Le 12 décembre 2006, un traité signé entre le Guatemala et l’organisation des Nations Unies (ONU) crée la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) caractérisée par son indépendance politique, organisationnelle et financière du gouvernement. Le traité sera ratifié par le congrès guatémaltèque le 1er août 2007 ouvrant la voie à l’une des plus grandes success stories du continent en matière de réduction du taux d’impunité.
Vaincue par le Président Jimmy Morales qui en a expulsé le Directeur et mis fin à la commission – le Président n’appréciait pas que la commission enquête sur lui et son parti, le Front de Convergence Nationale – la CICIG jouit d’une grande confiance dans la société guatémaltèque d’un taux d’approbation de 70%. Et pour cause. Au cours de ses 13 années d’existence, la CICIG a réussi à faire
- révoquer les concessions de mégaprojets de développement douteux
- arrêter des dignitaires tels le président Álvaro Colom (2008-2012), le président Otto Pérez Molina (2012-2015) et sa vice-présidente Roxana Baldetti et
- connaître de nombreuses affaires: exécutions extrajudiciaires (Pavón et PARLACEN), malversations (Alfonso Portillo), revenus illégaux (Direction générale de l’imigration), trafic de drogue (Les Mendoza), corruption (La Línea).
L’affaire de La Línea (pour la ligne téléphonique) commence par une affaire de fraude douanière impliquant des hauts fonctionnaires du gouvernement Molina. Nous sommes le 16 avril 2015. La CICIG donne une conférence de presse sur l’existence au sein de l’administration fiscale guatémaltèque, la Superintendencia de Administración Tributaria de Guatemala (SAT) d’un numéro de téléphone – d’où la línea – que pouvait appeler les importateurs voulant réduire leurs droits de douanes en échange de pots de vin. Au bout du fil, un réseau de membres de la SAT à différents niveaux hiérarchiques qui, pendant la durée de l’enquête, de mai 2014 à février 2015, aura traité au moins 500 containers.
Le 19 avril 2015, la vice-présidente Roxana Baldetti est directement mise en cause pour avoir reçu des chèques d’un montant total de 900 000 euros. Quant au Président, la rumeur veut qu’il ait reçu plus de 3 millions de dollars en pots de vin. Le 25 avril, des milliers de guatémaltèques se retrouvent dans les rues dans une « manifestation pacifique » contre la corruption. A l’origine de celle-ci, une guatémaltèque du pays qui pour éviter toute personnalisation de la lutte, refusa que son nom, ainsi que celui de 6 amis proches, connu comme le groupe de 7, soient utilisés dans les médias, même s’ils étaient pleinement visibles sur Facebook . Écœurée par le contenu de la conférence, elle organise un événement sur Facebook invitant à demander la démission du président et de la vice-présidente avec le hashtag #RenunciaYa (démissionne donc). Les instructions étaient claires : pas de partis politiques, de l’eau, de la nourriture, de la crème solaire et des visages à découvert. La stratégie paya: des milliers de personnes gagnèrent les rues et la vice-présidente démissionna (10 mai).
Le 21 août 2015, la CICIG et le procureur lancent un mandat d’arrêt contre la vice-présidente Baldetti qui est alors envoyée en détention préventive. Le dimanche 23 août, le Président nie tout en bloc mais il ne convainc pas. Le 27 août, des représentants de la société civile, des étudiants, commerçants, entrepreneurs, paysans et la population en général participent au Paro Nacional (grève générale) de 2015, avec des manifestations massives dans 14 villes du pays. Le 2 septembre, le Président présente sa démission qui est acceptée le jour suivant par le Congrès. Le même 3 septembre, Molina est arrêté et placé en détention.
Le Président Morales ayant mis fin à la CICIG – avec l’accord tacite de Donald Trump en échange de l’alignement du Guatemala sur les positions américaines notamment quant à la capitale d’Israël et les relations avec Taïwan – l’aventure peut sembler s’arrêter là. Toutefois, les acquis de 13 années de succès sont là, la société civile est désormais consciente de sa force et le président Morales quitte le pouvoir l’année prochaine. Sur le mur d’enceinte de l’ancien siège de la CIGIG – appelé à être remplacé par un centre commercial – des militants, artistes et avocats ont peint une fresque « Merci Cicig, le peuple n’oubliera pas. La justice reste ». Elle a été tweetée par l’ancien directeur de la Commission avec ces mots : Merci ! Tu fleuriras, Guatemala !
Un bon exemple à suivre par nos dirigeants
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