Dans l’histoire de la Genèse, Adam et la transgressive Ève découvrent leur nudité après avoir mangé certain fruit défendu, certes, mais surtout en se découvrant nus l’un l’autre.
Leurs yeux à tous les deux s’ouvrirent, et ils prirent conscience qu’ils étaient nus. Ils attachèrent des feuilles de figuier ensemble et s’en firent des ceintures. Genèse 3, 7
Ils s’en firent des ceintures parce que, contrairement à leur situation en Genèse 2, 25, où ils ne savaient pas qu’ils « étaient tous les deux nus, et ils n’en avaient pas honte », le regard de l’autre était devenu pesant.
Dans la Bible, c’est par le péché et la honte que sont arrivés les vêtements. Pour le Musée de l’Homme, les coupables seraient plutôt la migration hors d’Afrique et le froid. Un article de Melissa A. Toups et al., publié en janvier 2011 dans le journal Molecular Biology and Evolution (PDF), replace plutôt l’origine des vêtements en Afrique, il y a 40 à170 000 ans alors que nos ancêtres se battaient contre les poux. Quoiqu’il en soit, à ses débuts, l’humain originel, était sublime dans son corps libre et beau! Puis, arrivèrent les vêtements avec des fonctions allant de la protection (contre la pluie et la neige) à la distinction sociale (entre dominants et dominés).
C’est ainsi que, misogynie faite Dieu oblige, les vêtements serviront pendant des siècles à enfermer, comprimer, emprisonner le corps féminin. Voici les descendantes « civilisées » de Lucy coiffées, voilées, guimpées, encorsettées, ensurcroitées et généralement engoncées dans maintes jupes et accessoires contraignants … au gré d’une société hautement préoccupée par la pudeur (féminine). Dans « Vêtement féminin et pudeur. L’exemple parisien, XIVe-XVe siècles », Marie De Rasse écrit:
Le vêtement apparaît comme un élément essentiel de l’histoire de la pudeur … À la fois rempart contre les regards des contemporains et de Dieu, et indicateur de pudeur ou, au contraire, de débauche, il permet à l’individu qui le porte de s’intégrer dans une société donnée et participe, à ce titre, d’un code permettant de revendiquer son appartenance à cette société. [Toutefois] La pudeur semble chez les femmes être plus fortement déterminée par le vêtement que chez les hommes. [….] Dans les textes de sermons, la femme honnête doit se conformer à l’image que Dieu en a donné : elle ne se farde pas, elle ne montre ni son corps ni sa poitrine. Les prédicateurs dénoncent ces décolletés généreux qui exposent les seins des femmes au regard et diffusent un modèle diabolisé de la femme trop richement vêtue ou fardée. Elle couvre ses cheveux en signe d’humilité, et surtout, elle ne pèche pas par orgueil en ne portant pas des robes correspondant à un statut social qui n’est pas le sien.
Le vêtement sert ainsi de marqueur de statut social, dans la sphère privée, comme dans la sphère publique. Il sert à rappeler à la femme son statut de mineur et participe de l’appareil de contrôle du corps de celle-ci et de son pouvoir de reproduction.
Le vingtième siècle « libère » le corps de la femme. Adieu les corsets! Vivent les soutiens-gorges pigeonnants, la chirurgie esthétique, les talons de 12 centimètres et toute cette machinerie permettant de continuer à « projeter en avant la poitrine tout en accentuant la chute des reins ».
Contrairement aux vêtements, le nu est physiquement moins contraignant. Il subit, lui aussi, hétéronormativité machiste oblige, l’empreinte souvent inévitable du « regard masculin » mais ce n’est pas parce que les hommes regardent que nous allons cesser de nous montrer, si cela nous fait envie. Après tout, emprisonnées dans des vêtements ou nues comme nous a fait notre mère, nous n’échapperons pas au « regard masculin » alors autant faire à notre guise.
Si une femme veut poser nu. C’est son droit. Si elle préfère se couvrir. C’est tout aussi son droit. Tant que c’est son choix plein et entier, ce n’est ni anti-féministe, ni anti-femmes.
Notre toute première liberté est celle de notre corps. Habeas corpus. Que tu aies ton corps! Ton corps beau et magnifiquement nu, si tu le désires.
Parfois, un nu est juste un nu. Parfois, et c’en devient sublime, c’est l’origine du monde!
Et la question de race, des couleurs et de représentativité dans tout cela, Patricia ?
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Merci pour votre article. Contribution artistique : plasticienne engagée, je travaille entre autre sur la représentation du corps de la femme au travers des dérives religieuses ou des sociétés viriles.
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