Il existe quelque chose qui semble déranger plus céans que la corruption: la lutte contre la corruption. Quiconque s’y essaie se voit immanquablement accusé de se lancer dans des représailles politiques. Ces accusations ne sont certes pas toujours sans mérite. Il est même souvent arrivé chez nous que les enquêtes sur la corruption ne soient que ça. Nonobstant, ce n’est pas parce que celui qui vous accuse d’être corrompu l’est lui-même que cela veut dire que l’accusation n’a pas de mérite.

C’est un casse-tête véritablement ardu. La sagesse populaire voulant que nous ayons chacun un anneau chez l’orfèvre, il devient difficile de dénoncer l’autre sous peine de le voir nous dénoncer à son tour. Cet équilibre de la terreur permettrait de garder tout le monde bien corrompu. Chats et rats se tiennent par la barbichette et s’assurent mutuellement que le baril de maïs reste en place, que le statu quo soit maintenu.

Pourtant il faut bien commencer quelque part. Nous ne pouvons éternellement accepter de rester les victimes silencieuses et complices de ce kidnapping en règle du peuple haïtien. Alors, si certains arrivent à dégainer avant, à garder la pression et maintenir l’avantage, tant mieux. Ce n’est certes pas l’idéal mais c’est un début.

Ces derniers temps, de voir certains se poser en victimes, me fait rire. Jaune. Grine. Parce que tout ça a beau être ridicule, ce n’est pas très drôle. Sans saisir l’ironie de la chose,  ils brandissent la Constitution et les lois qu’ils ont allègrement violées, sans l’ombre d’un regret, et crient à la chasse aux sorcières. Pauvres sorcières qui ont payé de leur vie le fait d’avoir démérité de la corruption misogyne de leur époque ! Si la chose était possible, elles se retourneraient dans leur tombe ou, de façon plus réaliste, dans le lit de la rivière où elles ont coulé pour prouver quelles ne mentaient pas ou dans la poussière de la terre où leurs cendres sont tombées du bûcher où on les brûlait pour avoir voulu être.

Demander des comptes à des anciens haut fonctionnaires de l’État qui ont, entre contrats illégaux et fraudes massives, présidé, assisté et/ou aidé à un gaspillage massif du trésor public (et des contributions internationales à notre misère) est légitime. La motivation réelle de cette demande importe peu. Nous pouvons – et nous devons – en questionner les méthodes. Nous pouvons – et nous devons – en vérifier la légalité. Ce qui les motive toutefois ne devrait avoir qu’un intérêt académique. L’essentiel est que ceux qui ont fraudé, ceux qui ont dépecé sans vergogne un pays déjà à terre, doivent payer.

Ils ont grugé un peuple qui venait de subir la plus grande catastrophe (socio) naturelle de son histoire. Ils ont participé allègrement au séisme sociopolitique qui a suivi. Ils n’ont eu aucun scrupule à sucer sa mamelle jusqu’au sang. Ils doivent payer. Si quelqu’un a une chance d’y arriver, quelque soit la raison pour laquelle il s’y attèle, allumons-lui un cierge et prions pour son succès. En espérant que la Task Force souhaitée par notre Prince, cinq jours après son sacre, se matérialise enfin et prenne le relais…

19 réponses à « Pailles de pistache et représailles politiques. #SeBonPouLwaYo »

  1. Pour reprendre l’article 15 de la declaration francaise des droits de l’Homme  »La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » mais cela doit se faire dans le respect de la loi sinon on gaspille de beaux dossiers qui finiront par faire pchiiit (comme dirait Chirac )….et l’impunite n’en sera que mieux garantie! … Feu de …paille !
    Si on trouve la loi trop compliquee qu’on la modifie ! On doit commencer quelque part mais on doit bien le faire….

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    1. Cela va de soi. « Nous pouvons – et nous devons – en questionner les méthodes. Nous pouvons – et nous devons – en vérifier la légalité. Ce qui les motive toutefois ne devrait avoir qu’un intérêt académique.  » Mon propos est ailleurs.

