« Celui qui recherche la vengeance devrait commencer… par creuser deux tombes. » Confucius
Hier, ce que j’ai décidé au début, un peu par jeu – on est fan de Tesla où on ne l’est pas – de baptiser la « guerre de courants », a pris un nouveau tournant. Avec certains protagonistes en exil plus ou moins volontaires, voilà l’État haïtien qui fait poser des scellés et ordonne une descente de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) chez la veuve d’un ancien président et trois des membres d’une famille connue de gens d’affaires .
Cette fois, je n’ai même pas le loisir de récupérer des copies de convocations, de notes de presse et autres mandats pour le dossier sur Google Drive. Ne m’arrivent que des photos par Whatsapp et des filets dans la presse web plutôt pauvres en informations. Semble toutefois se profiler une évidence : ni la justice, ni la loi ne sont importantes dans cette affaire. L’État de Jovenel Moïse a décidé de régler ses comptes avec la Sogener des Vorbe. Le pourquoi du comment, nous ne saurons probablement jamais; cette guerre n’étant pas, de toute façon, pour notre bénéfice.
Officiellement, les actionnaires de Sogener sont accusés de « faux et usage de faux en écriture privée, de surfacturation, d’enrichissement illicite, d’association de malfaiteurs et d’abus de confiance » au préjudice de l’État haïtien.

Les faits reprochés seraient liés à des contrats d’achat d’électricité longtemps décriés et pour lesquels Alberto Zoratti, consultant à la banque mondiale et autrement plus qualifié que moi sur la question, avait proposé, en 2013, un scénario de renégociation avec à peu près le même succès qu’une autre proposition de transition négociée. L’État haïtien décida de mettre fin unilatéralement aux contrats avec les entreprises concernées – Sogener, Haytrac, Epower – et de poursuivre les responsables en justice.
Contrairement à ce qui se dit dans certains cercles, l’Etat haïtien peut à tout moment résilier un contrat pour motif d’intérêt général et n’a guère besoin de raison autre que la raison d’Etat pour le faire . C’est le fait du Prince où celui-ci décide de la plus arbitraire façon de faire ou de ne plus faire. Dans ces cas-là, le droit administratif discoure en termes d’indemnisation intégrale ; ce que semblait laisser entendre, un temps, la résolution du Conseil des ministres en date du 23 octobre 2019… jusqu’à ce que l’un des avocats de l’Etat haïtien nous explique que ce qui se réglait ici n’était pas une question civile (de dettes croisées) mais de crimes qualifiés à réprimer :
À partir de ce moment, tout change. Epower et Haytian Tractor semblent avoir disparu de la circulation. Le focus entier est sur Sogener dont le Conseil d’administration aurait sans doute dû confisquer le téléphone du vice-président depuis l’époque ancienne du #Petrobif.
Le Président Moïse, nous l’avons vu, sait être vindicatif. Il l’est même avec méthode. Ce que je peine toutefois à saisir c’est pourquoi – même à assumer un désir de démocratie illibérale – il se lance dans une vendetta si manifestement illégale, voire a-légale. J’ai beau cherché, je ne saisis pas. Je ne comprends pas. Je ne vois pas l’intérêt de maltraiter à ce point un dossier à moins de vouloir perdre.
Un ami avocat – et donc familier des théories du complot- suggère que quelqu’un de l’équipe du Président le saboterait de l’intérieur. J’ai la fâcheuse manie de me garder de chercher des complots là où l’incompétence suffit; je resterai donc, ne vous en déplaise, bien loin de cette théorie. Elle n’en a pas moins quelque mérite. Ne serait-ce que pour le Président Moïse qui gagnerait à se rappeler qu’il creuse une double tombe et que celui qui y tombe n’est pas toujours celui qu’on croit.