Vous prendrez bien quelques surettes ?

Elle vient des Irois. C’est de là qu’elle s’approvisionne pour son commerce. Normalement, elle vend au marché de Pétion-Ville mais, ces temps-ci, elle livre à domicile. Elle se promène aussi. Parfois. Cela dépend des jours. Même si ce n’est guère de tout repos: une collègue a récemment été victime d’un viol en réunion.

Marchande ambulante, c’est un métier compliqué. Surtout quand on doit entrer chez les gens. On ne sait jamais ce qui peut se passer. La collègue est entrée sans se méfier. On l’a enfermée à l’intérieur. Elle n’a rien vu venir. Elle n’a rien pu faire. Depuis, toutes les marchandes ont peur.

Les nouvelles vont vite. On s’organise. Si la voix qui appelle est masculine, on se garde d’entrer. Enfin, on essaie. Après tout, il faut vendre. Alors, on évalue le risque. Au faciès. Du reste, même une voix féminine comporte un certain risque. Des soeurs trahissent parfois. Ce sont des choses qui arrivent. Demeure le bon Dieu mais il semble fatigué des complaintes haïtiennes.

N’empêche, c’est sympathique de retrouver des clients chez eux. Plus humain. Les échanges se prolongent. On raconte sa vie. Enfin, pas trop. Mais tout de même un peu. Le voyage, par exemple. Traverser Martissant pour entrer à Pétion-Ville.

C’est une toute nouvelle dynamique. Le chauffeur de bus exige désormais 2500 gourdes par tête. C’est une augmentation importante mais on comprend. L’essence ne se trouve plus qu’au marché noir et les gangs qui contrôlent la zone ont institué un droit de péage – 10000 gourdes par voyage.

On ne dirait pas mais c’est un vrai business. Pour ainsi dire des professionnels. Ils viennent collecter leur taxe et se font très rassurants. Certes, elle et ses collègues ont un peu peur tout de même. Ils sont membres d’un gang, ils sont armés et puis, il y a toutes ces histoires, de massacres, de kidnappings, de viols … Mais il fait nuit et il faudra attendre un peu avant de repartir. Ils se font gentils et on pourrait se laisser aller à y croire. Tout sourire, ils offrent des bonbons aux passagers:

Vous prendre bien quelques surettes ?