Hier, Haïti a voté. Le Président du CEP s’est décerné un satisfecit massif et parle d’exploit.
Gessica Geneus a voté. Le Rédacteur en chef du Nouvelliste s’est décerné un satisfecit massif et lui a réservé le traitement Martine.
De nombreux Haïtiens ont voté. Sur les réseaux sociaux, certains se sont décernés un massif satisfecit et en ont profité pour tancer (ou)vertement ceux qui ont osé ne pas voter.
La presse internationale, unanime, a salué la retenue du peuple haïtien qui a voté sans violences. Pour une fois. Parce qu’on ne sait jamais avec ces brutes. Alors, autant leur dire, à plusieurs reprises, à quel point, on est fiers d’eux.
Dans ce cortège de félicitations et d’autocongratulations, puis-je rappeler qu’il s’agit ici du même CEP qui s’est résolument placé au-dessus de la loi et qui a organisé la mascarade du 9 août 2015 ? Oserai-je rappeler qu’il s’agit du même Pierre-Louis Opont à qui nous devons la fraude électorale massive de 2010 ?
Aurions-nous donc déjà oublié ? Alors Monsieur Opont a raison de parler d’exploit. Car pour un exploit, c’en est un ! Une démonstration magistrale d’un manuel d’une rare efficacité : Comment plumer la poule sans la faire crier. La méthode Opont.
Étape 1: Sélectionner l’appât.
Selon des critères connus de soi seul, choisir l’appât pour attraper la poule qui aura la chance de se faire plumer.
Étape 2: Frapper la poule à la faire hurler.
Offrir un traitement de choc à la poule, lui faire peur puis la laisser hurler d’indignation. S’assurer que les consommateurs éventuels des dites plumes soient là pour rassurer la poule sur la nécessité et la validité du traitement.
Étape 3: Obtenir le pardon de la poule
Expliquer à la poule combien on est désolé et lui demander de revenir. Reprendre le Hello, it’s me de Adele. Cela suffira.
Étape 4: Obtenir la confiance de la poule
Laisser la poule picorer à sa guise dans le calme et en la caressant dans le sens des plumes. Lui assurer une protection maximale et lui faire croire qu’elle a le contrôle.
Étape 5: Plumer la poule.
Alors que la poule croit pouvoir vous faire confiance, la plumer. Pour de vrai.
Rendez-vous le 3 novembre.
Je ne me découragerai pas de répéter qu’il n’y a pas qu’une seule façon de lutter pour faire bouger les choses et d’avoir un pays normal. Les gens qui croient qu’il faut passer par le vote à tout prix et dans n’importe quelle condition, c’est leur droit le plus entier. Cela ne les autorise pas à stigmatiser ceux qui sont convaincus qu’on doit procéder autrement.
Je n’ai pas voté le 9 août, ni le 25 octobre. Je ne voterai pas non plus le 27 décembre, si deuxième tour il y a. Pour moi, ne pas voter n’est pas un coup de tête. c’est une décision réfléchie. Je n’ai pas confiance en M. Opont ni dans le CEP. Ce n’est pas à moi de démonter ma bonne foi de citoyenne, c’est aux habitués des magouilles électorales et des détournements de vote de faire leur mea culpa (ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent) et de prouver mille fois que je n’ai plus de raison d’être méfiante.
En attendant, je suis une citoyenne convaincue que chacun doit faire ce qu’il faut pour l’avènement d’une autre ère en Haïti. Je rentre tous les jours dans les salles de classe pour apprendre à des jeunes -témoins d’une société qui déroule le tapis rouge à un magouilleur auto-revendiqué- qu’ils n’ont pas à se laisser porter par le courant de la facilité.
S’il faut que les non votants deviennent les ennemis désignés de la démocratie selon Opont, c’est que tout n’est pas encore perdu. C’est qu’on est suffisamment nombreux pour barrer la route au projet macabre de notre avilissement perpétuel.
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