D’inculpé à coupable, la première année d’un Président

Le Président Jovenel Moïse est arrivé au pouvoir avec, selon le commissaire de Port-au-Prince d’alors, Danton Léger, une inculpation dans des actes de blanchiment d’argent. Nous ne savons trop en quoi consiste l’accusation, hormis, sa qualification; personne ne semblant avoir vu l’acte d’inculpation. Entre temps, le commissaire Léger a été remplacé par le commissaire Ocnam Daméus qu’il avait lui-même remplacé et qui, il y 4 jours, en pleine instruction de l’affaire Petrocaribe, a remis sa démission pour avoir trop souvent, et publiquement, été blâmé par son ministre.

Nonobstant, depuis son investiture, le Président Moïse jure à qui veut l’entendre que la lutte contre la corruption5 plus grands problèmes d’Haïti – est sa principale priorité. Même s’il y a un certain temps que j’appelle cette lutte de tous mes vœux, je m’étais résolue à laisser un an à la nouvelle administration de faire ses preuves. Les billets sur le blogue se sont espacés. L’administration Moïse-Lafontant jouissait jusque-là du bénéfice du doute. Je m’étais promise d’attendre sagement que se termine la première année.

Ce ne fut évidemment pas facile. Quand un président réputé inculpé pour blanchiment d’argent commence sa présidence en proclamant que la richesse est une vertu, il est difficile de ne pas s’inquiéter. Quand ce même président dans son discours d’investiture semble assimiler les appels à la reddition de comptes à des représailles politiques, l’inquiétude se mue en appréhension. Quand ce même président est le dauphin du roi rose qui présida à la dilapidation des fonds Petrocaribe et les quelques miettes de l’aide internationale post-séisme, le doute se fait presqu’impossible. Il le fallait pourtant. Pour respirer. Non pas parce qu’on y croit mais parce qu’on veut espérer.

Aujourd’hui, 7 février 2018, le moratoire est terminé et les conclusions sont peu encourageantes: le Président Moïse ne semble guère plus avancé dans la lutte contre la corruption que Melania Trump dans la lutte contre le harcèlement en ligne. Le président américain Donald Trump est le plus grand harceleur en (et hors) ligne sur la planète, la First Lady qui lutte contre le bullying , ce n’est pas très crédible. Idem pour notre Seigneur de la banane. Au moins, Mme Trump a arrêté d’en parler. Notre Président ne rate pas une chance de crier à cor et à cri que lui seul peut nous sortir de là. On voudrait bien le croire, mais:

Puis il y eut Paris. Paris, où notre bon président, grand pourfendeur de la corruption, s’adressant à des membres de la diaspora, réduisit le Rapport de la commission sénatoriale spéciale d’enquête sur le fonds Petrocaribe couvrant les périodes allant de septembre 2008 à septembre 2016 à « un empressement visant à détourner l’attention ». De quoi, de sa caravane, de ses carnavals, d’Agritrans, des arrestations qui n’arrivent pas? De quoi le rapport cherche-t-il donc à nous distraire, monsieur le Président? De l’accusation de blanchiment d’argent qui plombe votre présidence? De la blanche villa balnéaire de celui qui vous a fait prince et qui pour se défendre a préféré injurier un journaliste qui a osé le questionner et a dû oublier qu’un micro d’un invité ça se débranche? Quoiqu’il en soit, le Président Moïse ne s’inquiète pas puisque « grâce soit rendue à Dieu, j’ai des gens partout. Mwen te deja konnen anndan sistèm nan, nou fè yon jan pou bagay la trennen ».

C’est à Paris – où il a été servilement proposer au président français, Emmanuel Macron, de compter sur lui pour faire entrer le français – « notre langue officielle » – à la Caricom, que le Président Moïse a perdu pour moi le bénéfice du doute. Il lui restait encore deux mois pour terminer sa première année mais le doute n’était plus possible: notre Président est coupable. Atteint d’hyperprésidentite aigüe, adepte de la monarchie présidentielle, il s’est ingénié à tout ramener à lui, jusqu’à annoncer avoir nommé des juges corrompus pour miner le peu de confiance qui restait dans la justice haïtienne. La sape des institutions est complète. Les trois pouvoirs Exécutif (caravane), Parlement (phtk), Justice (juges corrompus) ne se conçoivent plus qu’à travers un homme: Jovenel Moïse, petit Trump des Caraïbes, soupçonné de blanchiment d’argent et seul capable de nous sauver de la corruption, cité dans le rapport Petrocaribe dans l’échec du programme Banm Limyè Ban m Lavi et seul capable de nous donner de l’électricité 24/24, Nègre de la Banane sans banane et seul capable de sauver l’agriculture haïtienne.

