Que quelqu’un informe le BINUH que le moment pour une réforme constitutionnelle est passé

Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) vient de rater une occasion de se taire. Nous avions pratiquement oublié qu’un machin avait remplacé la MINUSTAH – qui nous avait gentiment apporté le choléra – et la MINUJUSTH – qui n’a jamais réussi qu’à voir sa cheffe devenir persona non grata. On pourrait croire qu’il profiterait de cet oubli virtuel pour continuer à être, incognito, l’organe inutile qu’est chez nous l’organisation des Nations-Unies quand elle ne participe pas activement à nous tuer. On pourrait. On aurait tort.

La controverse qui n’a pas de raison d’être n’étant, de toute évidence, pas suffisamment absurde, voilà le BINUH – qui doit pourtant avoir des consultants juridiques susceptibles de lui donner « le mot du droit » – publiant dans le Nouvelliste, en ce jourd’hui 15 juin 2020, alors que nous sommes réduits à un Président de la République et un petit morceau de Sénat, une insertion demandée appelant à une « réforme constitutionnelle« . Ce faisant, le BINUH – dont la mission est  » notamment de conseiller le gouvernement sur les moyens de promouvoir et de renforcer la stabilité et la bonne gouvernance, y compris l’Etat de droit, et d’épauler le gouvernement dans les domaines des élections, de la police, des droits de l’homme, de l’administration pénitentiaire, et de la réforme du secteur de la justice » – nous rappelle – encore qu’il n’y en avait aucun besoin – que, chez nous, l’impéritie n’est pas qu’indigène, au contraire.

Voyez-vous, « la polémique autour de la durée du mandat des élus » aurait son origine « dans les ambiguïtés d’une constitution qui, produit de son époque, peine à refléter la réalité et les besoins d’un pays qui a évolué au cours des trois dernières décennies ». Mais, me direz-vous, cet article 134-2 nous vient d’une Constitution frauduleusement amendée en 2011. Vous aurez raison. Ce qui n’arrêtera pas plus le BINUH qui continuera pour vous blanspliquer qu’il s’agit là d’une « opportunité unique d’initier un cercle vertueux… une réforme constitutionnelle profonde permett[ant] de remédier aux défaillances du système de gouvernance actuel et de créer des conditions plus propices à la stabilité institutionnelle ». Après tout, quel meilleur moyen de travailler à la stabilité institutionnelle que de plonger gaiement dans l’a-constitutionnalité, à la demande d’une instance internationale dont une mission de stabilisation de 13 longues années n’a jamais réussi qu’à nous rendre plus instables ?

Je suis toutefois curieuse de savoir comment le BINUH propose qu’on s’y prenne pour lancer cette « réforme ». Sur quelle base légale pense-t-il l’asseoir ? Ce Président de la République au gouvernement duquel ils ont vocation à donner leurs conseils avisés, sur quelles bases va-t-il se maintenir au pouvoir une fois la Constitution de 1987 – à la procédure d’amendement clairement établie – mise de côté ? Comment le BINUH prévoit-il que nous nous y prenions pour arriver à cette nouvelle constitution ? Une assemblée constituante façon Konbit nasyonal présidée par un Jovenel Moïse président de facto ? Une insurrection façon operasyon depate bannann réussi ? Un coup d’Etat qui ne serait pas mené par un Himmler Rébu?

Le BINUH qui reconnaît « n’avoir aucunement vocation à se substituer aux institutions nationales dans l’interprétation de la Constitution » et proclame considérer que « dans un régime démocratique, les élections représentent la seule voie d’alternance au pouvoir » en a déduit (?!?) « la nécessité d’une réforme de la charte constitutionnelle ». Il est évident qu’ils n’ont aucune réponse mais, bon, si l’on n’a plus le droit de s’amuser…

Un ami, mauvaise langue, soutient qu’un énième chaos justifierait leur présence continue en Haïti. Comme vous le savez, les théories complotistes et moi, ça fait deux, mais, à ce stade des débats, ce serait irresponsable de ne pas spéculer.

3 commentaires sur “Que quelqu’un informe le BINUH que le moment pour une réforme constitutionnelle est passé

Ajouter un commentaire

  1. Le titre me fait penser à une phrase de Gary Conille, lorsque je lui ai présenté le dossier de réformes institutionnelles qui avait été écrit pendant la campagne de Michel Martelly: le temps des réformes est passé. Comment peut-on dire que le moment pour une réforme constitutionnelle est passé? C’est le blocage majeur depuis presque 40 ans maintenant de non-gouvernance. Cette constitution représentait certes un acquis important du point de vue des libertés mais a créé une situation d’ingouvernabilité qui nous a tout doucement conduit à une nation dominée par le crime organisé. Quel que soit celui qui fera cette réforme (rien ne dit que ce sera Jovenel Moïse ni même maintenant), elle est incontournable. Pendant sa rédaction Michel Rolph Trouillot et les Cahiers du Vendredi nous ont toutes les semaines mis en garde contre ce qui se préparait. Un article de Michel intitulé Qui sera Premier ministre, publié au Nouvelliste, résumait l’ensemble des mises en garde contre le texte qui se préparait. C’est bien la distribution du pouvoir entre les institutions qui a conduit à la déroute que nous vivons aujourd’hui. Il faut regarder plus loin que les personnes ou la conjoncture.

    J’aime

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :