La Constitution de Toussaint

Le 14 messidor (3 juillet) 1801, Toussaint-Louverture proclame la constitution qui lui vaudra de finir, le 7 avril, 1803, frigorifié au Fort de Joux. Dans cette constitution autonomiste, le désormais gouverneur à vie présente son projet politique pour la colonie, « partie de l’Empire français, mais [] soumis[e] à des lois particulières » (art. 1) : une méritocratie où « il n’existe d’autre distinction que celle des vertus et des talents » (art. 5); une colonie essentiellement agricole où « chaque cultivateur et ouvrier est portionnaire dans les revenus » et ne peut changer de domicile (art. 16); et où l’importation de denrées et de productions similaires à celles de la colonie est interdite (art. 18).

L’organisation politique tourne autour du Gouverneur assisté d’une Assemblée centrale chargée de légiférer sur la proposition de celui-ci. Cette assemblée centrale est composée de députés âgés de 30 ans au moins (art. 22) nommés par des administrations municipales elles-même nommées par le gouvernement (art. 49) dont le Gouverneur – Toussaint-Louverture à qui les rênes administratives de la colonie « sont confiées pendant le reste de sa glorieuse vie » « en considération des importants services qu’il a rendus à la colonie, dans les circonstances les plus critiques de la révolution, et sur le voeu des habitants reconnaissants » (art. 28) – correspond directement avec la Métropole (art. 27). Les gouverneurs qui suivront dont le successeur direct choisi en secret par le général lui-même – « pour affermir la tranquillité que la colonie doit à la fermeté, à l’activité, au zèle infatigable et aux vertus rares du général Toussaint-Louverture, et en signe de la confiance illimitée des habitants de Saint-Domingue »(art. 30) – auront droit à des mandats de 5 ans renouvelables… courtoise de l’assemblée centrale et de celle des généraux de l’armée en activité (art. 32).

Dans la Constitution de 1801, la justice est d’abord celle du Gouverneur qui, s’il est « informé qu’il se trame quelque conspiration contre la tranquillité de la colonie » fait arrêter et « subir un interrogatoire extra-judiciaire » aux coupables présumés avant de les « traduire, s’il y a lieu, devant un tribunal compétent » (art. 40). Dans les tribunaux de la République, des juges nommés à vie (art. 46) connaissent des affaires civiles et criminelles (art. 43). Des tribunaux spéciaux – dont l’organisation appartient au Gouverneur – s’occupent des délits militaires et connaissent « des vols et enlèvements quelconques, de la violation d’asile, des assassinats, des meurtres, des incendies, du viol, des conspirations et révoltes » (art 47). C’est ainsi que, pour limiter les conspirations, révoltes et autres remises en question de l’autorité du chef, les sociétés populaires – sorte de club post-1789 – politique de sont interdites (art. 63). La plus grande objection à envisager est bien sûr celle du gouvernement français dont le dernier article de la Constitution prévoit la sanction mais, anticipant le refus de Napoléon Bonaparte, permet au Gouverneur de prétexter de l’urgence pour la « mettre à exécution dans toute l’étendue du territoire de la colonie » (art. 77).

Napoléon n’appréciera guère cette Constitution donnant à Toussaint les pleins pouvoirs qu’il souhaitait se garder. Il chargera son beau-frère, le général Leclerc, de ramener l’ordre dans la colonie. À la tête d’un corps expéditionnaire de 25 000 hommes, celui-ci ira d’échecs en échecs … jusqu’à la victoire de la jaunisse sur sa personne et de l’armée indigène sur son successeur Rochambeau. Il eut toutefois le temps de faire arrêter Toussaint-Louverture pour traîtrise et de l’expédier au Fort de Joux où il expira un jour comme aujourd’hui.

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