Un cadeau décidément Léger

Au printemps dernier, en pleine dénonciation de népotismes et de corruptions au sein de l’administration publique, nous prenions le temps d’admirer les mots faussement apparentés. « Ce que je vois comme un poison (gift, en suédois) est peut-être un cadeau (gift, en anglais) » écrivais-je alors, ignorant que, pour la Noël, le commissaire Danton Léger me soulagerait de cette complication en programmant la libération de 800 locataires du Pénitencier National, selon une procédure peu claire et ne semblant nécessiter aucunement la présence d’un juge.

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J’ai laissé mon portefeuille à San Francisco

Au Printemps de l’année 2012, j’étais à San Francisco pour participer à une conférence internationale lorsque, me promenant non loin du Financial District, je fis la connaissance d’un gentil petit café et d’un barista vif, intelligent et beau comme le jour. Une chose en entraînant l’autre, le café devint mon point d’attache entre les présentations au Hilton Square, les discussions avec les collègues et les plans, qui ne se matérialisent jamais, de visiter la ville.

Daniel – c’était le nom du barista – est arrivé comme un cadeau de la vie et je compris instinctivement comment Tony Bennett laissa son cœur à San Francisco. Ce soir-là, Daniel  m’aida à répéter ma première présentation qui devait avoir lieu le lendemain. Il fit si bien que celle-ci m’a valu une invitation à rejoindre, pendant 6 mois, le laboratoire d’une prestigieuse université du Maryland. (J’ai décliné l’invitation mais ceci est une histoire pour un autre jour).

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S’indigner ne suffit pas. Marcher non plus.

Si l’on en croit les réseaux sociaux, et Dieu sait qu’il faut rarement les croire, la classe moyenne haïtienne est excédée. Elle en a marre. Elle en a assez. Elle n’en peut plus. La guerre des hashtags fait rage. Les accusations fusent. Le bouc émissaire est identifié. C’est le système. Contre lequel nous allons nous battre.

Nous allons déboulonner le système et ceux – en général, les politiciens – qui, sans foi ni loi, nous maintiennent, impunément, dans un état débilitant. Ça suffit les hashtags sur Twitter, les statuts sur Facebook et les billets sur les blogues. Il est temps de faire quelque chose. Manifester autrement notre mécontentement. Marcher dans les rues.

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Yo pran yo! Que justice soit faite !

Les ravisseurs présumés de Saahmie ont été retrouvés. Leurs photos circulent sur les réseaux sociaux depuis hier soir. Les internautes sont en liesse. Ils respirent. Ces criminels vont payer. Il faut absolument tracer un exemple. C’est à qui sera le premier à  féliciter la police pour cet excellent boulot. Celle-ci nous a contacté directement sur le compte Twitter (@saahmultitude) pour nous annoncer la bonne nouvelle. Nous l’avons remerciée à profusion. Mèsi Mèsi anpil.

Désormais, nous nous préparons pour la suite: nous assurer que les assassins soient poursuivis, jugés et condamnés avec toute la rigueur de la loi. La #saahmultitude doit se préparer à suivre et accompagner le procès à partir d’aujourd’hui et c’est ce qu’elle fera. Nous continuons d’être aussi déterminée à ce que la mort de Saahmie rompe avec ce qui paraît parfois une tradition de l’impunité en Haïti. Nous ne cèderons pas. Nous ne plierons pas. Nous ne fléchirons pas.

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L’insécurité est un tyran qui n’épargne personne

La toute puissante insécurité du mois de décembre ne semble épargner personne. Dans une lettre au ministre de la planification en date du 3 décembre 2015, le Secrétaire Général de la Présidence, s’inquiète « des conditions précaires, souvent déplorables pour les agents de la sécurité qui l’accompagnent » dans lesquelles se réalisent les déplacements fréquents du Président « tout au cours de cette dernière période ». Il faut ajouter à cela les questions sécuritaires relatives à l’installation prochaine d’un nouveau président et l’on comprend aisément que  « ceci appelle à des débours immédiats et urgents, argent comptant ».

