Faire le deuil de Gérard Latortue

Ariel Henry s’inquiète pour l’avenir. Son avenir. Enfin, son décès, ou plutôt l’après. Il y a deux jours, sur le compte Twitter de la Primature, il a annoncé 3 jours de deuil national pour le premier ministre de la transition de 2004: l’avocat, économiste et professeur, Gérard Latortue. À compter d’aujourd’hui, et jusqu’à mardi, « les stations de radio et de télévision programmeront des émissions et de la musique de circonstance ». Peut-être même qu’elles feront une rétrospective sur le passage de M. Latortue à la tête du gouvernement, de l’abandon de la campagne restitution-réparation d’Aristide à l’intense production de décrets-(lois) et d’institutions dans une vaste entreprise de réorganisation de l’État haitien. Actualité dominée par les gangs oblige, les stations pourraient également revenir sur sa gestion de l’opération Bagdad. Ce serait de circonstance et, trois jours, c’est assez de temps pour beaucoup dire.

C’était, il y a bientôt 19 ans, le 9 mars 2004, par une procédure complètement en dehors de la Constitution, un Conseil composé de neuf haïtiens soutenu par la communauté internationale nommait Gérard Latortue premier ministre provisoire en remplacement d’Yvon Neptune dont le président avait été victime de son deuxième coup d’État en autant de mandats. Dans ce Conseil des Sages figurait un médecin futur ministre puis chef d’État posé là : le Dr Ariel Henry qui espère, peut-être, qu’à sa mort, un autre premier ministre en dehors de la Constitution prescrira des jours de deuil en sa mémoire.

L’une des images du gouvernement Latortue qui a sans doute marqué le plus les Haïtiens est celle de Gérard Latortue, s’empressant, en un 13 mai 2004, de tourner la page de la restitution, une folie de l’ancien régime qui, précise-t-il à la caméra, n’avait aucune base juridique.

Lors de cette rencontre, Latortue invite le chef d’État français Jacques Chirac à être le premier président à visiter Haïti depuis la défaite de la France par l’armée indigène. Il ne viendra pas mais quand on sait que la France de Chirac a activement contribué à renverser Aristide, cette visite ressemble à une reddition.

La France rassurée, Latortue procédera deux mois plus tard à l’arrestation de son prédécesseur, l’architecte Yvon Neptune, salué par l’ambassade américaine pour avoir assuré « une succession constitutionnelle et pacifique » après la démission forcée du président Aristide. Pourtant, au 30 mars 2004, alors que Neptune se disait persécuté souhaitait la protection américaine, Latortue affirmait « que l’équipe en place ne cherche pas à persécuter les anciens barons lavalas « . Les promesses n’engageant que ceux qui y croient, l’ancien premier ministre Neptune restera en prison jusqu’au 27 juillet 2006 où il sera libéré provisoirement pour raisons humanitaires.

Les premiers ministres ne sont pas toujours tendres envers ceux qui les ont précédés.

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