Ces 10 000 gourdes dont toute la ville parle

Hier, je vous rappelais qu’un bon citoyen paie ses impôts. Aujourd’hui, je viens vous rappeler qu’un bon citoyen a le devoir de bien s’informer. Non, nos journalistes hurleurs en quête de sensations fortes ne suffisent pas. Quand une « information » leur parvient, l’Haïtien et l’Haïtienne du pays responsables se font forts de remonter aux sources et si possibles de les croiser. Il s’évite ainsi de se retrouver à marcher sans raison valable derrière les hurleurs et autres trissotins plus intéressés à faire de l’audimat qu’à informer le public.

Petite démonstration en quatre étapes:

  1. Les piaillards de service incriminent l’article 13 du projet de loi de finances voté par la Chambre des Députés. Tout le monde va payer 10 000 gourdes, même les chômeurs et les malèrèz qui battent de l’eau pour faire du beurre. Aux armes, citoyens!
  2. L’Haïtien et l’Haïtienne du pays retrouvent ce fameux article 13 qui se lit ainsi: « Le deuxième paragraphe de l’article 35 du Décret du 29 septembre 2005 […] se lit désormais comme suit: En aucun cas, l’impôt sur le revenu sur la base forfaitaire ne peut-être inférieure à Dix Mille (10,000.00) gourdes. »
  3. L’Haïtien et l’Haïtienne du pays se tournent vers ce nouvel article qui se lit ainsi: « L’impôt sur le Revenu sur la base forfaitaire sera calculé au taux de 1% sur le chiffre d’affaires de toutes les catégories de commerçants, producteurs, fabricants, industriels et autres contribuables visés à l’article 33 du présent Décret. En aucun cas, l’Impôt sur le Revenu sur la base forfaitaire ne peut être inférieur à cinq mille (5,000.00) gourdes. »
  4. L’Haïtien et l’Haïtienne du pays se rendent compte que tout ceci n’est pas nouveau. Ils se rappellent que, en 2005, le taux de change de la gourde par rapport au dollar était autour de 40 gourdes et se dit que, en tenant compte de l’inflation, l’augmentation n’est pas irraisonnable. Les hurleurs oubliés, il s’agit donc désormais de comprendre ce que c’est que cette imposition forfaitaire avant de prendre position.

Le décret du 20 septembre 2005 prévoit, en son article 31, deux formes d’imposition:

L’Impôt sur le Revenu sur les bénéfices industriels et commerciaux est établi de deux façons distinctes :
1. sur la base forfaitaire;
2. sur la base du bénéfice réel accusé par les états financiers.

Pour les petites et moyennes entreprises (sous-section 4), l’article 33 dispose:

Sont assujettis au paiement de l’Impôt sur le Revenu sur la base forfaitaire, les commerçants, industriels et entreprises généralement quelconques lorsque leur chiffre d’affaire annuel ou leur actif total est inférieur à un million deux cent cinquante mille (1.250,000) gourdes.

Les 10 000 gourdes assument donc une moyenne d’un million de gourdes de chiffre d’affaires annuel pour les PME; ce qui est sans doute, on l’admettra aisément, par un peu trop optimiste. Mais il s’agit ici de rejoindre sur le ring les sous-déclareurs de revenus, aux Mayweathers du non-paiement de taxes. L’État, qui doit s’assurer un revenu et qui sait que nos journaux de caisse n’ont rien à voir avec la réalité, fixe un minimum. Naturellement, ce minimum est discutable, et il est dommage qu’aucun débat de société n’ait lieu avant que ces projets de loi des finances atterrissent au Parlement, mais ceci est une autre histoire pour un autre jour.

Demeure toutefois le fait que, à moins que les chômeurs, les malèrèz qui font battre de l’eau pour faire du beurre et autres victimes imaginées de cette imposition injuste, ne se constituent en société commerciale, cette mesure ne les concerne en rien. Aussi aimerais-je, aux citoyens déjà aux armes, proposer d’autres avenues plus dignes de leur ire:

  • Un transport en commun chaotique qui, hier, samedi, a produit un énième accident de la route avec deux morts et une vingtaine de blessés dont des malere et malèrèz qui battent de l’eau pour faire du beurre.
  • Des marchés mal ou pas gérés et un service pompier quasi-inexistant qui, avant-hier, vendredi, ont vu un énième incendie au marché Salomon où se trouvent des malere et malèrèz qui battent de l’eau pour faire du beurre.
  • L’ordonnance de non-lieu obtenue par le maire titulaire de Port-de Paix, Josué Alusma, accusé d’avoir blessé un jeune passager quand il a ouvert le feu sur un autobus qui transportait, vous l’aurez deviné, des malere et malèrèz qui battent de l’eau pour faire du beurre.

Il importe de profiter de cet élan de générosité envers eux, un élan si rare et précieux que nous nous en voudrions de le laisser se gaspiller.

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