Le blues du Mâle Occidental Blanc 

David Duke est candidat au Sénat. L’ancien chef du Ku Klux Klan et grand fan de Donald Trump, se lance dans la course pour qu'(enfin), au Congrès, quelqu’un défende l’héritage des Européens-Américains. Cette candidature arrive à un moment où des Américains à la peau trop foncée se voient menacés d’interdiction d’entrer (parce qu’ils sont de la mauvaise religion), d’obligation de départ (parce qu’ils parlent la mauvaise langue) ou de ticket pour l’au-delà (parce qu’ils respirent en étant « Noirs »). Elle rejoint une vague brune déferlante et aux échos assourdissants qui menace de submerger toute décence humaine au nom de croyances dépassées et surannées.

Misogyne et xénophobe, ce mouvement rassemble des dégénérés, narcissiques et nombrilistes, prêts à sacrifier l’humanité à leur divinité. Cette vague hurlante est le dernier refuge de ceux qui sont déterminés à réclamer ce qu’ils estiment être leur droit divin:  établir leur dominion sur la Terre et tout ce qui s’y trouve.

Les similarités avec le Daesh ne s’arrêtent pas là. Le Grand Mâle Occidental Blanc, espèce en voie de disparition, se voit et se projette d’abord comme victime de la modernité. Il veut revenir à une époque où les choses avaient un sens et étaient comme elles devaient. Un monde noir et blanc où les couleurs n’avaient pas droit de cité et le fuschia était haram. Conservateur extrémiste, il se bat pour que la voix des gens comme lui soit finalement libérée de l’oppression millénaire dans laquelle a été maintenu ceux qui sont différents de lui. (Mal) heureusement, le combat du Grand Mâle Occidental Blanc est perdu d’avance. L’on n’arrête pas le progrès.

Le 2 février 1831, le Cardinal Cappellari est choisi pour succéder au Pape Pie VIII, décédé 64 jours plus tôt. Sous le nom de Grégoire XVI, il arrive sur le trône de Pierre avec une volonté affirmée de maintenir l’Ordre ancien contre les révolutions françaises et autres Printemps des peuples. Pour ne rien laisser passer, il s’opposa à toutes les innovations,  notamment les lampadaires – parce que violant l’ordre naturel voulant qu’il fasse clair le jour et noir la nuit. À sa mort, les rues des États papaux s’éclairèrent de milles feux. On n’arrête pas le progrès. On peut le chausser à la Rimbaud, à lui en supplicier le cœur, mais il continue d’aller. Le Grand Mâle Occidental Blanc, qu’il soit un Brutus anglais, une Athéna française, un Caligula autrichien ou un Ragnarok américain, devra finir par accepter son extinction programmée.

Aujourd’hui, la dernière compagnie qui fabriquait encore des cassettes VHS vient d’annoncer qu’elle en arrêtait la production, consacrant ainsi la lente mais inévitable fin de ce qui eut, un temps, l’hégémonie la plus complète sur son monde. Naturellement, les cassettes VHS existantes continuent d’être mais elles sont désormais des reliques d’un autre temps, des pièces de musées ou des curiosités que l’on découvre, dans une vieille boîte, dans le grenier de grand-mère. Elles n’ont plus leur place dans un monde numérique où les vidéos se transmettent, par flux constants de gigabytes, quelque part dans le nuage.

Aujourd’hui, le Grand Mâle Occidental Blanc n’a plus sa place dans un monde où les femmes, les homosexuels, les Non-Blancs, les handicapés, les pauvres …  les « anormaux » ont des droits. Il veut revenir à un monde où les choses étaient à leur place et avaient un sens. Un monde en noir et blanc, d’où les couleurs étaient bannies et le fuschia interdit. Un monde où il était roi et le monde son royaume. Mais ce monde n’est plus. Il lui faudra s’y faire. Dans ce nouveau monde, où il est de moins en moins fabriqué, il devra s’attendre à progressivement disparaître et rejoindre les autres victimes de l’évolution.

À sa place, s’érigera un être humain, un vrai, qui aura compris que son humanité dépend de celle de l’autre et qu’il ne peut être s’il la nie à l’autre.