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Je ne partirai pas

Je ne partirai pas. Ils n’y arriveront pas.  Je ne donnerai pas cette joie à ceux qui ont séquestré tout un peuple et le font vivre dans la peur. Ils ne réussiront pas à me déloger. Si quelqu’un doit partir, ce sera eux. Cette petite minorité zwit de politiciens véreux, de fonctionnaires corrompus, d’hommes d’affaires malhonnêtes, d’humanitaires inhumains, de petits malfrats et autres bandits de grand chemin, ne réussira pas à me dicter ma vie. Parce qu’enfin, ils ne sont pas si nombreux. Pour un pays qui accuse les pires taux dans les indices internationaux de la corruption, de la fragilité étatique ou encore du développement humain, les statistiques de la criminalité – 11,5/100 000 pour le taux d’homicide volontaire  contre une moyenne régionale de 28,5/100 000 – semblent presque raisonnables. Ce qui l’est moins c’est la nonchalance avec laquelle nous nous sommes installés dans l’impunité.

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#Saahmiltitude

Je viens de perdre une étudiante, une collaboratrice. Elle a été kidnappée, assassinée puis jetée dans une décharge par ses ravisseurs. Hier soir, aux environs de minuit, j’ai supplié les réseaux sociaux d’aider à préserver sa dignité et de ne pas publier cette photo immonde. J’ai prié pour qu l’image que nous gardons d’elle soit celle de cette jeune femme pleine de vie et d’avenir, cette étudiante en agronomie, passionnée de et créatrice de mode, cette battante qui gardait, en tout, le sourire.

Ce matin, assise à mon bureau, lunettes noires bien vissées pour cacher mes pleurs de rage et d’impuissance, je peine à trouver les mots. Il y a deux semaines, elle y était encore, dans ce bureau à réaffirmer, par ses tenues recherchées, sa joie de vivre, son refus de se laisser abattre … sa défiance des laideurs de la vie. #Saahmiltitude qu’elle appelait ça. Je me plais à m’imaginer que, jusqu’à sa mort, elle a gardé cette attitude.

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Un fétichisme de la liberté

Cette nuit, réveillée puis bercée par des tirs nourris, j’ai pris le plafond de ma chambre à témoin et me suis confiée un énième « voilà, ça recommence ! », avant d’ouvrir, excédée, l’application Kindle qui m’a suggéré de lire La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne. L’histoire, reprise par Hollywood dans un (énième) film du même nom avec une sublime Demi Moore, est celle d’une femme humiliée dans son être et dans sa chair mais qui s’efforce de rester digne et réussira même à se racheter, à la fin, aux yeux de sa communauté. Toutefois, ce roman reste surtout un excellent prétexte pour que Hawthorne, ancien chasseur de sorcières, fasse œuvre expiatoire en dénonçant l’hypocrisie de la société puritaine américaine en guise de rachat pour son péché de jeunesse.

C’est en ces moments d’étonnante lucidité de nos téléphones intelligents que nos lectures de science-fiction reviennent nous hanter et que la singularité technologique – cette folle (et peu solide scientifiquement) thèse qui veut que l’intelligence artificielle nous dépasse bientôt et décide du progrès – nous parait brusquement pas si farfelue que cela.  Quelques heures plus tard, l’application Loop News – de la très appréciée et très décriée Digicel mais nous y reviendrons peut-être un jour – m’informait que ces tirs s’étaient étendus à toute la commune de Pétion-Ville et qu’ils ont de surcroit été accompagnés d’une manifestation d’hommes armés de machettes déterminés à faire comprendre à ces bandits de la Plaine qu’ils ne pourront violer leurs femmes, leurs filles, et leurs sœurs. Une bonne samaritaine m’a envoyé la glaçante chanson des manifestants, accompagnée du cliquetis des machettes, par WhatsApp.

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