Réginald Boulos cherche à organiser la défaite de Préval. C’est le titre d’un câble confidentiel envoyé par Timothy M. Carney, Chargé d’Affaires à l’Ambassade américaine à Port-au-Prince, le mardi 20 décembre 2005 à 14:21. Le câble est classé confidentiel parce qu’il partage les résultats d’un sondage – eh oui – du Dr Boulos qui, d’après ce dernier, montrait que les forces anti-Préval étaient bien placées pour l’emporter car les résultats
ont montré que les parties de l’entente obtiendraient la majorité de sièges tant au sénat qu’à la chambre des députés, avec OPL, Fusion et Alyans comme les partis les plus forts. [Boulos] a souligné qu’il était donc d’autant plus critique que la course présidentielle se poursuive jusqu’au second tour. Sinon, un nombre important d’électeurs anti-Préval pourraient s’asseoir au deuxième tour ou bien sauter sur le train en marche de Lespwa train en marche. Boulos a déclaré que les candidats de Lespwa/Famni Lavalas ne gagnerait actuellement que cinq sièges au Sénat – pressé par Polcouns, il a concédé à contrecœur une différence entre les deux partis, affirmant que les candidats de Lespwa étaient plus forts. Boulos a déclaré que le candidat sénatorial le plus fort semblait être Youri Latortue du département de l’Artibonite, qui était « extrêmement populaire » et en raison de son énorme avantage en termes de ressources, fonctionnait, « pratiquement sans opposition ».
Le bon docteur est déterminé. Alors président de la chambre de commerce haïtienne et militant politique confirmé, il organise chaque semaine un sondage qui montre René Préval avec une avance sur Charles Henri Baker et Leslie Manigat. Chaque semaine. Pour le même résultat. Préval sera président. Il est dépité. Désappointé. Déçu. Les partis de l' »Entente politique pour la démocratie et la modernité » qu’il a lui même conçu avec le groupe des 184 et son leader Andy Apaid n’a pas réussi à s’unifier autour d’un candidat pour s’opposer à Préval.
Au 28 novembre 2005, date de sa signature, l’Entente n’avait réussi à s’accorder que sur la nécessité d’adopter une « stratégie unitaire… contre toute menace à la démocratie « . Sur 9 partis et groupements signataires – Le Grand Front Centre Droit (GFCD), le Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP), l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), le Parti Libéral Haïtien (PLH), l’Alliance Démocratique, la Fusion des Sociaux-démocrates, le Mouvement Chrétien pour une Nouvelle Haiti (MOCHRENA), l’Union Nationale Chrétienne pour la Reconstruction d’Haïti (UNCRH) et la plate-forme Combite pour Rebatir Haiti (KONBA)/Respect – 8 présentaient un candidat à la présidence. Ils n’envisageaient l’alliance qu’à partir du second tour. Aussi, le Dr Boulos – qui ne devait pas savoir qu’on était allé chercher Préval dans sa Marmelade natale – tenait-il absolument à ce qu’il y ait un second tour. Un bain de piscine à l’hôtel Montana mettra fin à ce rêve fou – Préval continuera d’être – mais, à l’époque, le bon docteur pensait avoir de quoi espérer.
L’homme avait une certitude: une seconde présidence de Préval serait catastrophique. Aussi, était-il résolu à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que sa candidature soit un échec. Il reprochait à l’ex-marasa de Titide d’être faible par rapport à son ancien patron et de ne pouvoir empêcher l’ancien président Aristide et les siens de revenir dans la politique. La connivence avec les leaders de gang – ils n’étaient pas encore les leaders communautaires que lui supporterait – et la corruption qui dominaient la première administration de Préval l’outrageait. Cela le peinait de voir des membres du secteur privé – le fameux groupe de Bourdon – donner , en sus de Taiwan, leur support financier à cet homme qui n’était certainement pas un ami de la nation.
Le Chargé d’affaires Carney est séduit par la candeur de celui qui rêve d’être Premier Ministre de l’Entente arrivée au pouvoir. Les sondages de Boulos semblent impartiaux et sont « un outil utile pour comprendre la direction de la campagne. »
Boulos est d’une simplicité rafraîchissante et franche. Plutôt que de lancer des théories du complot comme la plupart des observateurs politiques en Haïti ont tendance à le faire, il se concentre sur des sondages et des recherches précis et sur des conclusions logiques.
Timothy M. Carney, REGINALD BOULOS AIMS TO ENGINEER PREVAL’S DEFEAT, Cablegate-Wikileaks, 20 décembre 2005.
Il aura bien changé depuis. De nos jours, il a un parti politique dont les responsables s’en prennent aux sondages et trafiquent dans les théories du complot. Il se retrouve aussi poursuivi en justice par l’administration d’un ex-Seigneur de la Banane qu’il avait joué des pieds et des mains pour faire élire. Ceci explique peut-être cela.