Dans le temps qu’il vous faudra pour lire ce billet – environ neuf minutes – 4860 interruptions volontaires de grossesse (IVG) auront lieu dans le monde, dont 3930 dans les pays en développement. Pour un groupe de mille femmes, il faut compter 28 IVG dont 49% dans des conditions mettant leur vie en danger – particulièrement en Afrique où les taux d’avortements dangereux avoisinent les 100% presque partout. C’est que, dans le monde, 40% des femmes se voient refuser le droit de disposer de leur corps.
D’après l’organisation Mondiale de la Santé, sur les 210 millions de grossesses annuelles dans le monde (chiffres de 2008), environ 80 millions sont non souhaitées, soit 38%, et plus de la moitié de celles-ci se termineront par une IVG. Dans les pays où celle-ci est illégale, beaucoup de femmes, généralement sans ressources, sont forcées d’avoir des enfants contre leur gré ou de recourir à des avortements clandestins (49% des IVG dans le monde). Situés hors du milieu médical, ceux-ci sont réalisés en utilisant des méthodes moyenâgeuses (produits chimiques, objets perçants et contendants, absorption de plantes, surdose de médicaments, coups et exercices violents…). Ce qui explique que, dans le temps que vous prendrez pour terminer ce billet, une femme mourra des suites d’un avortement illégal et dangereux.
C’est un fait. Chaque année, des femmes, par dizaines de millions, interrompent leur grossesses quand elles ne sont pas désirées. De nombreuses femmes, par millions, qui peuvent se le permettre et/ou disposent de l’information, ont utilisé le Mifepristone et le Misoprotol – des médicaments placés sur la liste des médicaments essentiels depuis 2005 par l’OMS – pour interrompre efficacement et sûrement leur grossesse, avec le même risque que celui d’une fausse couche naturelle.
C’est un fait. Dieu – la nature, le hasard, le monstre en spaghetti volant … – est le plus grand des avorteurs. Une grossesse sur quatre se termine par un avortement spontané et une femme sur trois fera une fausse couche dans sa vie. C’est plus que tous les avorteurs du monde réunis. Et pourtant, certains s’obstinent à interdire l’avortement. En novembre dernier, s’inscrivant dans une longue liste d’imbéciles décidés à sacrifier l’humanité à leur divinité, un terroriste chrétien a pendant 5 heures maintenu un feu nourri contre un centre de planning familial, tuant 3 personnes, dont un policier. Ce n’était pas le premier acte de ce genre. Rien qu’aux États-Unis, la Fédération nationale de l’avortement a dénombré plus de 7000 incidents dans le pays des libres et des braves. Adhérant à une logique similaire, des États interdisent (68) ou imposent des restrictions importantes (35) au droit de la femme d’exercer la liberté de son corps.
C’est un fait. Interdire l’avortement viole les droits des femmes tels que définis par les articles 1, 3, 12, 19 et 27 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Ajoutons, tant que nous y sommes, la Conférence des Nations Unies sur la Population Mondiale et la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes. Le statut de Rome (art 7-g) va plus loin et liste la grossesse forcée comme un crime contre l’humanité. Et l’on continue de nous interdire la loi de notre corps?
En Haïti, l’article 262 du Code pénal menace de réclusion ceux qui auront procuré l’avortement d’une femme enceinte. Heureusement, pour une fois, que chez nous, les lois ayant surtout une fonction cosmétique, personne ne prend cette interdiction bien au sérieux – encore qu’il serait temps de l’enlever de là, au cas où un juge super zélé se mettrait en tête de l’appliquer.
Il restera, bien sûr, les bonnes sœurs de nos écoles congréganistes qui, dans une salle bien noire, passeront ces vidéos de fœtus déchiquetés pour faire passer l’envie d’avorter à de jeunes adolescentes impressionnables et les traumatiser à vie. Je propose qu’elles payent nos frais de thérapie. Il y a aussi les croisés de Dieu qui se servent de la religion pour justifier leur misogynie. À ceux-là, je rappelle que ne peut pécher que celui qui croit. Enfin, il y a ceux qui trouvent les IVGs – et toute discussion de la question – d’une rare grossièreté. Je leur signale gentiment qu’ils ne sont pas forcés d’en avoir un.
La femme n’est pas une machine à produire des bébés pour la société et ne peut se voir imposer d’en produire un pour quelques raisons que ce soit. Le corps d’une femme lui appartient. L’habeas corpus ne s’applique pas qu’aux mâles de l’espèce. Et cela fait mal. À certains.
Un ami m’a récemment passé un excellent ouvrage sur la quête millénaire des hommes pour le contrôle du sexe de la femme. Dans cette histoire de « la chair interdite », Diane Ducret expose à la vue de tous cette fascination des hommes pour et leurs efforts constants de régulation de ce qu’ils ont longtemps perçu comme un pouvoir indigne/injuste des femmes : donner la vie. Alors, ils ont préféré faire d’elle une hystérique dont le terreau sert à accueillir la semence de l’homme. Une semence qu’elle doit chérir, protéger, vénérer… puisqu’il pourrait s’agir d’un homme en elle. Une fois l’enfant né, et le sexe établi, c’est une autre chose, bien sûr. Après tout, entre un et cinq ans, une petite fille ne vaut que trois sicles d’argent contre 5 pour un garçon (Lévitique 27: 6).
Du mythe de Pygmalion – le 7ème art aidant – nous ne retenons guère que la touchante histoire de l’homme tombé amoureux de sa création. Nous gardons l’image de ce sculpteur transi se tournant vers Aphrodite, déesse de l’amour, pour donner vie à Galathée qu’il s’empressera d’épouser et… d’engrosser (au moins deux fois). Moins connus toutefois, sont les Propétides, ces femmes indépendantes vivant sur l’île de Chypre, que l’on nous présente – ainsi que le veut la coutume – comme des prostituées et des sorcières. Par leurs conduites répréhensibles, elles ont, nous dit le mythe, révolté Pygmalion contre le mariage. Aussi, seront-elles punies par Pygmalion et sa divinité qui, ironie ultime, les transformera en statues de pierre. Seule la femme-statue, modelée par son homme, méritera épousailles.
Soit, nous choisirons la liberté !
On est entrain de tenter de » moderniser » notre droit penal (comme on l’a fait pour nos entreprises publiques?). On espère enterrer notre vieux code pénal sous peu, dependant de l’humeur de nos honorables representants. Dans le Nouveau code penal que l’on veut faire naitre au forceps , l’IVG n’est plus criminalisée mais encadrée. Plus d’hypothetique sanction comme menace peu dissuasive dans cette nouvelle masse de papier que l’on pourrait adopter par souci de socialisation internationale… Son application sera certainement selective si jamais il voit jour…
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Certains parrains et marraines de ce code pénal m’inquiétant un peu, je retiens mon jugement.
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Pas la peine de s’inquieter , l’idée originale vient de loin…c’est un « patchwork » des codes d’autrui
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