Raquel Pélissier représente-t-elle vraiment la femme haïtienne?

Cette question d’un spectateur sceptique a provoqué hier soir sur Twitter un affreux florilège d’injures d’émo-nationalistes révoltés par le racisme, la négativité, l’ignorance, la bêtise, la mauvaise haleine – comment ça se sent dans un tweet, on ne sait – de ce trouble-fête qui ferait mieux de fermer sa gueule, de supprimer son compte Twitter et d’aller se faire pendre. Comment osait-il en effet questionner cette quasi-victoire de la belle Raquel qui nous a rendus si fiers? Les élections locales et législatives – qui, soit dit en passant, avaient lieu hier – ne nous intéressant guère, nous avions trouvé une compétition où Haïti pouvait gagner. Et, l’espace d’un instant, nous avons pu y croire.

Notre Raquel – hier soir, elle nous appartenait – était belle, gracieuse, intelligente. Côté storytelling aussi, elle n’était pas en reste. Notre Miss, qui fait des études de master en optométrie à Madrid, travaille à trouver un remède contre la cécité; une vocation qui lui est venue du fait que sa grand-mère était aveugle. Elle a, de surcroît, survécu au fatidique tremblement de terre de 2010, ce qui a changé complètement sa façon de voir la vie et explique sa détermination à réaliser ses rêves. Elle avait donc tout pour gagner un show de téléréalité. Mais la petite Miss Nord-Pas-de-Calais qu’on disait laide, dont on avait pas voulu chez elle et qui ramène la couronne après 63 ans, c’était autrement plus charmant comme triomphe. Miss Univers Haïti finit deuxième.

Notre Miss aurait aussi raté la dernière question – d’après ce qu’on m’en a rapporté, je n’ai su que très tard pour la compétition (que j’aurais regardée, toute féministe que je suis). D’autres, moins bons perdants, ont partagé avec bonheur le « fait alternatif » que le pays de la Miss Univers devant accueillir la prochaine édition, Haïti ne pouvait gagner, parce que, sans doute, notre Haïti a beau être différente, nous savons pertinemment qu’elle ne l’est pas en vrai.

C’est alors que nous venions de trouver une justification à notre deuxième place – une rationalisation du reste aisément démontable par une recherche rapide sur Google, mais qui se soucie des faits? – que l’empêcheur de fêter en rond, posa sa question. Certains cherchaient un exutoire. On l’accusa d’être frustré. Aigri. Raciste. Les Haïtiens, lui apprit-on, sont de toutes les couleurs, de tous les types, parlent toutes les langues. Nous sommes un pays cosmopolite. Nous portons en nous le monde. Nous sommes un véritable microcosme de la planète.

Naturellement, ceci est faux. Nous sommes loin d’être un melting pot en Haïti et la « question de couleur » est une constante de notre histoire. (Trop?) souvent, elle informe nos attitudes, nos actions et réactions. Dans la question initiale, il s’agissait d’une démarche (de mannequin?) et d’une langue (l’anglais) qui n’auraient rien d’haïtiens. J’y ai vu une critique du critère de beauté unique – mince, svelte, cheveux longs et soyeux – vendu dans ces concours mais quand on veut gagner, fis-je pragmatique, il faut ce qu’il faut. La foule offensée y a vu une question de couleur de peau. Parce que la question est toujours là. Quelque part. En filigrane.

Il n’y a pas si longtemps, nos réseaux sociaux dénonçaient la politique supposément raciste d’un bar en toit-terrasse de Pétion-Ville. Un bon ami et lecteur du blogue – dont la famille est propriétaire dudit bar – n’en revenait pas de cette tentative de les discréditer: Ils accueillent tout le monde – c’est faux, les bars de ce genre doivent choisir leur clientèle, question d’image – et la couleur de la peau n’a rien à y voir – c’est vrai, c’est plutôt le contenu du portefeuille. Le souci est qu’en Haïti, la couleur de peau souvent coïncide avec le contenu du portefeuille. Moins l’une est foncée, plus l’autre est important. Alors, forcément, la discrimination économique prend rapidement des formes racistes. Aussi, quand on questionne le caractère haïtien de quelqu’un de teint clair, notre réflexe est-il de voir d’abord son teint clair et de réagir en conséquence.

