Ce matin, je suis passée devant la maison d’une très importante personne. Je coupais par bois pour éviter certain embouteillage fameux et certaine route en terre indomptée s’est souvent révélée d’une utilité imparable. Il y a bien quelques soucis en temps de pluie mais, l’un dans l’autre, ce chemin saupoudreux et rocailleux souvent se révèle un véritable cadeau de Dieu. Il y a quelque temps, j’ai vu des camions s’y activer. Et des tracteurs. Et des bulldozers. Et des niveleuses. Une véritable armée d’équipements lourds avec des bras grands comme ça qui vous travaillaient la terre, la triturant, la modelant, la domptant.
Mon chauffeur qui, comme vous le savez, aime bien les cadeaux, crut au miracle. L’État avait enfin pensé à nous. Ce triste chemin, emprunté par les blocusophobes les plus intrépides d’entre nous, allait finalement devenir une route, une vraie. Pas une petite route en terre battue. Non, M’dame. Une vraie. Avec de la belle asphalte toute noire. Me voulant plus pragmatique, je lui offris une explication plus vraisemblable: un personnage très important de la République y avait sa résidence.
Nous passions devant la belle barrière peinte aux douces couleurs du Macoss quand je lui en fis la remarque. Cela ne le désarçonna guère. C’est de coutume, m’expliqua-t-il. En Haïti, c’est la colonne qui bat. Quand quelqu’un de votre zone monte au pouvoir, votre zone en bénéficie. Il avait raison. Nonobstant, les paroles creuses et les promesses vides de sens de nos candidats, leurs programmes politiques se résument, dans la pratique, à cette phrase sortie comme une évidence. Les travaux publics céans sont souvent des travaux privés financés par le public.
Notre personnage très important de la République poussera la chose à son maximum. La nouvelle route asphaltée ne concerne finalement que sa maison et son environnement immédiat. Elle s’étend sur quelques centaines de mètres et ne devait avoir vocation qu’à réduire les nuages de poussière causés par les honorables et leur suite lorsqu’ils viennent, régulièrement, y faire le pied de grue, à la recherche de faveurs quelconques. N’empêche, je serais intéressée à savoir quelle rubrique du budget national est utilisée pour ce genre de projets. Amélioration des conditions de vie des personnes démunies?
Vive la lutte de classes!universelle et fraternelle..♥♥
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Fataliste cette réaction « normale » de qualifier ces pratiques de « tradition »? Et on nous bassine a longueur de temps avec la fameuse « résilience » du peuple Haïtien… Ça m’évoque un souvenir: je me permets de partager la réaction tellement innocente (et normale!!) des parents (étrangers) d’une il-fut-un-temps colocataire de la maison ou je vis, maison équipée d’inverteur et de batteries, parents venus donc passer quelques jours de vacances, a qui on (étrangers aussi certes mais résidents en Haiti depuis un certain temps déjà) expliquait donc la raison d’être de cet étrange attirail….. Réaction a cette explication donc, se résumant peu ou proue aux mots choques suivants : « Mais ?? les gens ont donc une réaction individuelle a un problème collectif ?? Le système existant n’est pas capable de fournir un service régulier et normal, et au lieu de collectivement « sortir dans les rues » (vision très française de la revendication collective) pour forcer la main aux décisionnaires afin de régler le problème pour la collectivité, au lieu de ça c’est uniquement chaque individu qui peut se le permettre (et a quel prix !!) qui s’équipe de ce matériel pour régler le problème uniquement pour son petit foyer a lui ?? Quelle étrange coutume….. » 😉
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