Ces quatre derniers jours, nous avons établi, à ± 5%, que, en ce qui concerne le peuple haïtien, il n’y a pas eu, le 9 août 2015, d’élections législatives en Haïti. Le fait avéré, que faire ? La farce électorale a été validée par ceux qui l’ont planifiée, organisée et conduite. C’est aussi un fait. Tout aussi avéré. Il faut composer avec. Comme nous l’avons toujours fait. Mais, autrement, cette fois. En continuant de refuser de jouer le jeu. En refusant de permettre à ces farceurs et leurs sycophantes, qui se moquent d’un peuple tout entier et vont jusqu’à l’accuser de ne pas être compatible avec la démocratie, de continuer à placer un voile démocratique sur le vrai visage du régime politique haïtien : un régime autoritaire prédateur maintenu depuis des décennies pour des raisons inavouables qui n’ont rien à voir avec la volonté et le bonheur du peuple haïtien.
Nous allons commencer par ne plus accepter qu’on nous affuble de ce qualificatif tout sauf flatteur de « peuple résilient ». Ce « compliment », que l’on nous ressort à toutes les sauces, normalise notre statut de victime tragique des circonstances. Nous n’en avons que faire. Si nous nous étions contentés d’être résilients, nous serions aujourd’hui encore dans les fers. Désormais, nous reprenons notre statut de peuple « qui résiste ». Nous avons déjà fait le choix de la liberté. Vient le temps de le refaire. Ce choix de la liberté, c’est d’abord celui de la démocratie. La vraie. Celle où le peuple haïtien a son mot à dire. Celle où le peuple haïtien choisit ses dirigeants. Celle où le peuple haïtien choisit les grandes orientations de sa destinée.
Ce qu’il faut remettre en cause ici, ce n’est pas le système démocratique mais sa corruption. Ce que nous dénonçons ici c’est l’existence d’une classe politique formée de charognards qui ont besoin que la démocratie haïtienne soit en décomposition pour survivre. Le combat à mener est un combat moral pour protéger notre pays de ces politiciens professionnels – qui se prétendent les « représentants » d’un peuple relégué au rang de spectateur et d’agent occasionnel de légitimation – que dénonçait déjà le grand dramaturge grec Aristophane (-450 -386) pour avoir établi une démocratie faussée par une parole intéressée des sycophantes, des sophistes et des étrangers.
Il ne s’agit pas ici de chercher à changer de régime. Les acquis démocratiques sont à préserver. En 1999, le Millenium Survey a confirmé l’adhésion à l’idéal démocratique de la majorité de la population mondiale – dont la population haïtienne qui en a résolument fait le choix en 1986. Au contraire, il met plutôt l’emphase sur une certaine méfiance de la population mondiale quant au respect par les différents gouvernements de cet idéal démocratique. Durant toutes les années où elle a été menée, cette enquête globale sur la démocratie de Gallup International, le Voice of the People – depuis devenu le End of the Year Survey – a régulièrement attesté d’une ferme croyance chez les sondés que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. La dernière en date (2005) accusait des pourcentages de l’ordre de 93% dans des pays dont l’indice de démocratie est très élevé comme le Danemark (9.11) ou la Norvège (9.93) mais aussi dans des pays dont l’indice est bien moins parfait comme le Ghana (6.33) ou l’Éthiopie (3.73).
L’idéal démocratique n’est donc pas en question. Ce qu’il faut changer c’est l’attitude fasciste de ceux que nous avons « élus» sans le savoir. Ce mépris librement affiché de nos « chefs », il nous faut le leur rendre. En affichant tout aussi librement notre mépris à leur égard. Une voix à la fois. Puis toutes les voix à la fois. Ensemble. Comme en un 14 août lointain. Pour dire non à l’imposition de la pensée de l’Autre et puiser en nous la force de nous remettre debout. Malgré tout.
