Le 8 juin 1973, le commissaire en Peter Fitzroy Godber usa de son permis du Département de l’Aviation Civile pour passer les points de contrôle de l’aéroport Kai Tek et entrer dans un avion à direction de Londres. Un jour plus tard, il s’était arrangé pour que sa femme laisse la colonie. La nouvelle de son évasion et l’outrage subséquent aboutiront, en 1974, à la création de la Commission Indépendante Contre la Corruption (ICAC) et l’installation d’une culture anti-corruption qui, vaudra, 26 ans plus tard, à Hong Kong les félicitations de la Transparency International pour la construction et l’aménagement d’un aéroport de 20 milliards de dollars sans corruption.
Le commissaire Godber était une figure incontournable de la colonie hongkongaise. Superintendant en chef de la police royale de Hong Kong et Commandant adjoint du district de Kowlooon, il s’était fait une réputation de brave homme ayant contribué au retour à l’ordre lors de des émeutes de Hong Kong (1966). Dix policiers y avaient laissé la vie, tués par des bombes et les attaques de rue. La nation reconnaissante décora l’homme. Un peu avant sa retraite, en 1973, la découverte de près de 4.4 millions de dollars hongkongais logés dans des banques en Angleterre, en Australie, au Canda, aux États-Unis et à Singapour déclencha une enquête de la police anti-corruption quant aux sources de cette richesse.
Le Hong Kong des années 1970 est encore cette cité des Triades et autres réseaux mafieux servant de toile de fond aux romans S.A.S et autres romans de la Série Noire. La corruption y est perçue comme naturelle. Elle n’est pas seulement tolérée, elles est pratiquement admise dans ce havre du capitalisme en Asie. Par la société. Les entreprises. Le gouvernement.
La surpopulation et les pénuries qu’elle entraîne offrent un terreau fertile aux agents véreux décidés à augmenter leurs fortunes personnelles. Les services de bases sont de plus en plus chers, les faveurs de fonctionnaires se paient à prix d’or. L’avidité ne connait aucune limite. Tout est prétexte à marchandages. La corruption est généralisée. Les frustrations augmentent.
La fuite crânante du commissaire Godber sera toutefois la goutte de trop. Ce départ facilité par un permis de l’administration outragea une population qui se mobilisa et exigea son arrestation. Ce sera fait, en Anglteterre, le 29 avril 1974 avant son extradition à Hong Kong, le 7 janvier 1975. Le procès dura 7 jours – du 17 au 25 février – et se conclut sur la condamnation de Godber à 4 ans de prison.
Aujourd’hui, Hong Kong occupe la 13ème place dans le classement de Transparency International avec un score de 77 sur 100. Cette place de choix elle la doit à l’ICAC et sa stratégie en trois temps autour de l’engagement politique, le choix d’une stratégie efficace et la sensibilisation à la lutte contre la corruption.
Les résultats parlent d’eux-mêmes pour ce précurseur de la lutte contre la corruption dans le monde à une époque où celle-ci est négligée, voire occultée, dans les pays industrialisés. Ils soulignent l’importance de l’engagement de la population:
- 90% des rapports sur la corruption reçus par l’ICAC viendraient directement de la population dont 70% sont signés.
- 99% des sondés soutiendraient l’action de l’ICAC dont 75% font par de leur volonté de dénoncer la corruption.
Ce succès total résulte d’une innovation gouvernementale majeure – un organisme spécialisé et complètement indépendant chargé d’enquêter sur les affaires de corruption – associée à des investissements importants pour opérer une authentique révolution des esprits. Outre la volonté politique – notamment pour un financement adéquat et régulier – et un cadre législatif solide – avec des définitions simples et claires des crimes et délits – le modèle hongkongais de la lutte contre la corruption reposait sur une stratégie englobant enquêtes, prévention et mesures de sensibilisation consciente de la nécessité de la participation active de la population.
L’ICAC s’activa ainsi à éduquer le public contre les conséquences néfastes de la corruption afin de s’assurer son soutien. Huit bureaux régionaux sont ouverts pour faciliter le contact du public avec les membres de l’ICAC. Un plan de communication est mis en place avec un service dédié au contact avec les médias et la production d’information. Parallèlement, pour regagner la confiance du public, un système de protection des données confidentiel est institué pour garantir la sécurité de ceux qui déposent des plaintes. Vingt ans plus tard, l’aéroport de Hong Kong attestera de la réussite de ce combat contre la corruption. La police, les hommes d’affaires et la population en général avaient compris que l’honnêteté était, au final, plus bénéfique, le développement économique étant tributaire d’un faible taux de corruption.
Depuis, l’ICAC a fait des émules. Les dispositifs anti-corruption sont désormais bien installés dans le paysage mondial avec un succès d’autant plus grand que la société civile arrive à peser et influencer les politiques publiques.
Superbe billet
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Merci.
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Merci d’expliquer par la présentation de cas concrets que la lutte contre la corruption c’est un travail d’éducation qui s’inscrit dans la durée.
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En effet. C’est très long la lutte contre la corruption et il importe de le comprendre.
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C’est l’équivalent de notre moribond ULCC
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