Dans les Misérables, l’evêque de Digne faisait remarquer que « le coupable n’est pas celui qui fait le péché mais celui qui fait l’ombre ». Le Président Jovenel Moïse doit répondre de la nuit qu’il produit. Les chèques zombies ne peuvent en rester là, les surfacturations non plus, le dossier Petrocaribe, encore moins. L’avenir d’Haïti passe par l’assainissement de ses institutions et donc par nous. La lutte contre la corruption est une chose trop importante pour la laisser aux politiciens.

Un cadeau décidément Léger

Au printemps dernier, en pleine dénonciation de népotismes et de corruptions au sein de l’administration publique, nous prenions le temps d’admirer les mots faussement apparentés. « Ce que je vois comme un poison (gift, en suédois) est peut-être un cadeau (gift, en anglais) » écrivais-je alors, ignorant que, pour la Noël, le commissaire Danton Léger me soulagerait de cette complication en programmant la libération de 800 locataires du Pénitencier National, selon une procédure peu claire et ne semblant nécessiter aucunement la présence d’un juge.

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Envoyez NON au 4444

Une affaire de SMS tient la ville en haleine. Elle prend des allures de croisade depuis que, hier matin, un commissaire à la convocation légère a invité, Maarten Boute, le président de la Unigestion Holding S.A. (Digicel) à se présenter au Parquet, le lundi 28 novembre 2016, pour s’expliquer sur des résultats électoraux que la compagnie de téléphonie mobile aurait publiés.

Si le commissaire est aussi sensible aux arguments logiques que les interlocuteurs de M. Boute hier sur Twitter, le pauvre aura besoin de plus que d’aller « jouer avec [s]es enfants » pour ne pas devenir fou. Encore que les récents succès du commissaire Danton Léger, dans son entreprise systématique de destruction d’excellents dossiers par sa remarquable impéritie, ne soient pas sans présenter l’assurance d’une fin rapide et célère à cette « affaire ». Lire la suite

En passant

Monsieur le Ministre, je démissionne

Ce billet sera, comme la lettre qui l’a inspiré, très bref. Il est pour saluer la délicieuse réponse de Me Farah Cadet, Substitut du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, à la lettre du Ministre de la Justice lui annonçant, au 7 juin 2016, son transfert au Tribunal de Première Instance de Jérémie et précisant que « cette mesure est effective à partir de la date de la présente ». Lire la suite

Pailles de pistache et représailles politiques. #SeBonPouLwaYo

Il existe quelque chose qui semble déranger plus céans que la corruption: la lutte contre la corruption. Quiconque s’y essaie se voit immanquablement accusé de se lancer dans des représailles politiques. Ces accusations ne sont certes pas toujours sans mérite. Il est même souvent arrivé chez nous que les enquêtes sur la corruption ne soient que ça. Nonobstant, ce n’est pas parce que celui qui vous accuse d’être corrompu l’est lui-même que cela veut dire que l’accusation n’a pas de mérite.

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Quand la réalité défie nos théories

Au XVI ème siècle, le grand anatomiste et médecin brabançon, André Vésale – version francisée de son nom latin Andreas Vesalius – décida, sans autre forme de procès, que le clitoris n’existait pas. L’auteur du De humani corporis fabrica, celui qui fit entrer l’anatomie dans la modernité, décida de faire fi de la réalité et d’exciser virtuellement toutes les femmes. C’est que le bon docteur avait une théorie : l’appareil génital féminin était l’inverse de l’appareil génital masculin, avec le vagin comme le négatif du pénis et les ovaires celui des testicules. Le clitoris n’avait pas sa place dans cette belle réflexion. Il faisait tâche. Il dérangeait. Il fallait donc qu’il cessa d’exister.

Les patientes du Docteur toutefois, transgressives et impudentes comme le sont généralement les femmes, continuaient à présenter l’impossible « excroissance ». Elles furent, en toute logique, déclarées hermaphrodites. La méfiance continua longtemps; cette histoire de clitoris, l’anatomie n’y croyait pas trop. Il faudra d’ailleurs attendre mai 2005 pour que l’anatomie de la « petite colline » – du grec ancien κλειτορίς, kleitorís – soit enfin révélée par, une femme, le Dr Helen O Connell, grâce à l’imagerie médicale.

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