Quand la réalité défie nos théories

Au XVI ème siècle, le grand anatomiste et médecin brabançon, André Vésale – version francisée de son nom latin Andreas Vesalius – décida, sans autre forme de procès, que le clitoris n’existait pas. L’auteur du De humani corporis fabrica, celui qui fit entrer l’anatomie dans la modernité, décida de faire fi de la réalité et d’exciser virtuellement toutes les femmes. C’est que le bon docteur avait une théorie : l’appareil génital féminin était l’inverse de l’appareil génital masculin, avec le vagin comme le négatif du pénis et les ovaires celui des testicules. Le clitoris n’avait pas sa place dans cette belle réflexion. Il faisait tâche. Il dérangeait. Il fallait donc qu’il cessa d’exister.

Les patientes du Docteur toutefois, transgressives et impudentes comme le sont généralement les femmes, continuaient à présenter l’impossible « excroissance ». Elles furent, en toute logique, déclarées hermaphrodites. La méfiance continua longtemps; cette histoire de clitoris, l’anatomie n’y croyait pas trop. Il faudra d’ailleurs attendre mai 2005 pour que l’anatomie de la « petite colline » – du grec ancien κλειτορίς, kleitorís – soit enfin révélée par, une femme, le Dr Helen O Connell, grâce à l’imagerie médicale.

Ce soir, la commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (CIEVE) a recommandé l’annulation des élections présidentielles. À la présentation de son rapport, le grand absent était la communauté internationale qui, à maintes reprises, s’était opposée à la création de cette commission, maintenant sa position pourtant de plus en plus intenable que les événements d’août et d’octobre 2015 méritaient le qualificatif d’élections. Vésale des temps modernes, elle s’était obstinée, face à la réalité, à ne voir que des irrégularités là où la réalité obstinée des fraudes massives s’imposait. Et, comme pour le clitoris, ce sont ceux qui sont concernés au premier point, des Haïtiens, qui ont révélé la chose, preuve à l’appui.

Le rapport a été transmis par le Président provisoire au Conseil Électoral Provisoire. La communauté internationale qui, ironiquement, respecte enfin, quoique parce qu’elle boude, son devoir de réserve, ne s’est pas (encore) prononcée. La balle est désormais dans le camp du nouveau CEP, celui de Berlanger. Il a repoussé sa conférence de presse annonçant le calendrier électoral de demain et nous a donné rendez-vous le 6 juin. Nous attendons donc.

Entretemps, le commissaire Danton Léger, friand des interdictions de départ, viendrait d’en lancer contre les neuf membres du CEP d’Opont. Serions-nous donc vraiment en train de faire durer la chanson ? Une citoyenne excédée peut bien rêver…