Les 7 mercenaires sont partis mais leur histoire n’en demeure pas moins fascinante. Le gouvernement n’ayant toujours pas offert sa synthèse, je me dis autant continuer à partager les quelques informations que j’ai pu glaner ici et là sur la question. Ainsi, mes lecteurs, fins limiers qui s’ignorent pourront aider à compléter le puzzle.
Jusqu’ici, nous avons une compagnie d’Américains, Preble-Rish Haiti, dont le chauffeur accompagnait des mercenaires étrangers pour une mission non identifiée impliquant la Banque de la République d’Haïti. Si l’on en croit leurs compagnies respectives, ces mercenaires travaillaient en solo, sans aucun lien avec leurs maisons-mères. Cela ressemble donc, en tout point, à une mission spéciale; ce que semble confirmer l’intervention de Mario Reta – du Bureau de sécurité régionale de l’Ambassade américaine en Haïti – en leur faveur. Nous n’avons pas encore la copie de sa lettre que le Ministre de la Justice, Monsieur Jean Roudy Aly, a mis en PJ de son autorisation de transfert en date du 20 février 2019 mais cela ne saurait tarder, le Premier Ministre attendant un rapport de son Ministre de la Justice depuis bientôt deux semaines.
Le 24 avril 2007, 6 agents spéciaux américains sont honorés pour leurs efforts dans l’Opération Triple X, une enquête conjointe entre le service de Sécurité diplomatique des États-Unis et la Police nationale indonésienne. L’opération visait, d’après la notice du Département d’État, à démonter des syndicats de contrefaçon liés à des réseaux terroristes en Asie du Sud-Est. Parmi ces 6 agents se trouvaient Mario Reta que nous retouvons 7 ans plus tard en Afrique du Sud comme le contact régional pour le service de coopération sécuritaire entre le Département d’État et les entreprises américaines à l’étranger (OSAC). Mario Reta qui fait libérer (dans les faits), demande de transférer (selon le Ministre Aly) ou sauve (selon l’un des mercenaires) 7 prisonniers américains – alors que le Département d’État précise clairement sur son site qu’ils ne le peuvent – semble donc indiquer une opération spéciale quoique, de toute évidence, sans enquête conjointe avec la Police nationale haïtienne, désormais coutumière de tels oublis.
https://travel.state.gov/content/travel/en/international-travel/emergencies/arrest-detention.html
We Cannot:
Get U.S. citizens out of jail
State to a court that anyone is guilty or innocent
Provide legal advice or represent U.S. citizens in court
Serve as official interpreters or translators
Pay legal, medical, or other fees
Naturellement, le Premier Ministre Céant, #PetroChallenger déterminé, y a vu une chance de se présenter en alternative valable à la nation et l’a saisie. Ce n’est pas particulièrement difficile d’être « présidentiel » quand on a un Jovenel Moïse en face, mais bon, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. Revenons toutefois à nos mercenaires, à l’un d’entre eux, en particulier. Non, pas celui qui aurait eu son passeport un jour avant de se faire arrêter, de façon complètement imprévisible, parce que des Haïtiens ont fait leur travail.
Chris Osman nous a déjà dit ce que nous savions déjà, sur son compte Instagram. Ils travaillaient directement pour des gens liés au Président Moïse. Du reste, le camion pickup acheté argent comptant par l’ancienne Directrice Générale du Service Métropolitain de Collecte de Résidus Solides (SMCRS), Magalie Habitant pour le compte de Fritz Jean-Louis, ancien Ministre délégué aux questions électorales, ancien directeur de la loterie nationale sous Martelly et réputé actuel conseiller du Président Moïse, le disait assez. Le fait que l’un des responsables de Preble-Rish Haïti soit le beau-frère de l’ancien Président Martelly, aussi. L’enquête du média en ligne AyiboPost sur une autre des plaques d’immatriculation en possession des mercenaires le confirme plus avant. Non, le mercenaire qui m’intéresse s’apelle Dustin Daniel Porte, le seul des 5 Américains, il semblerait, à ne pas être un vétéran de l’armée américaine.
C’était le seul – pour reprendre une expression bien américaine – à me donner pause. Que faisait-il, là, seul, parmi des hommes armés jusqu’aux dents. Qu’est-ce que c’est que ce mercenaire qui n’est pas un militaire?
J’ai commencé, comme toute grande lectrice d’Agatha Christie qui se respecte, par me lancer dans une étude délicate et minutieuse des personnages de l’intrigue – lire, j’ai ouvert Google – pour identifier précisément les ressorts psychologiques et les implications de ceux-ci sur le déroulé de l’histoire – lire, j’ai tapé son nom et y ai ajouté Haïti. La méthode n’a pas failli: Dustin Daniel Porte aurait des antécédents chez nous. Il y serait venu en été 2010, avec la Task Force Kout Men menée par la Garde Nationale de la Louisiane, dans le cadre du projet Nouveaux Horizons-Haïti 2010.
Le beau-fils d’un ancien maire de Mandeville en Louisiane, n’a pas toujours été un mercenaire que son ambassade a dû venir sauver en catastrophe pour des raisons à éclaircir. De juin à septembre 2010, l’agent spécial Dustin était « excité de travailler avec les unités de la Task Force Kout Men et les locaux à reconstruire une partie de leur communauté« . C’était bien avant l’incorporation, en 2014, de Patriot Group Services, Inc. dont il est le Président et officier.
C’était, une époque plus innocente. Celle où le chapelain de la Garde Nationale, le Lieutenant-colonel Gil Arthur, pasteur de la East Leesville Baptist Church, accompagnait ses concitoyens dans l’effort humanitaire américain post-séisme. Le bon pasteur, qui avait alors plus de 30 ans d’expérience dans la Garde nationale, parlait alors d’une mission très satisfaisante, « une opportunité incroyable de, non seulement servir mais de mieux connaître plusieurs citoyens de ce pauvre mais magnifique pays ».
Mais alors, comment Dustin Porte est-il sorti d’une mission où il construisait des écoles à Gonaïves pour nous revenir dans une voiture sans plaques d’immatriculation, en compagnie de collègues lourdement armés, un dimanche soir, sous le couvert de la nuit cherchant à accéder, à en croire l’avocat et conseiller du Président Moïse, Me Reynold Georges, « au sous-sol où se trouve le coffre-fort et tout l’appareillage informatique sous prétexte qu’ils étaient venus faire un travail« . Cette même thèse d’un travail pour la BRH avancé par Fritz Jean-Louis – qui aurait quitté le pays selon le militant des droits humains, Pierre Espérance – a été rejetée par tous les acteurs concernés. Le mystère reste donc entier.
Quoi? Vous pensiez que j’allais vous dire comment Dustin Daniel Porte est passé d’humanitaire à mercenaire? Comment le saurais-je? Ce n’est pas un roman d’Agatha Christie et je ne suis pas détective. Je peux toujours vous parler de la militarisation de l’action humanitaire, un sujet de relations internationales qui m’interpelle particulièrement et que j’aurais plaisir à partager avec vous mais, ces derniers temps, il semblerait que ma muse soit strictement préoccupée des affaires haïtiennes. Mais qui sait, un autre jour, peut-être?