Hier matin, en route pour mon maronnage, j’ai vu passer une camionnette aux couleurs vives et bariolées avec cette inscription inhabituelle accompagnant la double image d’une jeune femme vivant visiblement à l’Étranger. C’est la coiffure, rappelant certaines tendances de la communauté noire du Sud de la Floride, qui a vendu la mèche. La jeune femme au teint « éclairci »- à défaut d’être clair – s’exerçait à un sourire de femme bien contente d’elle-même et il était évident que son frère était bien fier d’elle.
Mèsi Sè m, lui dit-il, chaque fois qu’il promène sa belle et neuve camionnette à la recherche de passagers.
Mèsi Sè m, continue-t-il, à chaque fois qu’un passager satisfait lui paie le montant de la course.
Mèsi Sè m, se répète-t-il, quand il rentre chez lui et peut, grâce à son travail, prendre soin de sa famille.
Sa soeur fait partie de ces deux à trois millions d’Haïtiens de la diaspora qui, chaque année, nous sauvent de la famine, grâce à leur milliard et demi de dollars.
Aujourd’hui, Haïti vote et sa soeur, Haïtienne du pays en est résolument exclue. Nous la punissons et lui en voulons d’avoir osé laissé l’enfer que nous avons fait de ce coin de terre. Aussi lui enlevons-nous, avec une certaine jouissance, cette illusion que nous avons d’avoir notre mot à dire.
Mèsi sè m. Sèlman pa bliye ti transfè a.