C’est bien dit, Madame. Ce qui nous est impératif dans cette situation est de nous battre pour la restauration d’une vraie démocratie haïtienne. L’abstention population observée le 9 août fait partie, je crois, de la dialectique, mais il nous faut une réaction plus appropriée pour dire que nous avons droit au mieux… Quoi faire en ce sens ? Je crois que c’est la grande question…
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« Une réaction plus appropriée pour dire que nous AVONS DROIT au mieux. » Qu’est-ce que nous fait penser que nous avons bel et bien ce droit? J’ai toujours eu du mal à comprendre ce concept: droit. Peut-on avoir droit à quelque chose pour lequel ni nos parents, ni nous-mêmes n’avons travaillé? Aujourd’hui, tous les Haïtiens ressentent – c’est en effet un sentiment profond qu’ils ont et qu’ils croient parfaitement justifié – qu’ils ont droit à un pays où tout va bien. Oui, mais comment avoir ce pays tant rêvé? Est-ce d’un coup de baguette magique qu’ils croient que tout se mettra en place?! En Haïti, tout est la faute de l’État. Du gouvernement. Du Président. Oui, mais il y a une chose que tout le monde oublie: un peuple a toujours le gouvernement qu’il mérite. Alors, ne pas voter, je ne sais pas trop à quoi ça rime. Moi, je ne l’ai pas fait le 9 août et je ne le ferai pas avant des années – pour ne pas dire plus jamais. Cependant, je ne veux encourager personne à l’abstention car celle-ci me rappelle trop l’indifférence. Et même si, au fond de moi, c’est exactement ce que je ressens envers tous ceux qui font la politique en Haïti, je ne me sens pas prête à le crier sur les toits…
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Je n’ai nullement l’intention de prôner l’indifférence comme réaction pour dire NON aux mascarades électorales dans lesquelles tous les haïtiens et haïtiennes sont obligés de participer d’une manière ou d’une autre. Je ne dois pas non plus encourager quiconque à persister dans le mal que la légitimation de ces « élections » fait endurer le pays. C’est là le dilemme de la démocratie telle qu’elle est pratiquée en Haïti. Je ne fais que poser une question: Quel pion levé?
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Quel pion lever? Et bien, pourquoi ne pas commencer par RÉCLAMER des élections sans guillemets, légitimes (à nos yeux) et démocratiques (dans le bon et vrai sens du terme)? Une « bataille » silencieuse (si toutefois vous considérer le fait de ne pas voter comme en étant une) ne mènera à rien. Si nous nous sentons dignes d’une autre Haïti, il nous faut nous battre pour elle. Dénoncer, c’est beau, mais ne dit-on pas que la critique est aisée, mais que l’art et difficile? Mais un certain Weizmann a dit aussi: « Le difficile demande du temps, l’impossible un peu plus. » Cette Haïti dont nous rêvons tous, d’aucuns diront que c’est une chimère, un rêve impossible. Donc, il faudra du temps pour y arriver. Beaucoup de temps. Peut-être même que nous mourrons avant de voir notre rêve se réaliser. Mais si nous ne commençons pas, si nous n’osons pas commencer quelque chose aujourd’hui, nous passerons notre vie à dénoncer le mal qu’ILS font, sans jamais changer cette réalité désespérante qui nous montre chaque jour que ce sont bel et bien EUX qui détiennent le pouvoir!
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Je comprends et rejoinds la reflexion de l’auteure dans le sens ou le droit de vote du citoyen n’a de sens que dans la mesure ou il est respecte, dans la mesure ou le droit de choisir un candidat, dumoins le moins « pire » ou le moins absurde du lot, ou encore celui de ne pas choisir par un vote blanc est reellement exprime et represente. Mais que vaut le vote lorsque le choix qu’il exprime est devenu invalide, fausse par des billets truques, subtilises ou inventes?… rien!! Sinon le prix fort a payer pour un peuple trop longtemps balote par les masquarades de ses politiciens-comediens. Par contre, si le fait de ne pas voter se veut une forme de protestation (legitime selon moi) contre le systeme democratique corrompu qui regne, elle n’est pas non plus une solution de redressement. Car avoir vote ou non, les voix silencieuses subiront toutde meme les choix de representants qu’elles n’ont pas approuvees par leur silence. Et les politiciens actuels sont assez effrontes pour ignorer le non-vote majoritaire, se moquer de l’appui du peuple et s’arroger tout de meme le droit de s’imposer. La question est donc de
savoir par quel mecanisme le peuple peut se reapproprier le pouvoir de censurer et de sanctionner la democratie frauduleuse et forcer les dirigeants a respecter son choix. A mon avis, c’est un long processus qui devrait commencer par un changement de la culture politique, ce qui implique un reapprentissage du Respect, des principes moraux, des droits et des devoirs civiques qui, entre-temps, sont en train d’etre redefinis de facon inquietante.
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