Il est un businessman, pas un politicien

Le 12 janvier 2015, Bruce Vincent Rauner est devenu le 42ème gouverneur de l’Illinois avec la promesse de reprendre l’État des mains des politiciens traditionnels et des intérêts spéciaux et de « mettre le peuple d’abord ». Le site Internet de sa campagne le présente comme un self-made man qui s’est engagé à améliorer la situation de l’Illinois et y créer un État prospère où, comme lui, tout le monde pourra réussir. Dans cet État américain (le 5ème en termes de population) considéré comme un microcosme du pays tout entier, le slogan de sa campagne « Bring Illinois Back » était en résonance avec ceux, nombreux, qui avaient l’impression de ne plus reconnaître leur pays et qui, un an plus tard, allaient, dans les États-Unis tout entier, confier à l’homme d’affaires Donald Trump la tâche de  « Make America Great Again ».

Rauner est un businessman, pas un politicien. C’est sa meilleure carte. Une carte qui nous est vendue aussi céans comme celle qui va nous sauver.  Au cours de la campagne présidentielle de 2015-2016, les trissotins étaient sortis en force faire l’apologie de l’entrepreneur-candidat parce que sans doute, comme je l’écrivais à l’époque,

[l]’histoire des idées politiques, c’est connu, a été une longue quête pour trouver le meilleur moyen d’accumuler du capital et de tourner toujours plus de profits pour les actionnaires.

Une fois élu, la première ordonnance (executive order) du Gouverneur Rauner s’empressa mettre un terme à l’embauche au niveau de l’Étatcomme le fera deux ans plus tard, un certain Donald Trump – et aux dépenses discrétionnaires.  Il demanda aussi aux agences de l’État de vendre les biens excédentaires.  Nouveau CEO de l’État, il commença donc, naturellement, par des plans sociaux et des compressions de budget. C’est logique. En février, il s’en prendra au syndicat des employés de l’État, proposera de couper dans le budget de l’éducation supérieure, de la couverture santé (Medicaid), les pensions des employés, le transport public et le support aux gouvernements locaux. En avril, ce sera au tour du financement des programmes s’intéressant aux problèmes liés à la violence familiale, les jeunes sans abris, l’autisme et l’intégration des immigrants, de faire les frais de la restructuration managériale du gouverneur.

Ses 100 premiers jours bouclés, le bon gouverneur républicain continua d’essayer de passer ses coupes budgétaires, sans succès. Il s’est installé depuis deux ans dans une impasse ouverte avec la législature démocrate de l’État. Il est un businessman, pas un politicien. Il sait donner des ordres et ne comprend pas que l’on n’y obtempère pas. Il refuse de négocier. Il est un winner. Il ne va pas plier devant des politiciens. Résultat: depuis deux ans, l’État de l’Illinois n’a pas de budget et se trouve dans une situation plutôt désespérante. Les organismes de services publics ont dû réduire leurs services, les universités d’État ont mis à pied du personnel, le service de transport en commun a complètement cessé dans certains comtés et l’accessibilité à l’aide à l’enfance a été réduite de 90%.

Le 30 juin 2016, le gouverneur Rauner a dû, au pied du mur, signer un budget temporaire permettant aux écoles publiques de continuer à fonctionner pendant un an et aux services essentiels de l’État de tenir encore pendant 6 mois. Aujourd’hui, 6 jours après son discours sur l’état de l’État où il invitait ses administrés à ne pas abandonner et à lui faire confiance, le plus grand syndicat d’employés de l’État de l’Illinois, pour la première fois dans son histoire, tient un vote pour entrer en grève.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’Illinois, avec un businessman à sa tête, connait les joies de l’État-entreprise, entre précarité, licenciement et grèves de syndicats. Tout comme les réussites avérées de l’Amérique de Bush Jr ou de l’Italie de Berlusconi, le succès inévitable de cet État qu’a représenté un certain Sénateur Obama est une preuve de plus de l’édifiante, respectable et irréprochable vertu de la richesse. Peut-être même aurons-nous la chance d’en profiter bientôt. Qui sait?

Un commentaire sur “Il est un businessman, pas un politicien

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :