de Martelly ne soit pas Lamothe. Il fallait donc forcer celui-ci à la démission et s’assurer qu’il ne reçoive jamais la décharge nécessaire pour se porter candidat à la présidence.

Au final, c’est un egare présumé, choisi pour sa ressemblance avec le paysan haïtien, un fauxpreneur à qui l’on créera une image de Seigneur de la Banane – qui sera le dauphin du roi bouffon. Un dauphin qui, selon les rumeurs, avait décidé de donner son soutien à Lamothe pour lui succéder, au grand dam de celui qui l’avait fait Président, allant jusqu’à lui accorder la précieuse décharge, le 5 juillet 2021 – soit moins de deux jours avant sa mort brutale. Visiblement, Jovenel Moïse avait oublié que – comme le souligne Sophia Martelly, cité par le New York Times – il n’était qu’une « propriété ». Pire, voilà que, de nouveau, l’on s’apprêtait, de nouveau, à juger Sonson Lafamilia – qui avait bénéficié d’un jugement particulièrement favorable post-Lamothe avant de le voir cassé par la Cour de Cassation suite à un appel du Ministère public. À cela, il faudrait ajouter cette fameuse liste de puissants politiciens et d’entrepreneurs impliqués dans le trafic de drogue en Haïti.

Jovenel Moïse n’a pas survécu pas à autant de « trahisons ». En apprenant son assassinat, Lamothe, dit-on, pleura.

Anguilles sous roche à Savane Diane

Dans un reportage-fleuve du New York Times sur le rôle que le trafic de drogues a pu jouer dans le magnicide du 7 juillet 2021, nous retrouvons Savane Diane, sa zone franche, ses pistes d’atterrissage d’héroïne et de cocaïne. Le journal new-yorkais en dresse un portrait très virvant:

Dans cette région où la malnutrition est endémique, les habitants refusent de s’approcher d’un petit lac situé dans les environs, alors qu’il regorge de poissons. Interrogés par le New York Times à sujet, les fermiers expliquent que des restes humains y sont souvent déposés.

« Le président haïtien dressait une liste de narco-trafiquants. Ses tueurs l’ont saisie ». The New York Times. 12 décembre 2021

Le 8 février 2021, un jour après la répétition générale de son magnicide, le Président Jovenel Moïse publiait l’arrêté présidentiel créant la « zone franche agroindustrielle de Savane Diane« . L’arrêté a été immédiatement dénoncé. Sept organisations de défense des droits – Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen (TK), Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA), Kolektif Jistis Min (KJM), Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH), Institut Culturel Karl Levêque (ICKL), Mouvement Démocratique et Populaire (MODEP) et la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) – ont fait sortir une note conjointe pour s’opposer à la décision illégale d’un « président de facto … malgré la fin de son mandat constitutionnel » au profit d’un « bourgeois apatride » et d’une multinationale : la Coca-Cola. Ces organisations ont vu dans cette nouvelle zone franche une preuve de plus du caractère anti-paysan et antinational d’un régime acquis à la cause des capitalistes mondiaux au détriment des intérêts de la majorité et tenaient à faire savoir que

Savane Diane appartient aux productrices et producteurs paysans : Elle n’est ni à vendre, ni à concéder à des tiers.

Note de Presse: Savane Diane. 4 mars 2021

Les visas de l’arrêté précisent sa genèse. Il existe

Vu la requête en date du 11 novembre 2019 présentée par Madame Nina Apaid, identifiée au numéro d’immatriculation fiscale: 003-209-594-0 et au numéro d’identification nationale: Ol-01-99-1950-02-00016, propriétaire, demeurant et domiciliée au numéro 11, Rue Saint Hubert, Turgeau, Port-au-Prince, Haïti, Présidente de la Société Stevia Agro Industrie S.A. (STEVIA S.A.) sollicitant le Statut de zone franche au profit d’un projet d’investissement agricole devant être implanté à Savane Diane, territoire relevant concomitamment des Communes de Saint-Michel de l’Attalaye (Artibonite), Maïssade (Centre), Pignon et Saint-Raphaël (Nord) ;

Arrêté du 8 février 2021.

