Il était une fois, dans une petite république à la grande histoire, un scrutin particulier qui élit un Président à 91,81% des voix. C’était la deuxième petite passe courte entre deux frères jumeaux dont la famille emportait tout sur son passage : la Présidence, le Parlement et même l’opposition qui bouda les élections.
C’était en novembre 2001. Le 26, pour être précis. L’opposition, réunie en Convergence démocratique, résolut de nommer, face à lui, l’avocat militant Gérard Gourgue, Président symbolique de la République.
La Convergence démocratique soutenue par l’élite haïtienne – secteur privé et « société civile, ultimement réunis au sein du Groupe des 184 – et forte du support du Blan – particulièrement le parti républicain, de l’International Republican Institute à Georges Bush le Petit – consciente de son incapacité à convaincre l’électorat, résolut de se débarrasser autrement du Président Aristide. Le sociologue Alex Dupuy de la Wesleyan University – qui tient Aristide en partie responsable de la fin abrupte de sa présidence – rappelle ainsi les faits :
Les leaders de la Convergence Démocratique n’avaient pas caché leurs intentions au moment de l’investiture du Président Aristide en février 2001; ils ont ouvertement appelé une intervention de l’armée américaine, « cette fois pour se débarrasser d’Aristide et reconstruire l’armée de mobilisée ». Sinon, expliquèrent-ils au Washington Post, »la CIA devrait entraîner et équiper les officiers haïtiens exilés en République Dominicaine de telle sorte qu’ils puissent eux-mêmes organiser leur retour ». La CD ne pouvant pas obtenir le support populaire nécessaire – avec seulement 8% dans les sondages d’opinion de mars 2002 – l’option électorale n’était pas prometteuse.
Alex Dupuy, « From Jean‐Bertrand Aristide to Gerard Latortue: The Unending Crisis of Democratization in Haiti« , Journal of Latin American Anthropology, Vol 10, No 1, 2005. (Traduction de l’auteure)
C’est ainsi que de juin 2000 à février 2004, la Convergence rejettera toutes les offres du Président Aristide jusqu’à ce que, manu militari, le Blan le fasse partir.
En 2019, une coalition similaire, s’essaie, sans le soutien du Blan, à répéter l’histoire contre un Président qu’ils ont pourtant placé là. En attendant le Blan, ils pensent rééditer le coup de la Présidence symbolique avec, à la clé pour l’heureux imbécile qui se prêtera au jeu, un poste d’ambassadeur, représentant permanent d’Haïti à l’UNESCO et représentant personnel du chef provisoire de l’Etat auprès de l’OIF.
Au matin du 18 novembre 2019, nous ne savons toujours pas qui est le nouveau président d’Haïti. L’Alternative Consensuelle a su garder le secret jusqu’au bout et fait si bien que, même demain, nous n’en saurons toujours rien.
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