En 1981, la très Sainte Mère Teresa s’extasie devant une première dame si familière avec son peuple de pauvres qu’elle – sainte émérite – en a tiré une belle leçon. Vous l’excuserez du peu, elle était venue récupérer sa légion d’honneur et une bourse pour sa mission pour pauvres qui, au final, n’aidait pas tant les pauvres. Nonobstant, entre amies de la pauvreté, elles ont dû avoir beaucoup à se dire.
Tout comme Mère Teresa, les Duvalier devaient aussi trouver qu’il y a quelque chose de beau à voir les pauvres accepter leur sort. Aussi, leurs œuvres caritatives s’assurèrent-elles de ne pas déranger ce magnifique ordre des choses en encaissant ou en déposant les chèques sur leurs comptes privés ou les utilisant pour l’achat de devises étrangères (pp 11-18 du Rapport St Fleur). Des montants régulièrement prélevés des institutions étatiques génératrice de revenus pour le compte des « Œuvres Sociales de la Présidence », des » Œuvres Sociales du Président à Vie de la République », des « Œuvres Sociales de Madame la Présidente » et des « O.S.P. Son Excellence Madame François Duvalier », serviront ainsi à alimenter la fortune des Duvalier sous prétexte d’aider les pauvres.
À ces 4 OSP, il faut ajouter les comptes d’entités prétendument philanthropiques tels:
- L’Hôpital Bon Repos c/o Michèle Duvalier
- La Fondation Michèle B. Duvalier
- Activités culturelles
- Les Projets spéciaux de la Fondation Michèle B. Duvalier
Après la fuite des Duvalier, l’on trouvera bien, d’après le New York Times, « deux à trois cents livres de cocaïne dans une maternité qui était l’un des petits projets charitables de la fondation de la première dame » mais, bon, nous n’étions pas à un scandale près.
Entre dépenses « caritatives » et autres dépenses « administratives » sans la moindre justification, les Duvalier auront ainsi, en quelques années, détourné au moins 47.2 millions de dollars de la Régie du Tabac (29, 270, 142), la Minoterie (4, 592, 730), la Loterie (1, 691, 480), l’OAVCT (856, 600), la Commission de Contrôle des Jeux de Hasard (2, 194, 950), les Impôts (6, 145, 531) et d’autres institutions diverses (2, 696, 772).
Dans le cas de la Régie, des chèques d’un montant total de $6.8 millions sont émis en faveur d’un de leurs employés, un certain Hénock Lamothe. Transférés en cash, ils se faisaient sur l’ordre du Président Jean-Claude Duvalier pour le compte de qui Monsieur Lamothe s’empressait d’échanger les chèques et de les acheminer frais tirés de la banque, ainsi qu’en atteste le chèque suivant cosigné par le bébé dictateur.

D’octobre 1978 à mars 1984, tous les mois, régulièrement, des transferts s’effectuent à l’ordre de « Hénock Lamothe (Payeur) » pour un montant total d’au moins $4,544,570. À compter de mai 1980, une seconde rubrique intitulée « Obligations Constantes de Montants Variables » voit apparaître d’autres chèques émis à l’ordre de « Hénock Lamothe (Payeur) », ceux-ci totalisent à leur tour un montant d’au moins $2, 334,121.
Dans son attestation, le ministre des Finances, Leslie Delatour, qui peine à « trouver un qualificatif précis à ce crime commis par les Duvalier contre toute une nation », offre en conclusion:
Il est évident que les Duvalier ont sans pitié vidé les coffres de l’Etat a leur profit, tant par des transferts directs de fonds que par le truchement de comptes fictifs qui ne servaient en réalité qu’à dissimuler l’ampleur de pillage. Ils se sont accaparés ainsi, rien que pour ce mois de décembre 1985, d’un montant représentant plus de 3,000 fois le revenu annuel moyen de l’Haïtien.
Leslie Delatour, Attestation, Rapport St Fleur, p 41, 1987