Monsieur le Président, puisque vous tenez à garder le titre et nous imposer votre disgracieuse personne, agissez comme tel

« Le système » a encore frappé. Il s’acharne contre le Président Jovenel Moïse réduit à se tourner vers le Miami Herald pour confier ses malheurs. Il y parle de méchants sénateurs qui n’ont pas voulu le laisser avoir un gouvernement et d’une méchante Cour des Comptes qui aurait menti sur son compte. « Si Haïti me donne un gouvernement, titre son éditorial, nous pouvons travailler à un avenir meilleur ».

Dans cet avenir meilleur, il y a apparemment la sape de nos institutions par celui-là même qui est chargé par la Constitution (art. 136) de veiller à leur stabilité. Le Président Moïse qui, l’année dernière voyait dans la Cour des Comptes, l’institution qui viendrait faire éclater la vérité des mensonges du rapport Beauplan, travaille désormais avec l’Organisation des États américains pour « monter une commission d’experts internationaux indépendants » pour faire éclater la vérité des mensonges du rapport de la Cour.

Monsieur Jovenel Moïse, le Président de la République, le Chef de l’Etat, voit en la mise en place de cette commission la clé qui permettra au système politique de se remettre à gouverner. Une Commission appelée à produire un rapport de plus sur la dilapidation des fonds Petrocaribe serait la seule capable de délivrer les gens de la Saline de la mainmise des gangs, la gourde de sa chute vertigineuse face au dollar, la population haïtienne de la précarité totale qui est la sienne.

De toutes les inepties sorties dans les lamentations du Président Moïse au Miami Herald – elles sont nombreuses et je ne fais pas que référence à sa « brillante carrière de bananier » – c’est ce qui m’a le plus choquée. Certes, sa façon de réduire le rapport de la Cour Supérieure des Comptes à sa petite personne est proprement abjecte mais il y a plus urgent. Le Président, la chose est évidente, n’a aucune idée de son rôle et de ses fonctions.

Le voilà, pour de vrai cette fois, victime complice d’un « système » qui l’a placé là où il n’aurait jamais dû être. La kakistocrassie est traîtresse. Elle détruit jusqu’à celleux qui la président. L’impéritie est une calamité pour tous, y compris notre incapable de président. Dans son op-ed d’hier, il parle de nuits blanches à plancher sur ses difficultés à diriger le pays. Une fois n’est pas coutume, je le crois.

Ignorant tout de ses fonctions, Jovenel Moïse multiplie les problèmes pour le pays certes, mais pour lui aussi. À commencer par la Caravane du changement et cette promesse ridicule d’électrifier le pays en 2 années… alors que personne ne lui avait rien demandé. Cette affreuse manie de tout ramener à lui et à lui seul alors qu’il a un Parlement allié et des ministres à qui faire porter les échecs éventuels.

Sous Moïse, même les Premiers Ministres ne peuvent plus jouer leur rôle traditionnel de fusible. Le Président embrasse ses crises, saute avec elles et compte sur l’ambassade américaine pour sauver quelques morceaux. Voilà pourquoi les appels à la démission tombent dans l’oreille d’un sourd. Même pas peur. Il faut commencer par savoir ce que l’on doit faire pour reconnaître ne pas l’avoir fait, en avoir honte et démissionner. Du reste, j’ai toujours préféré à la démission – bien trop noble – la destitution, l’arrestation et la disgrâce qui viennent du passage de la Présidence à la Prison.

C’est au deuxième paragraphe de ce billet, qui se voulait le pendant « présidentiel » de À quoi sert Gracia Delva, que je me suis rendue compte de l’inutilité de l’injonction incluse dans son titre. Le Président Moïse est incapable de se comporter en Président. Il est vain de le lui demander.

S’il l’était, il saurait que ce n’est pas à Haïti de lui donner un gouvernement mais à lui d’en donner un à Haïti. S’il l’était, il admettrait son incapacité à le faire et chercherait la solution en dehors de « cadeaux » faits à une « opposition » en décomposition. S’il l’était, il comprendrait que ce peuple dont il préside la destinée n’en a que faire d’une tribune au Miami Herald. Le peuple haïtien a faim, le peuple haïtien est aux abois, le peuple haïtien en a marre. C’est un dangereux cocktail pour une présidence.

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