Le Festival du rire est en Haïti et il démarre en trombe avec un humoriste canadien comparant, un sénateur haïtien ayant déchiré un projet de loi décrié sur le budget, au « narcotrafiquant le plus dangereux au monde » et au responsable de l’attentat terroriste le plus meurtrier de l’histoire. C’est effectivement marrant. À mourir de rire. Naturellement, son public a bien ri. Le lendemain, la presse salua son génie. Des ouragans portant des noms bien effrayants, en fonction du pays : El Chapo au Mexique, Ben Laden en Afghanistan et Don Kato en Haïti; il fallait y penser ! Quelle vanne superbe ! Vivement qu’on en trouve d’autres aussi drôles. Après tout qu’y a-t-il de plus semblable au plus grand trafiquant de drogues au monde et au plus grand terroriste de l’histoire qu’un sénateur de l’opposition qui marque sa désapprobation en déchirant du papier. Une telle violence mérite bien un ouragan.
Il y a deux ans, dans Une nation d’humiliés, nous mettions en évidence l’importance du témoin dans la dynamique de l’humiliation.
Des trois, le [témoin] est peut-être le plus dangereux et sans doute le plus à même d’expliquer la persistance de l’humiliation que nous subissons et à laquelle nous participons. Le témoin veut éviter d’être l’humilié. Aussi, lui arrive-t-il souvent d’aider l’humiliateur dans l’espoir d’éviter l’humiliation, s’humiliant par le fait même. C’est ici que l’humiliation prend tout son sens en tant que forme d’oppression. Elle établit un système de dégradations en spirale [..]
C’est ce qui explique que des enfants de malere soient les premiers à défendre la blague douteuse de ceux qui accusent leurs parents d’être la cause de tous les maux de notre pays, les premiers à nous accuser de ne faire que critiquer l’état (et l’État) d’un pays qui a l’extraordinaire distinction d’être le plus pauvre de l’hémisphère occidental plutôt que de laisser marcher le pays (vers où ?), les premiers à rire de la bonne blague (vraisemblablement soufflée par un Haïtien, l’incident n’ayant pas fait les manchettes internationales) que l’on fait aux dépens d’un Sénateur, pour reprendre son bon mot, né-sanctionné.
Il est compréhensible d’avoir des réserves quant aux positions du Sénateur Chéramy. Il y a un peu (beaucoup) de théâtralité dans ce qu’il fait (déchirer un projet de loi pour l’empêcher de passer, comme s’il n’en existait pas d’autres copies) et dans ce qu’il dit (s’indigner du fait que Krèk Koko ne soit pas, « comme c’est souvent le cas des artistes comme [lui] », respectée à l’Assemblée Nationale). Il est souvent comme un petit (grand) malaise dans sa façon d’être, de se comporter, de se présenter à une assemblée qui, il est vrai, ne semble pas (vouloir) le tenir en grande estime (ce qui est un comble, étant donné la qualité de ses membres).
Rien de cela n’en fait toutefois un ouragan meurtrier. Rien de cela ne justifie une comparaison avec des meurtriers notoires. Mais ce n’est pas ce qui va nous empêcher de rire, n’est-ce pas ?
Pour une fois chere auteure, je ne partage pas votre point de vue. La comparaison n’est a mon sens en rien offensant. Il suffit seulement de se souvenir qu’El Chapo comme Ben Laden ont ete les ennemies d’une portion de la population mondiale et des alliers d’autres.
Je doute que le comedien ait voulu ou ait tout bonnement porté un quelconque jugement dans la fomulation de sa vanne. Il lui fallait juste trouvé des comparaisons marquante. Personne aurait rien compris a sa blague s’il avait nommé Ashraf Ghani ou Enrique Peña Nieto.
Pour ma part, il s’agit ici d’une offuscade mal placé comme on en voit malheureusement trop souvent chez nous.
Mais bon, s’aurait vraiment ete bizarre que je sois toujours en accord avec vos propos.
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Ç’aurait été bizarre en effet. Du reste, Monsieur Badouri s’est excusé tout à l’heure sur Twitter pensant nous avoir offusqués. Mais le point ici est qu’il a été utilisé pour humilier Don Kato alors qu’on votait le budget qu’il avait décrié.
Le billet ne vise pas le comédien qui n’était jusque là pas nommé par son nom. La blague lui a de toute évidence été suggérée. Il a possiblement été bête de l’accepter mais bon peut-être aussi était-ce une commande qu’il devait accepter.
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Vivant moi-même au Québec, je doute que Rachid Badouri a voulu s’en prendre personellenment à Don Kato; c’est de l’humour typiquement Québécois et parfois assez ”cru”. Les Sugar Sammy,, Anthony Kanavagh et cie font idem: https://www.youtube.com/watch?v=iapky7EgajM
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Don Kato lui même est un apôtre de la liberté d’expression. Une situation qui dès le départ est considérée comme une blague reste une blague. Le comédien n’était pas en conférence de presse. Il faisait de la “konmedi”. C’est paradoxal que ceci soit issu de La loi de ma Bouche.
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Je reprends ici une réponse faite sur FB à défaut de devoir décrire un billet sur la liberté d’expression :
» J’ai l’impression que les gens croient souvent que s’ouvrir à l’autre c’est ne pas le critiquer ou que la liberté d’expression absout l’utilisateur de toute critique. Rien n’est plus absurde. C’est quand il y a la possibilité de critiquer que la liberté d’expression existe. »
Je peine donc à voir le paradoxe.
Je précise aussi que je ne suis ni offensée. Ni d’ailleurs offusquée. Je vois mal comment en lisant mon billet, on pourrait penser autrement. J’utilise l’actualité comme autant de teaching moments. Badouri comme Ti Djo ne m’intéressent qu’en autant qu’ils me permettent de me battre, autant que je peux, contre le classisme primaire ambiant. Ce qui est un des buts premiers de ce blogue.
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“L’humour, c’est lorsque l’on rit d’une connerie. La connerie, c’est lorsque l’on se sent concerné par cet humour !”
Franck Somkin
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Somkine* (et j’ai bien ri).
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Moi aussi! Heureuse d’avoir pu vous détendre avec une coquille…..Loool
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Je n’ai pas ri de la coquille mais bon…
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Le comédien est un québécois d’origine marocaine a créé un dérapage.
Au Maroc, il n’aurait pas pris ce risque. Si oui, personna non grata par le roi
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