La famille Dejoie a précisé à qui appartiennent ces terres devant accueillir ce projet ambitieux de 250 millions de dollars devant « générer plus de 20,000 emplois directs, sans tenir compte des emplois indirects »:

En tant que représentant légal, « mandataire » de la famille Déjoie, je rédige cette note pour clarifier certains malentendus dans de récentes publications sur les médias sociaux et certaines émissions radiodiffusées concernant le projet en cours à Savane Diane sur la propriété de ma famille.

«La zone franche est créée sur la propriété privée de ma famille et non sur une propriété appartenant à l’État haïtien», Louis Déjoie III, cité par Le Nouvelliste, 25 février 2021.

La famille Apaid a voulu rassurer sur les retombées du projet:

 Sur les 32,000 hectares de terre de la Savane Diane, la famille Apaid, à travers la Stevia Agro Industrie, nourrit de grandes ambitions. Cette superficie s’étendant sur trois départements, est consacré à l’agro-industrie. Le manioc, la canne-à-sucre, l’avocat et la Stevia, seront les principales cultures de l’entreprise.

André Apaid cité par Ici Haiti. 10 mai 2021

et sur son financement:

les rumeurs sur les 18 millions de dollars reçus de l’État sont fausses …  Pas une gourde ne provient de l’État [si on exclut un prêt à 6% du FDI] …  Il n’y a eu aucun accord politique avec le pouvoir.

André Apaid cité par Le Nouvelliste. 5 mai 2021.

Mieux, « les responsables ont annoncé avoir déjà commencé la distribution de certificat de propriété à ceux qui vivaient sur les terres de Déjoie depuis 60 ans qu’elles ont été abandonnées, dans le souci de ne pas les déposséder ».

L’affaire n’alla pas plus loin. Il était question d’une ouverture prochaine à de nouveaux actionnaires mais, avec notre chance, nous aurons probablement un nouvel Agritrans sur les bras … jusque dans la piste d’atterrissage pour avions clandestins pour le compte de narcotrafiquants latinoaméricains.

L’article du New York Times nous parle d’un appel furieux de la brigade des stupéfiants américaine, la Drug Enforcement Agency (DEA). L’Agence américaine voulait des explications sur l’augmentation de vols en direction de la zone.

Entre mai et juin, la piste à Savane Diane, ainsi qu’une autre dans le nord de Haïti, connaissait un volume anormal de trafic, au moins une douzaine d’avions se posant avec potentiellement des milliers de kilos de cocaïne, selon des responsables de sécurité haïtiens.

New York Times. op.cit.

Nous sommes à la mi-juin. Le Président Jovenel Moïse, furieux, aurait donné l’ordre de détruire les pistes d’atterrissage mais … il nétait pas le vrai leader, il était une « propriété ». Personne ne l’écouta. Il n’était qu’un bonhomme choisi pour garder une chaise au chaud, un « fauxpreneur » à qui l’on avait créé une histoire bidon d’entrepreneur à succès après l’avoir tiré de la fabrique de biscuits Mariella – une entreprise appartenant à un proche de Michel Martelly « soupçonnée d’être une façade pour du blanchiment d’argent ».

Il fut également question d’anguille. Et pas que sous roche. Un commerce d’anguille avec le beau-frère de Martelly – Kiko Saint-Rémy – qui se serait arrangé, sous l’administration de son beau-frère, pour se faire accorder des permis d’exploitation, au point de forcer Jovenel Moise à se retirer des anguilles pour se lancer dans la banane. L’ex associé de ce dernier dans le commerce d’anguille – reconverti en hôtelier et, accessoirement, arrêté pour trafic de drogue puis relâché à la demande de Martelly – est présumé mort. Moise aurait dû en prendre de la graine. Mais non, il voulut se comporter en chef. « Le Président a parlé. Point barre. » martellait-il mais Martelly n’en avait cure. L’appareil étatique n’en avait cure. Le peuple n’en avait cure. Une blogueuse en conclut qu’il était aussi naïf que menteur. L’invita même à être chef pour de bon, que diable! *

 L’impéritie est une calamité pour tous, y compris notre incapable de président. Dans son op-ed d’hier, il parle de nuits blanches à plancher sur ses difficultés à diriger le pays. Une fois n’est pas coutume, je le crois. […] Sous Moïse, même les Premiers Ministres ne peuvent plus jouer leur rôle traditionnel de fusible. Le Président embrasse ses crises, saute avec elles et compte sur l’ambassade américaine pour sauver quelques morceaux.

