Si je dois encore entendre un autre haut fonctionnaire raconter qu’il est venu donner un coup de main… L’État n’est pas une simple association de quartiers, où chacun peut se présenter sans aucune expérience préalable et sans aucun engagement politique sérieux. L’idée que des postes politiques doivent être occupés par des « outsiders » non affiliés à des partis politiques est non seulement démagogique, mais également hautement dangereuse pour la santé de notre démocratie.
La récente exigence selon laquelle les candidats aux postes ministériels doivent être complètement détachés de toute réalité partisane participe à une dépolitisation paradoxale de la fonction politique, propulsant à la tête de l’État des individus aux compétences douteuses – prêtre défroqué, chanteur vulgaire ou faux agroindustriel – accompagnés d’une cohorte de voleurs déguisés venus donner « un coup de main » mais ne repartant jamais les mains vides.
Ces individus, souvent animés par des ambitions personnelles plutôt que par un véritable engagement envers l’intérêt général, se retrouvent démunis face aux défis complexes de la gouvernance et finissent par se révéler incapables de diriger le pays de manière responsable. Aussi surfent-ils sur des discours populistes et des tentatives continues de dépolitisation de la sphère gouvernementale pour piller les ressources de l’État, en toute impunité, dans un pays où la politique est souvent considérée avec méfiance et où les partis politiques sont généralement associés à la corruption et au clientélisme.
Certains avancent que cette exclusion des membres de partis politiques vise à empêcher l’utilisation des fonds ministériels pour financer des campagnes électorales, mais je peine à voir en quoi cet argument est utile. Est-il plus acceptable de détourner les deniers publics pour s’offrir villas et voitures de luxe que pour promouvoir des idées politiques? La corruption est condamnable quel que soit son motif et des sanctions existent déjà pour la réprimer.
De plus, cette exigence est singulière dans le contexte professionnel. On n’exige pas des plombiers qu’ils ne soient pas membres d’une association de plombiers, des juristes qu’ils ne soient pas inscrits au barreau, ou des médecins qu’ils ne soient pas affiliés à un syndicat professionnel. Alors d’où vient cette étrange idée que les politiciens ne devraient pas être des politiciens?
La politique nécessite expertise et engagement. L’État, en tant qu’entité représentant l’ensemble de la société, requiert des compétences spécifiques et une compréhension profonde des enjeux politiques, économiques et sociaux. Dépolitiser les postes politiques revient à les vider de leur substance et à confier les rênes de l’État à des amateurs sans repères ni valeurs. Comment alors exiger des politiciens qu’ils soient déconnectés de la réalité politique et partisane? Pourquoi risquer de marginaliser les individus compétents et engagés dans la vie politique pour favoriser l’émergence de figures opportunistes et peu scrupuleuses?
L’exclusion des membres de partis politiques des postes ministériels ne garantit ni la compétence ni l’intégrité. Elle risque au contraire d’affaiblir le tissu démocratique en écartant ceux qui ont l’expérience, la connaissance et l’engagement nécessaires pour gouverner avec sagesse et responsabilité. La vraie question n’est donc pas de savoir si les ministres doivent être ou non membres de partis politiques, mais plutôt de s’assurer qu’ils sont compétents, intègres et dévoués au service de la nation.
Les critères de sélection des candidats aux postes ministériels doivent être basés sur leurs qualifications, leurs réalisations et leur engagement envers les valeurs démocratiques, et non sur des considérations partisanes ou populistes. Plutôt que de succomber aux sirènes de la dépolitisation, nous devrions chercher à renforcer nos institutions démocratiques en promouvant la transparence, la responsabilité et la participation citoyenne. Cela nécessite non seulement des réformes structurelles, mais aussi une reconnaissance de la valeur ajoutée d’une classe politique compétente et engagée, représentative des diverses sensibilités et visions de la société.





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