Récemment, je discutais avec un ami de l’inquiétant désintérêt pour les activités de réflexion autour de la conjoncture haïtienne, en l’absence de crises aiguës. Ces derniers temps, en dehors de l’indignation – largement performative – contre l’administration Moïse-Jouthe, nous traversons un désert d’idées. Au moins, à l’époque du lòk, les propositions, indépendamment de leur qualité réelle ou perçue, foisonnaient.
Naturellement, Jovenel Moïse qui a fini par comprendre que les réseaux sociaux, ce n’est pas la vie réelle, et que, même là, en dehors d’une petite bulle très endogène, les injures ne portent pas loin, ignore parfaitement le gazouillis ambiant et continue sa transition vers l’Haïti que lui veut, sans le moindre contrôle, sans la moindre opposition. Il est d’ailleurs en passe de réussir parce que nous peinons à réaliser que le progrès n’arrive que quand nous nous concentrons sur ce qui nous semble bon et nous mettons à le faire plutôt que de gaspiller notre temps et notre énergie à tancer les puissants qui, faut-il le répéter, n’en ont rien à cirer.
Alors, que faire ?
La réponse de cette blogueuse : sortir du transitoire. Certes, me direz-vous, sauf que voilà plus de 5 ans que ce billet a été écrit et nous en sommes encore à parler de transition.
Et donc que faire ?
Écouter. Il nous faut écouter Haïti. Faire le choix délibéré de dépasser les clichés que nous avons intériorisés et accorder à notre pays et ses régions le temps nécessaire pour nous en imprégner et comprendre. Le temps pour entendre le murmure des leçons oubliées de notre histoire. Le temps pour sentir la douleur, les peines et l’espoir d’un peuple fatigué de ces répétitions sans issue. Le temps pour voir l’humanité et la solidarité qui nous unit et fait notre force.
Pour cela, il faut partir à la rencontre de l’Autre. Tel qu’il est et non comme nous l’imaginons ou voulons qu’il soit. L’Autre qui est Nous parce que nous sommes. Partir à notre rencontre donc. Prendre le temps de nous découvrir tranquillement, délicatement, progressivement. Être attentifs à nos ressentis, mettre des mots sur ce que nous vivons, oser être indulgents envers nous-mêmes et nous aimer, enfin.
Pour cela, il nous faut être curieux de nous-mêmes. Établir, ensemble, qui nous sommes pour décider où nous voulons aller. Nous donner ainsi la chance d’évoluer, la chance de changer, de créer une nouvelle identité commune pour une toute nouvelle société. Une société où nous n’avons plus peur de nous montrer tels que nous sommes, dans une universelle diversité. Libéré.e.s de nos peurs pour enfin être libres.
Pour cela, il faudra nous résoudre à voir les choses telles qu’elles sont vraiment. Être conscients de l’actualité sans nous laisser submerger par elle, prendre du recul et rester objectifs. Ce n’est que par l’analyse lucide que nous pouvons espérer sortir réellement du transitoire.
Et, même si rien n’est certain, surtout parce que rien n’est certain, c’est le moment de se rappeler, avec Dame Margaret Drabble, que c’est alors même que tout possible.
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