Monsieur le Président, puisque vous tenez à garder le titre et nous imposer votre disgracieuse personne, agissez comme tel. La loi de ma bouche. 13 juillet 2019.

Vers la fin, l’ambassade américaine se garda bien de sauver les morceaux de Monsieur Moïse. Joseph Felix Badio, un ancien informateur de la D.E.A, est présumé à la tête des assassins. Le Dr Ariel Henry, imposé par le Core Group les États-Unis d’Amérique, a reçu plusieurs appels de Monsieur Badio le jour même de l’assassinat; les rumeurs veulent même que ce dernier ait circulé dans des véhicules blindés du gouvernement avant de quitter le pays avec la complicité de celui-ci.

Depuis peu, le Dr Henry a viré les derniers jovenelistes qui s’accrochaient encore et s’est installé au Palais National … en attendant, le jour, où, inévitablement, le Blan, Léviathan spontané le broiera à son tour.


Note: Le Ministère de l’agriculture et des ressources humaines maintient sur son site un inventaire des zones agroécologiques de Savane Diane réalisé par l’École moyenne de développement de Hinche. Il retrace l’histoire agricole de la zone.

* Au 14 janvier 2020, le MARDNR a bien communiqué un memorandum sur la suspension des licences des entreprises ayant dépassé leur quota d’exportation d’anguilles mais il est peu aisé de savoir quel fut son impact réel.

Aux quatre hauts fonctionnaires et conseillers haïtiens chargés de rédiger la « liste de puissants politiciens et d’entrepreneurs impliqués dans le trafic de drogue en Haïti » de feu le Président Jovenel Moïse

Messieurs,

Aujourd’hui, un article du New York Times s’essaie à offrir des réponses aux raisons d’un magnicide qui a choqué une nation. Signé Maria Abi-Habib, chef du Bureau du New York Times pour l’Amérique latine et les Caraïbes, le reportage s’efforce de retracer les sources de la rancœur de ceux qui auraient commandité l’assassinat d’un président en exercice, du trafic d’anguilles au trafic de drogues, en passant par la frustration de l’ancien Président Michel Martelly de voir le dauphin qu’il s’est choisi – une « propriété » aurait dit sa femme Sophia Martelly – se préparer à miner son retour au pouvoir.

Depuis 3 ans, la rumeur voulait que ce soit l’ancien premier ministre et ancien patron de Michel Martelly, Laurent Lamothe, qui ait la faveur du Président Jovenel Moïse. Au sein du parti au pouvoir, les tensions – voire l’animosité – entre les Jovenelistes et les Martellystes allaient s’accentuant. On n’attendait plus que l’explosion. Et quelle explosion se fût! Les Martellystes obtinrent la nomination d’un nouveau Premier Ministre en Ariel Henry. Les Jovenelistes obtinrent la décharge nécessaire à une candidature de Laurent Lamothe. Jovenel Moïse n’y survécut pas. Exactement, 3 ans après les manifestations spontanées des 6-7 juillet 2018 et les 3 ans de contestations plus ou moins populaires qui ont suivi, il était tué, chez lui, par un commando armé, au terme d’un complot international dont les contours sont encore à préciser.

Aujourd’hui, messieurs, l’article du New York Times qui semble pour cela se baser sur vos dires offre une nouvelle pièce au puzzle. Peut-être même la pièce centrale. Le Président Moïse allait parler, il allait donner des noms – et non pas juste y faire allusion et/ou user de métaphores. Jovenel Moïse avait fait préparer, par vos soins, « une liste de noms de trafiquants de drogue présumés » qu’il devait transmettre au gouvernement américain. C’est un retour plutôt inattendu de la théorie proposée par Alexandre Benalla, quelques heures après l’assassinat. Dans un tweet depuis effacé, le sulfureux ancien responsable de sécurité du président français Emmanuel Macron avançait que l’assassinat du président Jovenel Moïse était l’œuvre de « sicarios » dépêchés par les cartels de la drogue sud-américains.

