Le Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies a bien réfléchi sur la crise haïtienne et a une solution d’enfer : il faut au gouvernement un.e expert.e chargé.e de le conseiller sur le respect des droits humains dans le pays. Le Conseil votera sur ce sujet pressant, la semaine prochaine.
Que l’on ne s’y méprenne pas ! Le Conseil s’assure également de faire écho à la demande d’intervention internationale qui, depuis plus d’un an, est imminente. Le renforcement des forces de sécurité haïtiennes – et donc pas que la police ? – également:
la résolution, si elle est adoptée, invitera également les États membres de l’ONU à répondre à la demande d’intervention militaire internationale formulée par Haïti pour l’aider dans son conflit avec les gangs. Elle demande ainsi au Haut-Commissariat de fournir une assistance technique et un appui au renforcement des capacités de la justice et des forces de sécurité haïtiennes pour leur permettre de poursuivre leurs stratégies visant à éradiquer les gangs armés.
« Haïti : le Conseil des droits de l’homme envisage de nommer un expert », ONU Info
Alors, pourquoi le Commissaire du Gouvernement à Miragoâne devrait-il il s’en faire ? Mais parce que personne ne s’attend à ce que des criminels respectent les droits humains. La violence légitime de l’État l’oblige. Les bandi n’ont pas cette obligation. Comme Ariel Henry, ils n’ont pas de compte à nous rendre. Ils ont encore moins de compte à rendre à une communauté internationale avec laquelle ils n’entretiennent aucune relation. Il en procède donc que, si le gouvernement veut montrer des progrès en droits humains, il lui faudra regarder chez lui.
Jean Ernest Muscadin est entré dans la conscience publique, comme il sied à un influenceur de sa carrure, par une vidéo vite devenue virale. Le 31 janvier 2020, dans sa prestation de serment au français haletant – et pourquoi continuons-nous cette pratique ridicule ? – il prévient qu’il est venu à Miragoâne traquer les bandi et les vagabon. « Envoyé par le palais national pour pacifier la juridiction », il a subi le lendemain une petite rébellion d’un jour du barreau de Miragoâne, puis s’est installé dans sa pratique hors-la-loi de sa fonction d’homme de loi. En janvier 2021, dans son rapport sur la » Répression systématique des libertés de circulation et d’expression / Arrestations illégales et arbitraires« , le Réseau national des droits humains en Haïti (RNDDH) dénonce un individu arbitraire et arrogant dont le Parquet qu’il dirige « ,[n’a réalisé] depuis son accession au poste … aucune citation directe au correctionnel [alors que] le taux de détention préventive illégale
et arbitraire n’a cessé d’augmenter dans la juridiction ». Sur sa porte d’entrée, le commissaire annonce son interprétation de sa fonction : « Le commissaire du Gouvernement est un Militaire en civil ». Et de fait. En tenue civile, gilet pare-balle visible, fusil en bandoulière, il patrouille, arrête, exécute.


Dans un récent entretien accordé à Radio Magik 9, celui qui prend très littéralement son titre de chef de la poursuite confirme qu’il est en guerre contre les « bandits » et se donne les moyens de le faire:
Le commissaire Muscadin est quelqu’un qui défend le pays du bec et des ongles. Je crois en mon pays, j’aime les compatriotes, je crois en la justice de mon pays. Je ne fuirai pas mon pays sous pression des gangs armés. Tant que je serai commissaire du gouvernement, les bandits ne connaîtrons pas la paix. […]
Je sais que mon travail et ma méthode ne font pas l’unanimité. Je n’ai pas peur des critiques et elles ne m’empêcheront pas de protéger la société des criminels. […]
L’État doit fermer les yeux sur l’agissement des policiers pendant quelques jours pour qu’ils puissent traquer les bandits et les capturer morts ou vifs sachant qu’il n’y aura pas de sanctions à leur encontre.
Jean Ernest Muscadin cité par Jean Junior Célestin in « Tant que je serai commissaire du gouvernement, les bandits ne connaîtront jamais la paix », déclare Jean Ernest Muscadin, Le Nouvelliste, 22 mars 2023.
Cet entretien est à lui seul du pain béni pour un rapport d’expert en droits humains. L’interviewé s’incrimine avec bonheur d’une phrase à l’autre. Le bon commissaire pousse la gentillesse jusqu’à inviter les « organismes de défense des droits humains [à] se pencher plutôt sur les exactions des gangs armés que sur celles de ceux qui protègent la population contre ces criminels ». Lui, continue sa croisade, en se débrouillant pour trouver armes et munitions auprès de particuliers qui soutiennent son action. Et de fait.
Alors que le commissaire expliquait ses méthodes, un très populaire commentateur en ligne lança une cagnotte de 200 000 dollars pour offrir deux voitures blindées à celui-ci. La cagnotte est vite fermée, après un signalement massif, pour violations des règlements de la plateforme GoFundMe. D’après l’organisateur, les dons avaient déjà totalisé 50 000 dollars quand l’argent a été retourné aux donateurs. Mais que nenni ! Le commissaire a confisqué une voiture blindée au port de Miragoâne, en attendant que son propriétaire vienne le récupérer. Peut-être que le problème se résoudra de lui-même.
Le commissaire envisage déjà sa mise à pied. Il ne s’en formalise pas. Il sera avocat. Il continuera à défendre la population. Il aime l’action et les armes aussi. Pour une carrière d’avocat, c’est moins pratique, mais, on s’adapte. Si cela se trouve, il finira parlementaire, pour pourvoir continuer à se promener dans les rues, fusil d’assaut en bandoulière. Et, lecteur.rice, les Nippois.es voteront pour lui. Dans le Département, on l’adore.
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