Quand la justice haïtienne encourage les pédocriminels

Le 7 octobre 2010, lorsque le parquet de Port-au-Prince classa sans suite une double plainte pour viol et pédophilie contre Evans « Dady » Lescouflair, le ministre des sports et de la jeunesse d’alors, son conseil d’avocat se réjouit de la fin, sur Internet, d’un assassinat de caractère en règle de leur client désormais blanchi par la justice. Le concerné, lui, était « soulagé », tout en déplorant que l’on puisse ainsi accuser des gens Comme pour Yves « Dadou » Jean Bart – banni à vie du football mondial pour cause d’abus sexuels sur mineurs – la justice haïtienne n’avait rien trouvé à reprocher à l’accusé du fait de l' »absence de preuves ». Aujourd’hui où le témoignage d’une nouvelle victime présumée de M. Lescouflair est devenu viral sur la toile haïtienne, il importe de se demander à quel point, la rapidité de nos juges à « blanchir » les auteurs présumés, encourage ces derniers à s’en prendre à nos enfants.

Il faudra sans doute un jour s’arrêter à la curieuse coïncidence qui veut que des responsables de sport accusés de viol, d’abus sexuels et de pédophilie puis blanchis par la justice aient le surnom de « papa ». Le pédocriminel cherche à obtenir la confiance de ses victimes. Il exerce des métiers – enseignant, prêtre, moniteur de sport … – où il sera en contact avec des enfants. Il se construit un personnage affable, attentionné, de « père » de substitution. Dans le témoignage de Claude Alix Bertrand, il prend le visage d’un enseignant inquiet de la performance d’un de ses apprenants et qui réussit à l’isoler parfaitement jusqu’à prévenir le chauffeur venu récupérer l’enfant de ses patrons que ce dernier a été puni.

Dans une vidéo où les révélations sont les unes plus rageantes que les autres, c’est le détail le plus débilitant. À un pauvre garçon espérant un secours extérieur, son prédateur coupa tout accès de la plus sournoise façon. C’est un détail qui trahit une grande minutie dans la planification de l’abus. Anticiper l’intervention du chauffeur tout en plantant l’idée que sa victime serait à blâmer. Un enfant puni qui accuserait ensuite son professeur ne serait pas cru; ce serait le plus bel indicateur qu’il voulait se venger sur celui qui n’a jamais voulu que son bien. Un enfant puni qui affiche des changements de comportements – baisse de notes, rébellions … – est perçu comme méritant ses punitions … au point que l’enfant lui-même finisse par y croire. Si rien ni personne ne lui vient en aide, c’est qu’il doit l’avoir mérité. Aussi, se tait-il, en espérant un miracle.

C’est à ce garçon, ce garçon isolé, à qui l’on a imposé un silence étouffant, que le témoignage de Monsieur Bertrand s’adresse en premier. Il parle d’abord pour lui. Il lui parle aussi. À « l’enfant qui est en [lui], il offre la voix d’un adulte que l’on écoute : architecte, homme d’affaires, ambassadeur de bonne volonté à l’Unesco et capitaine de l’équipe haïtienne de polo. Il lui donne enfin la chance d’être écouté par des adultes et de ne plus craindre leurs jugements.

Claude Alix Bertrand

Par définition, l’enfant est « celui qui ne parle pas »; le mot nous vient du latin « infans » qui signifie « ne parlant pas ». Ce n’est pas tant qu’il ne parle pas mais que sa parole ne compte pas. Le pédocriminel le sait et il en use. Il compte sur le silence. De l’enfant qui se tait de peur de ne pas être écouté. Des adultes qui le feront taire pour ne pas l’écouter.

Il arrive toutefois que des adultes écoutent. Des adultes comme la mère de la victime de l’ancien député Anthony Dumont qui réussira à le faire condamner … pour le voir libéré cette année et proclamant à la nation que « la défaite de la justice est provisoire« . Des adultes comme Romain Molina (et les enquêteurs de la FIFA) qui ont dénoncé des abus sexuels sur mineurs commis par Yves Jean Bart … pour le voir blanchi par la justice haïtienne le jour précédant la sortie de la décision du comité d’éthique de la Fédération internationale de football et de son rapport. Des adultes comme l’oncle de cette victime présumée de Lescouflair – également victime de viol – qui ont porté plainte … pour voir des acteurs de la chaine judiciaire (et affiliés) s’empresser de blanchir quelqu’un qui était pourtant poursuivi par de telles rumeurs des années auparavant.

Le problème vient du fait qu’il semblerait que, pour les abus sexuels sur mineurs, aucune preuve ne soit recevable par devant la justice haïtienne. Un enregistrement vidéo, des témoignages concordants, des faits avérés; rien ne semble convaincre le juge haïtien. Dans les cas de pédocriminalité, ne pouvant blâmer, comme il est de coutume, la victime mineure, le plus simple est de ne rien voir et de classer l’affaire. Ce, faisant, la justice haïtienne donne un blanc seing aux pédocriminels et les invite à sévir sans inquiétude, au prix d’enfances volées, par milliers, à nos garçons et à nos filles.

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