Le saut était facile. Les mercenaires étaient venus de Colombie; les relations Haïti-Colombie sont plus souvent qu’autrement marquées par le narcotrafic. Benalla fit le saut. Du reste, nous y avons tous pensé. Très vite toutefois, nous avons eu droit à un défilé de personnages les uns plus grotesques que les autres, d’un pasteur-pion à une juge-diamant, en passant par les commanditaires et exécuteurs, colonel Mike et autres J3. Nous avons eu droit à une cinquantaine d’arrestations plus ou moins spectaculaires, un rapport de 120 pages qui laisse supposer que les responsables de la sécurité du Président Moïse l’auraient livré à ses assassins. Il était aussi question de fortes sommes emportées par le commando ainsi que les serveurs des caméras de surveillance de la résidence et des documents non spécifiés. La piste « sicarios » avait perdu de son attrait.

Aujourd’hui, messieurs, le New York Times revient sur les liens de Michel Martelly – et en particulier, son beau-frère, Charles “Kiko” Saint-Rémy – avec la drogue. Nous nous y sommes faits mais le nombre de gens dans l’entourage de l’ancien président à se retrouver impliqués dans le narcotrafic est important. Il y a, bien sûr, l’homme même qui – d’après l’ancien Directeur général de la police nationale, Mario Andrésol – transportait de la drogue. Il y a également son protégé – Dimitri Hérard– imposé à Jovenel Moïse comme responsable de la sécurité, un des acteurs principaux, 6 mois plus tôt, le 7 février 2021, de la répétition générale du magnicide, et désormais un des suspects principaux du magnicide acté. On ne compte plus les membres et les élus du PHTK, crédiblement accusés d’être mêlés au narcotrafic, voir même arrêtés, puis libéré par grâce présidentielle. Même l’ancien chauffeur de Michel Martelly a été arrêté pour trafic de drogue.

Il importe de savoir plus sur cette mainmise du narcotrafic sur la politique haïtienne. Il est fondamental d’aller au fonds de cette histoire dont l’implication pourrait bien être que tous les présidents haïtiens sont désormais passibles d’assassinat. Aussi, est-il de votre devoir, Messieurs, de faire publier cette liste dont vous devez bien avoir une copie, pour avoir travaillé dessus. Vous semblez vous souvenir de Kiko Saint-Rémy. Ce n’est pas une nouvelle, la terre entière sait déjà qu’il a été/est encore (?) un trafiquant de drogue. Ce qu’il nous faut, c’est le reste. Le Président Moïse a longtemps joué avec l’idée de « nommer des noms ». Il en serait mort. Peut-être y a-t-il là une conclusion à trouver ?

Toujours est-il qu’il existe plusieurs avenues où faire fuiter des documents compromettants:

  • Les publier de la plus anonyme façon sur pastebin – avec le risque que personne ne les voit,
  • Les envoyer – nettoyés de leurs métadonnées – aux médias haïtiens et étrangers en utilisant protonmail – un service courriel parfaitement anonyme,
  • Les partager à l’aide d’une clé de cryptage PGP pour vous assurer que personne d’autre que vo.tre.s interlocuteurs ne puisse l’ouvrir. Je vous recommande le logiciel Kleopatra dans ce cas-là.

Une avenue qui n’en est pas une est de raconter à une journaliste étrangère qu’une liste existait – par vos soins, je le rappelle – et qu’elle a été subtilisée par un commando armé. Si de jouer au plus fin, protégeait les gens, Jovenel Moïse serait encore vivant. Alors, soyez directs, Messieurs, publiez cette liste. Si elle existe.

En attendant, complot pour complot, je préfère rester sur cette conversation avec un ami au lendemain du coup d’Etat qui ne voulait pas dire son nom et continuer à parier sur les importateurs d’armes et certains services de sécurité réputés entraîner des paramilitaires colombiens. Mais il est vrai que ces gens entrainent aussi les tueurs des cartels