Le Dr Ariel Henry n’a plus à s’en cacher. Il a pris le pouvoir, il l’a pris net. Fini le temps où il devait s’accommoder des reliques d’une administration d’un défunt dont il devait jouer le rôle de premier ministre posthume alors même qu’il s’embrouillait à expliquer sa familiarité apparente avec les auteurs intellectuels présumés du magnicide. Désormais, le Dr Henry préside au Palais National. Avec SON cabinet ministériel et SON secrétaire de SON Palais National.
Il y eut bien les derniers soubresauts de 1) le secrétaire précédent qui, sous le coup de l’émotion, signifia son indignation dans une lettre aux coquilles nombreuses et 2) les gardes de l’unité générale de sécurité du Palais National (USGPN) qui, à défaut d’avoir gardé la vie du président assassiné, tentèrent quelques heures de garder sa chaise, mais la résistance fut de courte durée. Un nouveau Secrétaire, ancien haut fonctionnaire de l’ancien roi bouffon et ancien ambassadeur du dauphin assasiné, était installé, devant la presse aimablement conviée à assister à l’événement.
Le nouveau cabinet est un who’s who d’anciens ministres Martelly et assimilés, de mangeurs réputés de l’opposition invités au partage du gâteau et d’amis de boisson du Dr. Les Jovenelistes ont vécu. Les Martellystes sont de retour. L’opposition a son gâteau de transition. Le coup d’État consensuel est acté.
À Martissant, indifférent à ces intrigues de palais, les gangs continuent leurs guerres. Le pays désormais coupé en deux est dans l’attente même s’il ne sait plus de quoi. Un temps, le peuple haïtien attendait le Blan. Un sondage post-magnicide le trouvait concédant le rôle important que jouerait la communauté internationale – lire les États-Unis d’Amérique déguisés en Core Group – aurait à jouer dans la suite, pour mettre de l’ordre. Le peuple avait raison. Nos meilleurs ont imposé le Dr Ariel Henry. Le peuple avait tout de même un peu tort. L’amélioration du climat sécuritaire se fait attendre.
Il était également question d’élections. Le peuple haïtien les souhaitait le plus rapidement possible. Le Dr Ariel Henry est moins pressé. On le comprend. Il n’est pas le seul. D’autres amateurs d’accords de transition parlent de 2023. Le Dr ne doit pas être en désaccord. 2023, ce devrait être assez pour son vaste projet de gouvernance solitaire, unitaire, non fongible, non collégial. Il appert qu’il va, avec le silence assourdissant des juristes de la République, doter le pays d’une nouvelle constitution par voie référendaire. Sous l’ère Moïse, il s’en était trouvé pour soutenir – à tort – que la Constitution de 1987 interdisait qu’on la remplace par référendum. Sous l’ère Ariel, ils ne pipent mot. Soucieux des bonnes manières, peut-être se gardent-ils de parler la bouche pleine ? Auquel cas, on ne peut qu’admirer leur bonne correction.
Généralement peu embarrassé des règles de savoir-vivre et des règles tout court, l’ancien député Arnel Bélizaire, fraichement sorti de prison, appelle à la mobilisation. Il n’est pas seul. Des groupes ici et là d’illustres inconnus et de connus peu illustres, espérant contre toute espérance que le pouvoir est à portée de mains destinées, invitent la population à se mobiliser. Mais la population ne bouge pas. Elle ne doit pas les entendre.
Ventre affamé n’a point d’oreille. Et le ventre du peuple haïtien est très affamé. D’après le Programme alimentaire mondial, 4.4 millions d’Haïtiens ont besoin d’une assistance alimentaire immédiate; avec 1.2 millions d’entre eux souffrant de faim sévère. La carte de la famine en Haïti – régulièrement mise à jour par réseau d’alerte FEWS (Famine Early Warning System) – montre un territoire où absolument aucune région n’est épargnée. Nous avons faim. Nous vivons sous la menace des bandits. Nous sommes rapidement renvoyé.e.s chez nous quand nous essayons de partir ailleurs …
Mais « Ariel Henry préside actuellement son tout premier Conseil des ministres, une semaine après l’investiture du nouveau cabinet ministériel du gouvernement de Consensus ». Le coup d’État va bien.
Dans une jungle comme Haiti où la constitution est inexistente à cause de l’incapacité de l’etat, qu’est-ce-qu’on pourrait esperer de mieux?
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