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      1. Je l’ai bien vu mais un peu d’eau a votre moulin n’est jamais de trop ! Surtout que si on permet des abus contre les grands mechants chats , rien n’empechera des abus contre les innocentes souris…Les règles de procédure (notamment celles portant sur la competence des differents acteurs de la poursuite et et du jugement) doivent servir non pas d’obstacles a la justice mais de garantie pour tous les justiciables (chats et souris )

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  2. par ailleurs, un 13 avril ….c’etait en 2007, la Cour d’appel des Gonaives a rendu un arret (discutable dans ses motifs decisoires et son dispositif) en vertu duquel un ministre meme sorti de fonction ne releve pas des juridictions penales ordinaires pour les infractions commises dans l’exercice de ses fonctions tant qu’il n’a pas ete condamne par la Haute cour de justice….Les tribunaux ne sont pas tenus de se conformer a cette jurisprudence(contestable) mais au moins les autorites de poursuite doivent avoir un peu de respect pour la loi….ce qui rendrait leurs actions plus efficaces et leur permettrait de mieux attraper des gibiers du genre Felis silvestris catus

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    1. « Ancien ministre », je présume.

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      1. Oui c’est pour cela que j’ai dit « sortis de fonctions »

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  3. […] face à leur nudité ces grugeurs de pays qui essaient aujourd’hui – sans grand succès – de se poser en victimes. À une telle délocuttée, ils n’ont su offrir rien de mieux que le caractère de facto du […]

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  4. […] politiciens n’ont certes rien de victimes innocentes. Il nous faut leur demander des comptes et ils doivent nous les rendre. Mais nous aussi devons rendre compte. Rendre compte de notre […]

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  5. […] en 2013, à une certaine Mona Ciné qui partait alors pour sa retraite aux États-Unis et cria à la persécution politique. La Commission Nationale de Lutte Contre la Drogue (CONALD) insista sur le caractère strictement […]

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  6. […] Valentin promettait de forcer les organismes de contrôle de l’action gouvernementale à prendre leurs responsabilités. Il parlait alors d’une Task Force,  composée de fonctionnaires de l’Unité Centrale de […]

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  7. […] Pétion-Ville a vite démenti toute implication, présentant la clameur publique le dénonçant comme autant de « manœuvres politiques ». Mais c’était mal connaître notre commissaire qui convoque plus vite que son ombre. […]

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  8. […] nommer des repris de justice à la tête de nos institutions. Comme cela nous sommes couverts, nos anneaux chez l’orfèvre étant non pas tant une épée de Damoclès qu’une garantie de notre adhérence aux hauts […]

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  9. […] lorsque le Président  Moïse promit que « plus jamais sous [son] administration, la justice ne serait instrumentalisée à des fins politiques » mais quand on sait que le Président est actuellement inculpé pour blanchiment […]

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  10. […] permettons à nos élus de s’entendre pour continuer à profiter outrageusement du pays et de s’en tirer à bon compte. De 1950 à nos jours, les présidents haïtiens ont été objectivement plus voraces que les […]

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  11. […] chose comme une lutte constante contre la corruption, l’impunité, l’insécurité. Elles sont les instruments les puissants des organisateurs de cette violence structurelle qui […]

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  12. […] Un très bon ami et lecteur, à qui j’avais demandé, suite à mon dernier billet Pailles de pistache et représailles politiques. #SeBonPouLwaYo, de me recommander quelques personnes compétentes au Parquet de Port-au-Prince pour mener cette […]

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  13. […] Lòt bagay tankou kanpe anfas koripsyon, paspouki, prekarite ak ensekirite, tout gwo zouti sa yo òganizatè vyolans byen kalkile yo  kenbe nan men yo pou bay jarèt a rapò ak fòs kote « tout moun pa egal ego » ki genyen nan peyi a. […]

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  14. […] longue traversée, voici, in extenso, la conclusion de la Commission. Avec un caveat toutefois. Si vous attendez de vos représentants qu’ils fassent vraiment quelque chose, vous allez atten…. Rappelez-vous que le Messie n’existe pas et que nous sommes celui que nous attendions. Bon […]

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  15. […] longue traversée, voici, in extenso, la conclusion de la Commission. Avec un caveat toutefois. Si vous attendez de vos représentants qu’ils fassent vraiment quelque chose, vous allez attendre …. Rappelez-vous que le Messie n’existe pas et que nous sommes celui que nous attendions. Bon […]

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