Le président américain a fait pleurer des petites Afghanes. Cette fois, toutefois, ce n’était pas parce que des bombes ont plu sur leurs maisons et tué des êtres chers. La Cour Suprême américaine ayant, temporairement, autorisé (en partie) le décret xénophobe de Donald Trump, elles se sont vues refuser le visa américain dont elles avaient besoin pour participé à un concours international de robotique.
On ne peut s’empêcher de se demander ce que cela a dû coûter à l’oncle Sam cette semence de démocratie qui devait libérer les femmes afghanes mais a plutôt détruit le pays et livré leur pays aux extrémistes pour que de femmes à libérer, les Afghanes, même petites filles, se retrouvent sur la liste des persona non grata de Monsieur Trump mais la question est plus profonde et tient directement du problème politique de l’unité de notre espèce. Voici un autre billet autour de cette question datant de mai 2008, le 24 cette fois.
Depuis bientôt une semaine, le monde entier est choqué par la violence contre les étrangers en Afrique du Sud. Pas un journal, pas un bulletin de nouvelles, qui ne se révolte, et à juste titre, contre ces actes que nous croyions ou, pour être juste, espérions être d’un autre temps. Mais il est dommage que nous hésitions à comprendre que la répétition de tels actes a beaucoup à voir avec le fait que nous nous empressons trop souvent d’oblitérer les expériences complexes du passé et de ne pas y faire face.
Malheureusement, ce mécanisme de défense « naturel », plutôt que d’aider à éliminer l’objet de nos peurs, ne fait que lui permettre de continuer à survivre et, souvent, sans même avoir besoin de se métamorphoser.
En effet, quand on réduit le génocide rwandais à la haine des hutus contre les tutsis sans prendre en compte les effets néfastes qu’ont eu sur les premiers la fausse vérité promue par les colons occidentaux de la supériorité des derniers et, établissant par là leur droit à diriger le Rwanda, quoique minoritaires; quand on réduit la dictature des Duvalier à ce temps béni où le pays était calme et où le peuple pouvait travailler et manger, en oubliant que ce calme fut au prix de la pire des répressions et de la peur au quotidien, on permet à ce genre d’horreurs de se renouveler sans trop de difficultés.
Comment pouvons-nous continuer à crier « plus jamais » quand nous ne savons pas ou ne voulons pas vraiment savoir contre quoi nous nous révoltons? Le déficit de mémoire auquel nous conduisent nos dénis et notre refus de faire face est ainsi le plus grand catalyseur de ces malheureuses répétitions de l’Histoire.
Une autre menace contre nos « plus jamais » est cette curieuse capacité que nous avons de fermer les yeux sur d’autres événements semblables pour des raisons que nous n’osons avouer, parce qu’inavouables. C’est ainsi que, alors que les médias du monde entier nous bombardent de flashs sur ce qui se passe en Afrique du Sud, elles restent, pour la plupart muettes, sur le sort réservé aux immigrants dans d’autres pays, comme, par exemple, les États-Unis.
Aujourd’hui, le New York Times rapporte que 270 immigrants illégaux ont été envoyés en prison, par la justice fédérale, après une descente de police en Iowa. Ces immigrants font face, non plus à une rapide déportation mais, à de fortes charges criminelles, pour avoir travaillé dans une usine d’emballage de viandes avec de faux documents. Bien sûr, une telle décision se défendra aisément, comme l’a fait le juge fédéral Mark W. Bennet, en mettant en avant la violation de la loi que constitua l’action de ces « durs travailleurs qui n’ont fait ce qu’ils ont fait que pour aider leur famille »- autre mécanisme de défense, cette fois, en jouant sur les principes.
Il devient, toutefois, moins aisé de défendre la décision du gouvernement de Texas, quatre jours plus tôt, de vérifier les papiers des immigrants dans les centres d’évacuation lors de la prochaine catastrophe naturelle, ce qui provoquera sans doute une nouvelle catastrophe, cette fois, pour les « sans papiers ». Bien sûr, on est libre d’intellectualiser – autre mécanisme de défense – et de dire qu’il s’agit ici de faire respecter la loi, rien de plus, et que la politique migratoire d’un pays fait partie de ses droits souverains puisqu’il s’agit d’une fonction régalienne touchant à un des éléments constitutifs de l’État: sa population.
Néanmoins, ainsi que le rappelle Vaillant, ce n’est pas en utilisant des défenses psychotiques (projection délirante, déni et distorsion), immatures (projection, fantaisie schizoïde, hypochondrie, comportement passif agressif, passage à l’acte et dissociation) et névrotiques (refoulement, déplacement, formation réactionnelle et intellectualisation) que nous arriverons à faire face efficacement aux problèmes de ce monde.
Pour arriver à un monde meilleur, cet « autre monde possible », il nous faut commencer à embrasser des défenses plus matures telles l’altruisme, l’anticipation et la sublimation. Ces mécanismes de défense sont les meilleurs parce qu’ils abolissent la nécessité de maintenir une défense, en permettant d’abattre les murs, de supprimer les frontières, d’en finir avec les mécanismes de défense, de désarmer, d’embrasser le « Nous » et de ne plus avoir d’ennemis en abolissant le « Moi ».
C’est cela faire face. C’est cela éviter que ne se répètent les mauvaises expériences de l’Histoire. Et c’est aussi cela la vraie « fin de l’Histoire » qui est de ne plus avoir besoin de prouver à l’Autre, et surtout de se prouver, qu’on est meilleur que Lui.