Il nous faut pourtant admettre que, en Haïti, dans ce pays d’enfants de Dessalines, c’est bien plus facile d’être de teint clair que de teint foncé. Nos Haïtiennes ne se tuent pas à éclaircir leur peau pour rien. L’Haïtienne au teint clair, aux traits fins et avec de bons cheveux – lire moins négroïde – est généralement considérée comme plus belle que la négresse au nez aplati et aux cheveux crépus. Cela tombe bien. Les critères de beauté des concours internationaux sont similaires. Raquel Pélissier était donc un choix parfait. Tant pour nous que pour eux.

Toutefois, au-delà de cette approche pratique, il y en a une, plus juste, plus réelle. Mademoiselle Pélissier est une Haïtienne parce que ses parents le sont. Elle a été élevée en Haïti. Comme nous tous, elle a fait 1804. Elle aurait été d’origine caucasienne, chinoise ou arabe que cela ne changerait rien. Elle a la qualité d’Haïtienne et c’est tout ce qui compte. Incarne-t-elle la femme haïtienne? Non. Personne ne le peut. La femme haïtienne est multiple. Mademoiselle Pélissier est toutefois une femme haïtienne qui nous a représentés avec brio et qui a permis de donner une autre image de nous que celle d’une misère constante et abêtissante. D’une Haïtienne du pays à une autre: Bravo et merci!

16 commentaires sur “Raquel Pélissier représente-t-elle vraiment la femme haïtienne?

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    1. Comment une personne qui n’a jamais connu la misère , qui n’a jamais souffert de famine, qui n’a qu’a prendre un avion pour se faire soigner a l’étranger quand elle est malade. Une personne qui voit la réalité haïtienne a travers les vitres de sa voiture, très souvent conduit pas un chauffeur. Comment cette personne peut vraiment refléter l’image haïtienne?

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    2. De la même manière que Donald Trump reflète l’image – une image – des États-Unis d’Amérique; c’est-à-dire de façon incomplète certes, mais non moins vraie. Ne jamais souffrir de famine, partir se soigner à l’étranger ou se faire conduire par un chauffeur est le triste lot de beaucoup de membres de cette communauté d’Haïtiens et d’Haïtiennes du pays qui se croisent sur ce blogue. Ce n’est pas toute la réalité haïtienne mais ce n’en est pas moins une réalité. Du reste pourquoi faudrait-il avoir connu la misère pour refléter l’image d’Haïti? Ce qu’il nous faut c’est aspirer à moins de misère, pas l’incarner absolument.

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    3. Donc c est celle qui a le ventre vide et aucune éducation qui serait apte à nous représenter?
      Arrêtons avec ces histoires obsoletes.l idée n est pas d’un nivellement par le bas . Mais plutôt d ‘abattre certains murs pour que deux femmes issues de milieux différents puissent enfin se croiser et s’entraider…pour apprendre à vivre ensemble….

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  1. Je suis d’accord à 100% avec l’auteur de cet article,la pure vérité et rien d’autre. Qui est une femme haitienne réellement? Dans cette optique,la femme haïtienne doit-elle aussi charier la misère de ce pays pour montrer qu’elle est réellement du terroir?
    Je ne pense pas car la diversité et la composition raciale donne l’haïtienne et l’haïtien.

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  2. Bravo à Raquel Pélissier et bravo à l’auteur(e) de cet article. Tout ce débat me rappelle livre « Les identités meurtrières » de Amin Maalouf qui parle de cette crise identitaire dont nous souffrons. Il faut croire que nous ne sommes pas les seuls. Qui est Haïtien et qui ne l’est pas? Il y a trop d’hypocrisie quand il faut parler de ce sujet. Les enfants nés aux USA de parents chinois revendiquent aussi leur descendance que leur droit d’être américain pour être nés sur le sol américain. Il est temps de reconnaître que nous avons une identité à la fois multiple et et unique. Nous avons besoin de plus de Raquel Pélissier pour donner une autre image de l’HAITIEN. Nous avons besoin de capitaliser sur ces exemples de dure labeur, de persévérance pour promouvoir une autre image de ce peuple. Nous avons besoin de modèles pour aider une jeunesse sans repères à trouver sa voie. Mais aussi, nous avons besoin de gens comme cet(te) auteur(e) pour remettre les points sur les « I » et empêcher que la bêtise l’emporte sur la raison.

