Ils ne sont pas tombés d’un arbre

Hier, après mon billet sur le tabassage qui ne fut pas, certain.e.s d’entre vous m’ont contactée, en privé, pour savoir ce qu’impliquait ce poste de présidente d’Ayiti Nou Vle A pour provoquer de telles réactions. Funny, you should ask… On pourrait croire en effet qu’il s’agissait là de privilèges énormes qui justifieraient de telle passions. On se fourvoierait.

Être la présidente d’Ayiti Nou Vle A, à l’époque, consistait à contribuer 20 fois le PIB par habitant; offrir des espaces de rencontre; créer des sites Web; apprendre à réaliser, produire, écrire, monter des vidéos; partager son expertise; écrire encore et encore ; encourager des gens à rejoindre l’association et y rester; participer à des rencontres avec des partenaires potentiels qui n’aboutissent à rien; faire des consultations partout dans le pays, y compris des endroits réputés chauds …. et, cerise sur le gâteau, se faire insulter et menacer par des imbéciles…

Le poste de présidente n’existe dans l’association que pour complaire aux exigences du Ministère des Affaires sociales. Pour l’essentiel, je suis un membre dont l’influence, hétérarchie oblige, se gagne par le travail produit. Aucune raison particulière de vouloir m’éliminer donc.

Naturellement, j’ai eu de la chance. Les survoltés sont partis. Les gens raisonnables, sont restés et ont continué à contribuer, comme moi, argent, temps, talent, expertise … par amour pour leur pays. Pour moi, l’histoire s’est bien terminée. Ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde. Norvella Bellamy n’a pas eu ma chance. Lui y est resté. Il voulut travailler à changer les choses. Il voulut voir au-delà de lui-même et de sa famille. Il voulut contribuer, lui aussi, à sauver Haïti™ et ne réussit qu’à laisser son fils de 4 ans orphelin.

C’est ce que font souvent la politique et l’engagement social chez nous. En 28 ans d’engagement, je pourrais vous en raconter des histoires de déception : mensonges dans les médias, attaques personnelles, barricades sur la route, propriété en feu… Ce n’est pas que l’on ne s’attende pas à ce qu’il y ait des difficultés mais quand ce sont les gens avec qui on travaille qui agissent de la sorte, cela vous brise le cœur un peu.

Certes, on se dit qu’on ne le fait pas pour eux, qu’on le fait pour soi, pour sa communauté, pour l’espèce … mais vous êtes tout de même humain. Quelque part, cela vous affecte. Vous avez beau essayer de le cacher, surtout à vous-même, vous raconter que c’est la vie. Quelque part, cela vous déchire. Alors, pour survivre, vous devenez plus dur.e. Progressivement. Vous perdez foi en vos semblables. Progressivement. Cette mission que vous vous êtes donnée en devient amère. Progressivement.

Un beau jour, on finit par s’arrêter. On s’occupe de soi-même, de sa famille et on oublie le reste. Parce que l’on est un être humain. Parce que nous avons tou.te.s nos limites. Parce que tant va la cruche à l’eau…

Ne restent plus que les bandits plus ou moins légaux et autres leaders communautaires pour continuer la lutte – sauf que leur lutte n’est pas la nôtre.

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