Les deux frères

Aujourd’hui, 13 h, le Président Jovenel Moïse a présenté son nouveau « Premier ministre nommé » à la Nation dans une extraordinaire cérémonie. Dans ce vaudeville d’un genre nouveau, un Premier ministre démissionnaire rencontre un Premier ministre nommé qui, malencontreux et anticonsitutionnel amendement frauduleux de la Constitution exige, n’a plus besoin de voir son choix ratifié par le Parlement.

Deux heures plus tôt, sur son compte Twitter fraîchement purgé, le Premier Ministre Jean-Henry Céant nous informait de son « entrée dans le monde » gouvernemental :

Le Président lui présenta ses vœux de succès. Les responsables du renforcement du blocus de Bourdon offrèrent des félicitations puis… Puis?

Le problème est qu’on ne sait trop la suite de cette intronisation.

Constitution de 1987- ARTICLE 155:
Le Gouvernement se compose du Premier Ministre, des Ministres et des Secrétaires d’Etat. Le Premier Ministre est le Chef de Gouvernement.

Plutôt simple et direct.

Const. 1987- ARTICLE 165:

En cas de démission du Premier Ministre, le Gouvernement reste en place jusqu’à la nomination de son successeur pour expédier les affaires courantes.

Déjà un peu moins clair. Le successeur de qui ? Du Premier Ministre ? Du Gouvernement ?

Const. 1987 « amendée »- ARTICLE 137:

Le Président de la République choisit un Premier Ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au Parlement. A défaut de cette majorité, le Président de la République choisit son Premier Ministre en consultation avec le Président du Sénat et celui de la Chambre des députés.

Avons-nous donc deux premiers ministres ? Quand on est deux à être premiers, qui l’est ?

Le Premier Ministre Jack Guy Lafontant a été remplacé mais son cabinet ne l’est pas encore. Le Premier Ministre Jean-Henry Céant hérite-t-il du gouvernement de son prédécesseur dont il est désormais (art. 155) le Chef ? Un ancien gouvernement dirigé par un nouveau Premier Ministre devient-il un nouveau gouvernement ? Ce nouveau gouvernement – qui est désormais celui du nouveau Premier Ministre – n’ayant pas succombé à un vote de censure, peut-on le renvoyer alors qu’il est tout neuf ? Le Parlement devra-t-il interpeller le nouveau Premier Ministre en pleine déclaration de politique générale sur une question y relative pour pouvoir le censurer et renvoyer le gouvernement JHL-devenu-JHC?

Const. de 1987 – ARTICLE 129-4 Lorsque la demande d’interpellation aboutit à un vote de censure sur une question se rapportant au programme où à une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier Ministre doit remettre au Président de la République, la démission de son Gouvernement.

Le législateur haïtien est-il devenu complètement dingue ? Pourrait-il avoir l’obligeance de préciser sa pensée… par écrit ?

À moins qu’il ne parle créole… Auquel cas, la Constitution de 1987 n’a jamais été amendée, nos élus sont mal élus et le Premier ministre Céant est un ministre désigné en attente de la ratification de son choix par les deux chambres.

Nimewo 137:

Prezidan an chwazi yon Premye Minis nan pati politik ki gen pi fò manm lachanm yo ladan l. Si pa gen okenn pati politik ki gen pi fò manm lachanm yo ladan l, Prezidan Repiblik la mande prezidan lachanm senatè ak prezidan lachanm depite, sa yo panse, anvan li chwazi Premye Minis li. Tout jan, lachanm gen pou l deklare si li dakò ak Premye Minis sa a.

Tout devient clair. Limpide, même.

Nimewo 165: Sizanka Premye Minis la bay demisyon l, gouvènman an rete la, pou l regle detay tou lè jou yo, jistan yo nonmen yon lòt Premye Minis.

Aussi claire que l’eau de coco.

Quand je vous disais que, céans, le français est le plus efficace des bâillons

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