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    1. Toujours de beaux discours. Decrire l’haitien sur papier est le point fort de l’haitien ,surtout lorsqu’il veut exposer l’elegance de son coté patriotique ,intellectuel et nationaliste . La multiplicité de la diversité des inegalités est bien flagrante en Haiti et l’exemple des USA/ Trump me paraitrait absurde ,c’est pas la même realité -un pêle-mêle d’inegalités s’integrant dans un vide indentitaire transversal(pas une crise indentitaire ,puisqu’il n’y a une identité repère ). La realité est qu’il existe des haitiens qui naissent et vivent en Haiti qui ne pensent et ne vivent pas à l’haitienne. Mais il me parait piete de choisir la misère comme indicateur d’haïtienneté . Pour moi la miss a representé valablement Haiti

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  3. M li atik la avek entere m kanpe menm kote ak auteur atik sa mw resevwa yon mesaj ki pale sou sa gen moun ki chwazi kritike pou detwi ki poze nenpot kesyon jis paske yo anvi, mw tonbe dako ak anpil bagay nan atik sa men ak tout rezev mw santi yon kole expressif ladanl, repons lan agresif

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  4. Bien que je n`arrive pas vraiment a concevoir la vraie raison qui a pousse quelqu`un a prononcer telle sottise sur une de nos jolies et riches Haitiennes de chez nous, mais cela seulement me parait tres stupide d`avoir le couillon de critiquer sans raison et sans vraiment penser que nimporte quelle femme Haitienne nee dans le pays, qu`elle soit riche ou pauvre, belle ou laide, qu`elle soit une negresse, mulatresse, acajou ou griffonne . Elles sortent toutes de nos melanges et nous appartiennent tous aussi bien du sang que de la chair . Et ayant sorti du melange du sang de nos veines entre blancs, noirs, mulatres et mulatresse , elles sont tous legitimement legales pour representr notre drapeau qui scintille ou flotte sous nos cieux . Ce genre de critique eveille dans nos esprits la raison qui nous divise entre familles de freres et sours et nous empeche de vivre comme tel sinon que plutot comme des chiens et chats sans amour l`un pour l`autre rempli plutot de la jalousie et de la haine l`un encers l`autre. C`est ce genre de pensee qui nous ronge et qui nous envoie des messages negatifs qui nous empeche egalement d`apprendre a apprecier et a rendre gratitude a nos patrimoines nationaux. Si nous ne voulons pas que la jalousie continue a nous ronger et a nous pousser a vivre comme des animaux et chiens enrages, je pense qu`il est temps d`accepter que partout dans le monde, il y a des riches et des pauvres, des gens de toutes couleurs, des melanges de toute sortes, et c`est vrament cela qui cree la magie et les merveiles de la beaute de l`homme , Parce si le monde entier etait d`une seule couleur, combien monotone serait la vie elle-meme? Si tout le mond etait riches et plein de frics, le monde entier serait passif au travail et a l`effort et a la connaissance .Prenons l`examples de nos jolies fleurs et de leurs differentes colors et apprenons-nous a comprendre , a voir et a accepter que le grand artist de l`univers lui-meme qui a peint ce si beau tableau n`avait pas su resister d`utiliser toutes les melanges de couleurs qu`il pouvait inventer pour l`embellir . son Univers. Alors,apprenons a etre fiers de nos compatriotes tout en comprenant que le monde entier egalement choissise ses meilleures et ses plus jolies et intelligentes pour representer leurs pays. Cessons de vivre en jaloux mais en paisibles humains.

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