Des « servantes enceintes » et autres considérations classistes, sexistes et misogynes

« Il est venu au monde dans la cuisine de ton arrière grand-père ». Ce n’était pas une anecdote innocente. Il s’agissait de réduire l’ancien député à rien. Il avait fait, en l’absence de mademoiselle, ce que l’on avait jugé être une impertinence à son égard. La vieille dame, visiblement vexée, lui expliqua, avec force détails, pour qu’elle comprenne le degré de hardiesse de celui qui pensait pouvoir parler de meilleure que lui, tout député qu’il était.

La mère était une des domestiques de l’arrière grand-père. Même pas la principale. Même pas la plus importante. On lui avait donné un endroit où faire la descente après qu’elle se soit fait engrossée par un bon à rien et a donc accouché d’un petit vaurien dans la cuisine des gens. On l’avait chargée de nettoyer la maison. Elle a dû en profiter, l’intrigante, pour se faufiler dans le lit d’un des fils de la famille, et se faire engrosser de nouveau. Elle avait réussi son coup puisqu’elle se trouvait désormais avec une fille et des petits-enfants aux États-Unis. Ces femmes finissaient toujours par arriver à leurs fins. Et voilà que, de surcroît, son fils pensait pouvoir faire l’intéressant. Voilà pourquoi il fallait que mademoiselle comprenne bien les origines de l’impertinent pour qu’elle soit saisie du manque d’égards absolu du rustre.

La demoiselle a commencé par répondre mais s’est rappelée juste à temps que son vis-à-vis était vieille et qu’elle allait mourir bientôt. Elle se contenta d’un sourire gêné avant de prendre des nouvelles de la santé de son interlocutrice. À quoi bon lui parler de patriarcat, de misogynie et de classisme débilitants. Une jeune femme tombe enceinte, réussit à être engagée comme employée domestique, accouche de son fils puis se retrouve enceinte d’un des fils de la famille et c’est elle qui est à blâmer. C’était inouï !

Il ne semblait même pas être venu à l’esprit de la veille dame que cette petite qui est née, la petite sœur du Député, faisait partie de la famille et que, par conséquent, en cherchant à rabaisser la famille du Député, elle rabaissait celle de la demoiselle. Elle ne sembla pas capable de se rendre compte de la vulnérabilité de cette jeune mère livrée à elle-même et des efforts qu’elle a dû consentir pour s’en sortir. Elle ne sembla pas non plus se soucier des rapports de pouvoir existant entre une employée domestique et le fils du maître et ce que cela a pu impliquer quand à la réalité de son consentement.

La vieille dame, toutefois, avait l’excuse d’être vieille. Depuis trois jours, les réseaux sociaux haïtiens se passionnent pour un scandale où un monsieur important se serait abaissé à mettre enceinte une servante. Je peine à comprendre leur excuse.

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