Par un jour très spécial de février, une assemblée, de noir et blanc vêtue, nous a choisi un Prince vert. La cérémonie eut lieu, sept jours après le départ d’un roi-bouffon rose et de sa cour, selon les vœux d’un accord préalablement conclu entre personnes royales. L’assemblée consacra le Prince qui se vit confier les clés du royaume pour y organiser les élections. On lui accorda 120 jours pour accomplir le miracle. Comme il fallait s’y attendre, il n’y arriva pas.
Dans quelques heures, l’Assemblée Nationale doit de nouveau se réunir pour se prononcer sur le sort du Président provisoire. Les tractations vont bon train alors que certains crient et dénoncent une présidence de facto. Le problème est qu’il n’a jamais été de jure. Nous sommes dans une situation de fait, depuis le 7 février 2016. Le mandat du Président Michel Martelly était arrivé à sa fin sans qu’il soit parvenu à organiser les élections devant désigner son successeur. Le « droit politique » – lire constitutionnel – n’ayant rien prévu dans ces cas-là, l’accord du 5 février avait pour double mission de permettre à Monsieur Martelly de s’en sortir sans trop y laisser de plumes et de trouver, sinon une solution du moins, un moyen de surseoir à la crise électorale.
Il fut décidé – sous l’impulsion de qui, on ne sait trop – d’un compromis aux allures constitutionnelles, en allant chercher, dans l’article 149 de la Constitution (faussement) amendée, une certaine légitimité – on laissera de côté la légitimité des parlementaires issus des événements de 2015 – par l’élection d’un Président provisoire au second degré. La légalité de la chose ne se posa même pas. Nous étions dans l’a-légalité. Nous étions dans le fait politique. Nous étions dans le de facto. Nous y sommes aujourd’hui encore où il n’existe aucun procédé constitutionnel auquel se référer pour remplacer un Président provisoire dont la durée du mandat s’est terminé avant l’organisation des élections. Nous continuerons d’y être tant que nous n’aurons pas réussi à élire, selon les prescrits constitutionnels, un Président de droit.
Le droit procède de la politique. C’est un fait indiscutable, n’en déplaise à nos Trissotins, juristes, journalistes, toutistes et autres leaders importants. Le droit est une politique qui a réussi et si bien réussi que plus personne – ou presque – ne la questionne parce que « c’est la loi ». Une loi qui est le fait des politiciens et non des magistrats. Le de jure procède donc du de facto. Mauvaise publicité due à l’embargo de 1993 mise à part, une situation de fait n’est donc pas ipso facto une mauvaise chose. Elle peut conduire à une situation de droit où le droit, effectivement, régit la politique. C’est l’État de droit; ce à quoi nous aspirons tous.
Dans le cas qui nous préoccupe, la meilleure chance que nous ayons d’y arriver passe par les urnes. Voilà le seul défi auquel il nous faut nous atteler. Tout le reste n’est que chimères.