Ce matin, en écoutant le Sénateur Moïse Jean-Charles à la radio, j’admirai, encore une fois la remarquable constance, dont il sait faire preuve. C’est G. qui, alors que je m’apprêtais à partir travailler, m’enjoigna d’y prêter attention. Le chauffeur avait déjà démarré la voiture et lui prit la liberté de mettre le poste de radio sur le 99.3 FM Vision 2000. Il fallait que j’écoute le Sénateur en route. Il avait des choses intéressantes à dire.
G. est en guerre ouverte avec N. quant aux radios à écouter. N. écoute écoutait – G. est en passe de gagner le combat – Radio Zenith qu’elle voyait comme la radio de la révolution. G. a des émissions préférées sur une multitude de stations de radio, sauf Radio Zenith qu’il décrie comme étant particulièrement dangereuse et risquant de conduire le pays à la guerre civile. Parmi ces émissions figure Invité du Jour avec Valéry Numa. Aujourd’hui, le Sénateur Jean-Charles – G. l’appelle Sénateur Moïse – était l’Invité. Il disait des choses intéressantes. Il fallait que je l’écoute en route. J’écoutai donc.
Dès le début, je fus frappée d’une chose : le Sénateur semblait avoir laissé tomber ses affectations habituelles. Il exposait son point de vue de façon calme, directe, avec la petite blague convenue – si je disais cela, me redonneriez-vous le micro ?- et autres référents rhétoriques dénotant le politique sûr de lui et de ce qu’il a à dire. Ce qu’il avait à dire était simple: l’opposition doit cesser de se ridiculiser – renforçant par là un Président Moïse affaibli – et offrir une véritable alternative. Il eut, à ce propos, une sortie fort bien formulée reprise dans le Tweet ci-dessous :
Le Sénateur Moïse expliqua, clairement, le principe à la base de la mise en place de l’Alternative Consensuelle. Il s’agissait alors de donner à l’opposition les moyens de, au-delà des appels à démission, proposer une autre manière de faire, centrée sur le respect de nos institutions et de la loi. Son éloignement apparent de ses collègues de l’opposition viendrait de là: l’absence d’une alternative claire.
Je ne vais pas discuter du mérite de ce qu’avance le Sénateur. N’ayant pas entendu la version des autres membres de l’opposition, je me garde d’en tirer une quelconque conclusion. Nonobstant, l’entrevue de ce matin m’a remis en mémoire une autre conversation, remontant à un peu plus d’une année, avec un ami et lecteur du blogue, suite au renvoi de l’ancien Ministre des Finances PHTK et Chef de Cabinet du Président Moïse, Wilson Laleau.
Nous sommes le 22 octobre 2018, minuit et 8 minutes. Nous discutions finances de l’association quand, tout-à-coup:
– Sa w panse de jete Laleau a?
– Que le Président Moïse s’affaiblit. Il essaie de se débarrasser des éléments gênants mais, ce faisant, il s’affaiblit. J’ai peur que l’opposition n’en profite si nous ne nous constituons pas rapidement en force de proposition alternative….
– C’est un point extrêmement important et honnêtement je pense qu’à un certain moment, on va devoir orienter Anva vers cette direction..
– C’est dans le plan que personne ne lit 😂
Nous étions encore sous l’effet de la marche du 17 octobre 2018 et de l’énergie qu’elle nous avait apportée. C’était difficile de se concentrer sur le plan et nous le reconnaissions volontiers. Il y avait aussi le fait que, ainsi qu’il l’expliqua candidement, anpil nan mesye dam yo pa wè aspè politik la, l’aspect politique de la question échappait encore à beaucoup.
Un peu plus tard dans la journée, le Premier Ministre Céant annonçait la mise sur pied d’une commission anti-corruption, avec la la société civile supervisant l’enquête sur #KotKòbPetroCaribeA. C’était une victoire de plus pour le #PetroCaribeChallenge qui semblait continuer à définir l’agenda d’une classe politique agissant désormais en réaction à. L’évidence de la nécessité d’une proposition alternative à un système que nous jugions démodé s’imposait. Dimanche, à la prochaine réunion, nous en discuterions.
Parallèlement, au sein de l’opposition politique, s’il faut se fier aux propos du Sénateur Moïse, le même calcul s’effectuait. En sus de la mobilisation, il fallait travailler à une alternative crédible au Président et au système décriés.
Le Sénateur Moïse et moi eûmes, il semblerait, à peu près le même succès à orienter la mobilisation dans le sens d’une alternative réfléchie. Ce que je craignais – que l’opposition profite du succès du #PetroCaribeChallenge, faute d’une alternative réelle – est arrivé. Ce qu’il craignait – que l’opposition se ridiculise une fois de plus, faute d’une alternative crédible – est arrivé.
Peut-être que, au final, c’est l’un de mes étudiants originaires du Nord – aimant bien le Sénateur- qui a raison. Peut-être que nous avons effectivement, le Sénateur et moi, un ou deux atomes crochus. À tout le moins, nous pourrions commisérer ensemble.
Puis, je me rappelle qu’il risque, à tout moment, de nommer son Président autoproclamé et me revoilà à commisérer avec moi-même.