Aujourd’hui, 1er mai, notre Seigneur de la banane – qui exige qu’on le suive et prévient de ne pas se mettre en face de lui parce que c’est lui le Président – a lancé sa caravane du changement. Charité bien ordonnée, c’est dans le Nord qu’il amène sa cour alors que le Sud prend de l’eau et que l’Ouest patauge, inondations obligent, dans les « redidis lendidis » non collectés par certain Habitant.
Il faut croire que les opérations de com’ d’une subtilité de boutoir (photos à côté d’engins lourds, casque jaune protecteur bien vissé sur la tête; entrevue au Nouvelliste et opération coup de balai en tongs mettant en valeur la pédicure impeccable) ne suffisent pas à résoudre le problème des déchets dans la zone métropolitaine. Mais, revenons à la caravane.
On ne sait trop ce que doit rapporter l’étrange appareillage mais nous savons combien il va coûter : 297 millions de gourdes. Un peu comme nous savions qu’un certain carnaval visant à relever un Grand Sud plus que jamais à terre coûterait 250 millions et attendons encore le rapport sur le retour sur investissement de cette bachanale où un président-chanteur s’est déshabillé et a déshabillé son dauphin-président.
Un conseiller du président de ma connaissance s’essaie à le défendre. Les 197 millions de gourdes prévus pour la Caravane – les autres 100 millions concernent la sécurité du Président Moïse – ne proviendraient pas des fonds publics. Ils auraient été donnés au Président. Par qui ? Il ne dit pas. N’empêche, pour un président inculpé pour blanchiment d’argent et dont le frère de parti et compagnon de campagne vient de plaider coupable de trafic de drogue et de blanchiment d’argent, ce serait mal venu; on pourrait finir par le croire, lui aussi, coupable. Il est toutefois autre chose d’encore plus mal venu : notre surprise devant l’installation de cette kakistocrassie.
Du grec kakistos, pire et kratos, pouvoir, la kakistocratie désigne le gouvernement par les pires membres d’une société. Inventé en 1829 par l’auteur anglais Thomas Love Peacock, le terme jouit d’un regain de popularité depuis l’élection de Donald Trump à la présidence américaine. Les médiocres chez nous y ajoutant la distinction d’être particulièrement crasseux, la kakistocrassie désigne donc le gouvernement par des laideurs aussi malpropres que médiocres.
La réalité est que nous avons, depuis longtemps, décidé d’y aller en mode total amateur – du Président, au Premier ministre, en passant par les ministres, secrétaires d’État, conseillers et autres directeurs généraux à l’impéritie aussi aberrante qu’absurde – et qu’il nous faut arrêter de penser que le règne des médiocres peut aboutir à autre chose que la plus abjecte médiocrité.
Nous avons multiplié l’expérience. Du médecin de campagne au planteur de bananes. Du prêtre défroqué au chanteur dénudé. À chaque fois, nous avons voulu signaler notre désaveu à la classe politique toute entière. Depuis tout ce temps, disons-nous, qu’ont-ils accompli ? Essayons avec un amateur, un non-politicien. Il ne peut faire pire.
Toujours, pourtant, il fait pire. Confier la direction de la camionnette haïtienne à des gens qui ne savent pas conduire l’a irrémédiablement cabossée, d’un mur à l’autre, d’une bîme à l’autre. Pourtant, nous nous entêtons à éviter les chauffeurs tordus pour les remplacer par des amateurs encore plus tordus… jusqu’à la bîme finale ?
Il ne semble même pas nous venir à l’esprit de chercher ensemble à reprendre le volant et d’ apprendre, ensemble, à conduire la camionnette sur le chemin que nous aurons décidé, ensemble.
Pourtant, il faudrait.
https://laloidemabouche.ht/2017/05/01/kakistocrassie/
JMButeau
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