Le 9 septembre 2008, suite à une proposition de la commission bicamérale d’urgence, la loi sur l’état d’urgence est adoptée par le Parlement. Les considérants font référence à la responsabilité de protéger de l’Etat haïtien. Devoir de protéger les personnes et les biens. Devoir d’assurer le bien-être général de la population. Devoir, en cas de désastre, d’intervenir rapidement pour rétablir le cours normal de la vie. Votée alors que la République fait face à une saison cyclonique plutôt difficile (Fay, Gustave, Hanna et Ike), la nouvelle loi d’urgence autorise le gouvernement à engager, en cas de crise et pendant 15 à 30 jours (art. 5), des dépenses du fonds public sans tenir compte des procédures normales de passation de marché (art 7). À la faveur de cette loi, le gouvernement Pierre-Louis voit 197 millions de dollars du fonds Petrocaribe réaffectés à la réponse aux 4 tempêtes tropicales.
Le 17 mai 2009, la Chambre des Députés invite la Première Ministre Michèle Pierre-Louis à s’expliquer sur l’utilisation des fonds d’urgence. La séance se termine en queue de poisson mais l’accusation demeure. La Première Ministre s’en défend. Des 197 millions de dollars, 80 millions (40%) auraient servi à l’acquisition de matériels pour le Centre National des Équipements (CNE), avec des interventions aux Gonaïves, à Saint-Marc, aux Cayes, à Cabaret, à Jacmel, à Léogâne, à Casale et à Port-au-Prince; 36 millions auraient été alloués à l’agriculture, 13 millions aux Travaux Publics, 17 millions aux 140 communes pour des projets locaux et 800 millions de gourdes au Fonds d’Assistance Économique et Social (FAES) pour la réhabilitation d’infrastructures scolaires et sanitaires, de commissariats et de tribunaux. Elle ne convainc pas.
Le 30 octobre 2009, une séance d’interpellation au Sénat de la République sur la gestion des fonds d’urgence par le gouvernement de Michèle Duvivier Pierre-Louis se termine par une motion de censure au motif d’incompétence du gouvernement- tout comme son prédécesseur avec Jacques Édouard Alexis – à adresser les différents problèmes socio-économiques du pays. Son Ministre de la Panification et de la Coopération Externe, Jean Max Bellerive est nommé pour la remplacer.
Ainsi commença une longue période de demande de reddition de comptes pour le fonds Petrocaribe. Dix ans et trois rapports plus tard (Sénat Latortue, Sénat Beauplan, Cour Supérieure des Comptes), Mme Pierre-Louis semble s’en tirer plutôt à bon compte. Au contraire de son ancien Ministre, Jean Max Bellerive, dont les contrats ne survivront guère à l’audit mené par son successeur, Gary Conille. L’audit vaudra toutefois à ce dernier de se voir démissionné pour avoir provoqué une polémique inutile sur 8 contrats d’une valeur de 385 millions de dollars accordés par Monsieur Bellerive, en un jour et à deux jours de la prise de fonction d’un nouveau président dont il est, accessoirement, le cousin et sera, un temps, le Premier Ministre. Conille parti, son ministre de la Ministre de la Planification et de la Coopération Externe, Laurent Lamothe prendra le relais pour procéder, avec le Président Martelly, à la dépense de la majeure partie des fonds Petrocaribe, profitant goulûment du vote de la nouvelle loi d’urgence du 19 avril 2010 modifiant la précédente et prolongeant l’Etat d’urgence pour 18 mois.
Aujourd’hui, la saison cyclonique se précise et avec elle les possibilités pour le (nouveau ?) gouvernement de profiter de la charité internationale et de la reconnaissance nationale pour quelques tôles et sacs de riz distribués. C’est aussi la période propice pour tenter de noyer le procès Petrocaribe, la corruption à l’Ona, l’absence d’un budget ou encore l’absence d’élections législatives. C’est surtout le moment de se rappeler que ces tempêtes qui s’annoncent ne sont pas une fatalité, se pare pou n pare.
Les citoyens des autres pays ne sont pas moins cupides que les Haïtiens sauf qu’ils ont des structures qui fonctionnent: politiques, judiciaires, économiques… Tout concourt à la réalisation d’un état de droit. Toutes les compétences de ce pays, et il n’en manque pas, devraient travailler à l’édification d’un tel état.
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Un redoutable rappel
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