Aujourd’hui, 6 novembre 2015, un jour après la publication de ses résultats par le Conseil Électoral Provisoire, les rues sont calmes. Comme pour le 25 octobre dernier, l’exploit d’Opont continue… Jusque dans le jour de publication des résultats. Un jeudi. Juste à temps pour le début d’un long week-end… que promettent de prolonger nos gréveurs professionnels*, lundi et mardi prochain. Pour les (très nombreux) woulibeurs parmi nous, cette conjonction de conjonctures est particulièrement bienvenue. Les gede des premier et deux novembre ont été cléments. Un long congé de cinq jours, cela se fête.
Aujourd’hui, 6 novembre 2015, des Haïtiens (en très grand nombre) sont reconnaissants au CEP pour l’excuse qu’il leur donne pour ne pas se rendre à l’école, à l’université, à leur travail… dans un pays où, selon les données de l’Enquête sur les conditions de vie en Haïti de l’IHSI, seulement 50.9% de la population en âge de travailler – que nous comptons, va savoir, à partir de 10 ans et plus – « participe effectivement ou propose une participation potentielle à l’activité économique ». C’est à se demander si, lorsque nous nous insurgeons contre notre légendaire taux de chômage, nous plaignons l’absence d’activité économique ou l’absence d’un chèque régulier. La chose ne serait pas étonnante. Dépendant de l’aide internationale pour établir notre budget ou organiser nos élections, plutôt que de renforcer notre économie, nous préférons multiplier les fêtes, offrons des parachutes dorés à nos ministres pitres et accordons régulièrement des grèves-congés à la population. Nous sommes si bien installés dans la dépendance, y compris par rapport à nos frères et soeurs de la diaspora, qu’au lieu de nous révolter contre ces kidnappings en règle de toute une population que représentent ces menaces de troubles régulièrement brandies, nous profitons de la roue libre. Nous nous réjouissons de pouvoir rester chez nous, les commerçants se réjouissent de pouvoir tripler les prix des produits de première nécessité, les professionnels du béton se réjouissent de pouvoir se faire un peu d’argent, les politiciens se réjouissent de pouvoir se payer à peu de frais une fausse légitimité…
Aujourd’hui, 6 novembre 2015, ma journée au travail s’est arrêtée à midi, faute de gens. Me voilà donc en congé prolongé. Ils sont forts, nos woulibeurs.
*Certains objecteront ici, et avec raison, que les revendications sont socialement justifiées. Celles-ci sont toutefois instrumentalisées par les mêmes professionnels de l’agitation qui ont pris roue libre sur les prix de l’essence au mois de dernier. Tout comme ce billet risque de servir de roue libre à ceux que la conjoncture arrange. J’en prends le risque.