Un cadre de la Banque de la République d’Haïti est mort hier lorsqu’une réunion politique a dégénéré en carnage et que trois personnes y ont laissé la vie. Un petit garçon de 4 ans vient de perdre son père et sa mère de la plus absurde façon parce que des membres d’un « regroupement de patriotes responsables » – le nom du parti – n’ont pas réussi à être suffisamment patriotes et responsables pour ne pas tuer 3 des leurs.
La nouvelle a commencé à circuler hier. J’ai d’abord reçu, comme c’est la coutume, la photo du cadavre, puis une collègue m’a signalé que c’était un ancien professeur de l’université Quisqueya. Ce matin, Le Nouvelliste a complété le tableau en précisant les événements ayant conduit à cette tragédie.
Depuis, je me dis que, au final, je l’ai échappé belle. Ç’aurait pu être moi, il y a un peu moins de deux ans, dont le cadavre ensanglanté aurait circulé sur Whatsapp. Pourtant, je n’étais pas membre de parti politique ; je n’avais jamais fait que proposer la mise en place d’une structure – devenue une association – qui réunirait nos talents et compétences pour proposer mieux, pour définir #AyitiNouVleA.
Nous devions avoir une rencontre pour discuter de la direction à donner à l’association, notamment en ce qui concerne le #PetroCaribeChallenge qui, pour certain.e.s d’entre nous, avait perdu un peu de son essence après le 18 novembre 2018. L’association fonctionnant de façon hétérarchique, chaque groupe était libre de se constituer – une inscription en ligne suffit – et de travailler sur les dossiers l’intéressant, à charge de partager le travail avec le reste de l’association pour validation. Ces réunions physiques étaient un peu le lieu des discussions visant à accorder nos violons.
La réunion qui s’annonçait cette fois était différente. Sur un de ces groupes de travail – dont je n’étais pas membre mais j’avais été ajoutée à leur groupe Whatsapp, à mon corps défendant, en tant qu’observatrice – il était question de me détrôner de la présidence de l’association – ce qui peut, par ailleurs, aisément se faire en septembre prochain – et, si je résistais, on envisageait la violence. L’on dût alors se rappeler que j’étais sur le groupe puisque j’en ai été enlevée. J’ai été rajoutée 3 jours plus tard. L’on me demanda de dire quelque chose pour calmer le jeu, je déclinai l’offre.
Le jour de la réunion toutefois, je m’étais fait accompagner de B., notre garde du corps. On eût beau me dire que pendant les trois jours on avait expliqué à l’apôtre de la violence contre ma personne – à qui je n’avais rien fait et que je connaissais à peine – qu’il avait dépassé les bornes, je n’étais pas décidée, en bonne haïtienne du pays, à laisser qui que ce soit faire la dernière sur moi.
J’avais déjà reçu des menaces, de mort même, mais c’était la routine en ces temps de #PetroCaribeChallenge. Ma photo circulait sur des groupes Whatsapp avec instruction de me passer à l’infinitif. Moi, j’en riais à en avoir mal. Ce n’était pas sérieux. Je ne connaissais pas ces gens. Cette fois, c’étaient des gens qui avaient accès à moi. Je n’allais pas prendre de risques.
La réunion se passa bien. B. regretta de n’avoir eu personne à corriger. Même si le Louis Jean Baugé était là, il avait compris qu’il valait mieux qu’il se tienne à carreau.
Quelques mois plus tard, les gens de ce groupe sont partis. Ils avaient déjà créé leur propre groupe même s’ils ne l’admettaient pas encore à l’époque. Naturellement, j’en avais été soulagée. Depuis cette histoire, j’étais mal à l’aise.
On chercha bien, un temps, à me convaincre de la nécessité de rassembler toutes nos forces face à un ennemi commun mais j’avais donné. Du reste ma mère m’avait expliqué que lorsque Dieu agit pour nous – même et surtout quand on n’y croit pas – il faut le laisser faire, que je comprendrais plus tard.
Plus tard, c’est peut-être aujourd’hui. Ce dimanche matin. Les survoltés seraient-ils restés avec moi, peut-être que je ne serais plus là aujourd’hui à écrire des billets sur les malheurs de ce pays.
Force!
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