Depuis le 12 mars 2023, un compte WhatsApp que je ne connaissais pas m’envoie régulièrement des « articles » s’attaquant aux sanctions canadiennes et défendant les sanctionnés. Soit. Des gens que je ne connais pas me lisent. Je conçois que certains que je ne connais pas m’invitent à les lire.
Le tout premier concernait le recteur Jacky Lumarque de l’université Quisqueya présenté comme le champion de l’ambassadeur canadien, Sébastien Carrière. Il serait la raison de toutes ces sanctions contre des innocents qui n’ont jamais été coupables que d’être présidentiables. D’autres textes suivent. Monsieur Carrière en a pour son compte. Son arrogance, son impertinence, son audace excèdent. On lui rappelle qu’Haïti n’est pas une colonie canadienne, qu’Haïti est une nation indépendante. On dénonce sa position de proconsul. On l’accuse de conflits d’intérêts.
Les textes continuent longtemps sur cette même lancée. Je les reçois. Je réagis pas. La chose m’amuse. Ce matin, toutefois j’en reçois deux d’un auteur unique, Blaise Robelto Flanky, un nom qui me parut familier. Une rapide recherche sur Google me le confirme. Il s’agit de l’ancien porte-parole du parti de Youri Latortue – Ayiti an Aksyon – dont la démission du parti – remise à Youri Mevs – avait causé quelques vagues. L’ancien premier ministre Laurent Lamothe, en particulier, avait décidé de « pardonner » celui qui aurait écrit quelques 50 articles mensongers contre lui.
Aujourd’hui, monsieur Flanky écrit de faux articles en faveur de monsieur Lamothe. C’est le cycle de la vie.
Le premier, paru sur Lakay Info, date du 14 mai 2023 et prétend que le Parlement canadien a convoqué le Premier ministre Justin Trudeau pour présenter des preuves des sanctions contre certains sanctionnés dont Laurent Lamothe. Il offre comme source des 10 paragraphes de l’article, un autre site – Haiti Premier – qui ne s’embarrasse guère de produire une source et propose en article lié, la thèse – soutenue par Salim Succar, également sous le coup de sanctions – d’un ambassadeur Carrière sous l’emprise d’une maîtresse vengeresse .
Ce n’est pas la première fois que des sites d’infox volent au secours des sanctionnés. On se rappelle Me Succar inventant , avec l’aide de 4 sites pro-sanctionnés, une fondation des droits humains décidée à défendre ses droits. Depuis avril, la nouvelle tactique semble consister à faire croire que les sanctions vont bientôt être levées.
Les deux articles reçus ce matin de mon mystérieux correspondant vont dans ce sens. Le second est particulièrement audacieux. Il titre sur les critiques de l’Ambassadrice suisse à l’Onu, Pascale Baeriswyl, quant aux « récentes sanctions imposées par le Canada et les États-Unis à l’encontre de certaines personnalités haïtiennes, notamment les anciens premiers ministres Laurent Lamothe et Jean Henry Céant ». Une photo de la diplomate accompagne l’article.
Naturellement, Mme Baeriswyl n’a rien dit de la sorte. L’article se donne même pas la peine d’offrir une source cette fois. Ce qu’elle offre c’est l’essentiel des talking points des sanctionnés pour les jours et mois prochains : les mesures canadiennes sont unilatérales, peu objectives et une possible ingérence danses affaires politiques d’Haïti. Le discours s’installe lentement mais sûrement. Il fut, certes, la participation de sanctionnés à la fête de l’Europe, ce 10 mai. Mais il est également l’instrumentalisation dans toute l’infosphère pro-sanctionnés de la demande de clarification du régime des sanctions faite par le Sénat canadien, lors même qu’Haïti n’est mentionnée nulle part.
Le problème est que le Canada et, en particulier, l’Ambassadeur Carrière, ne font pas un bon travail d’explication des sanctions imposées à l’élite haïtienne. Il ne suffit pas d’ajouter, toutes les deux ou trois semaines, des noms à une liste. Surtout que voilà bientôt deux mois qu’aucun nouveau nom n’a rejoint la liste – une première depuis le début des sanctions en octobre dernier. Il faut des détails, il faut un suivi, il faut de quoi contrecarrer les accusations de mesures partisanes qui auront de moins en moins de mal à convaincre. Ces sanctions individuelles, ont le meilleur potentiel, et de loin, d’un impact réel sur la lutte contre la corruption et l’impunité en Haïti mais il faut d’abord les prendre au sérieux.
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