Une raison d’espérer

Aujourd’hui, j’ai rencontré un groupe de 9 jeunes élèves de la région métropolitaine. C’était dans le cadre d’un cours ouvert organisé à l’intention des élèves de rhéto et de philo pour leur permettre de faire, l’espace d’une journée, l’expérience de l’université. J’en suis sortie profondément rassurée: Haïti peut encore s’en sortir.

Ce qui m’a rassuré, ce ne sont pas tant les projets – par ailleurs très ambitieux – de ces jeunes hommes mais la conscience qu’ils ont de leur condition de citoyens appelés à participer activement à la vie de la cité. Ils étaient venus suivre un cours d’histoire des idées politiques, ils sont repartis après avoir rappelé,  à leur professeur d’un jour, une leçon qu’elle était sur le point d’oublier : il y a toujours une raison d’espérer.

Une semaine plus tôt, désarmée par la profonde apathie de quelques 200 étudiants quant au monde qui les entoure, je leur disais, avec candeur, à quel point leur attitude me faisait mal, mal à l’âme, mal à en pleurer – à l’intérieur. ( Un professeur, ça ne pleure pas. Pas ouvertement.) Certains se sont levés. Se sont approchés. Touchés et quelque peu décontenancés. Pour me dire qu’ils regrettaient de m’avoir fâchée.

Je n’étais pas fâchée. J’étais déçue. Et pas seulement d’eux. De moi, surtout. De n’avoir pas réussi à les intéresser à autre chose que le maintenant et tout de suite, de n’avoir pas sû les inspirer à dépasser le diri ak pwa quotidien pour penser et être.

Je leur ai expliqué. D’un trait. Comme si, en moi, une digue s’était rompue et que je ne pouvais plus rien retenir. Je leur ai dit combien, après le séisme, en rentrant en Haïti, des rêves plein la tête, j’avais pris comme un signe, l’offre qui m’avait été faite de m’occuper de milliers d’étudiants. Je leur ai raconté toutes les fois où l’apathie des intéressés menaça de me décourager et que, par des initiatives toujours plus ambitieuses, je parvenais, in extremis, à capter de nouveau leur attention. Je leur ai confié, franchement lasse, ce sentiment d’échec qui n’est jamais trop loin et qui, patient et persistant, se rappelle à moi et régulièrement me nargue d’un Je te l’avais bien dit à peine voilé.

Je crois sincèrement qu’ils ont compris. Je crois aussi qu’ils étaient sincères en me disant, ce soir-là, et les jours qui suivirent, qu’il fallait être patient avec eux. Qu’il ne fallait pas abandonner. Qu’ils allaient finir par y arriver. Que j’allais finir par y arriver. Mais j’avais perdu la foi. Je n’y croyais déjà presque plus.

Aujourd’hui, j’ai retrouvé la foi. Grâce à neuf jeunes Haïtiens du pays qui m’ont confié un rêve. Messieurs, merci de m’avoir redonné espoir. Ce fut un honneur de vous rencontrer.

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