Ce samedi 14 août 2021, à 8h 29, un séisme de magnitude 7.2 a été enregistré à 5 km au nord-ouest de Petit-Trou de Nippes, la ville de mon enfance, à défaut d’être ma ville natale. Dans les dépêches des nouvelles internationales – ainsi que dans la note de presse de l’administration américaine – l’on parle d’un séisme à 12 kilomètres de Saint-Louis du Sud et à 160 kilomètres de Port-au-Prince. C’est normal, personne ne connaît Petit-Trou de Nippes et il faut des repères aux gens. Sauf que, la visibilité du séisme passant des Nippes au Sud, celle des victimes a suivi.
Le département des Nippes est peu présent dans la pensée des gens. À Petit-Trou de Nippes, les répliques continuent alors que continuent d’arriver des blessés de la côte Ouest:
Petit-Trou de Nippes dispose d’un centre de santé à 8 lits construit de l’époque où feu grand-père en était le maire – c’est-à-dire il y a longtemps – et qui fonctionne presque comme de ce temps-là – c’est-à-dire avec peu de moyens. Ce matin, alors que les malades continuent d’arriver, 2 médecins et une dizaine d’infirmières essaient de maintenir la barque. Les grands blessés ont été évacués et réorientés vers de plus grands centres, généralement à Miragoâne. Médecins Sans Frontières est passée en route pour Barradères. Les riverains osent espérer. Ils comptent leurs morts (18 aux dernières nouvelles), leurs blessés (où ils incluent ceux des communautés avoisinantes venues chercher secours), les centaines de maisons endommagées ou détruites et ils tentent d’envisager l’avenir … alors que les premières pluies de la dépression (tempête?) tropicale Grace tombent lentement.
Non loin de là, à Plaisance du Sud, ancienne section communale de Petit-Trou de Nippes devenu commune par la faute de la Fondation, de nombreux riverains quittent le campus de la Fondation où ils avaient trouvé refuge. Ils reviendront, plus tard, dormir, dans nos salles de classes, devant celles-ci, sur les galeries ici et là sur le campus … partout où ils pourront se protéger de la pluie.
À la Fondation, nous avons deux grandes tentes blanches. Elles nous avaient été données par l’université Quisqueya qui, pendant quelques années, nous envoyait des étudiants stagiaires pour aider avec un camp d’été. C’est peu, mais cela aide. Les gens nous réclament des bâches en plastique pour leurs maisons. Nous n’en avons pas. Ils ont besoin d’eau, de nourriture, de médicaments …
Les médicaments, nous pouvons aider. Nous avons un centre de santé privé à 4 lits et un programme rudimentaire de couverture santé pour la communauté de 26 000 âmes. Nous n’avions pas de grands blessés, ils ont pu être soignés par notre personnel de santé réduit, un médecin, deux infirmières et une dizaine de secouristes.
L’eau et la nourriture, nous essayons d’aider. Il restait quelques rations de la cantine de l’école mais nous sommes en vacance et le stock est pauvre. Quant à l’orphelinat, nous priorisons évidemment les enfants. Nous avons lancé quelques SOS, ici et à l’étranger. Nous devrions nous en sortir.
Les abris, c’est un peu plus compliqué mais là aussi, nous avons lancé des SOS dont un a déjà débouché, hier, sur une première promesse de 20 maisons. Voilà 4 ans que nous construisons des maisons pour les familles monoparentales dirigées par des femmes. Des maisons modestes, parasimiques, à 5 mille dollars. Ce matin, deux autres personnes se sont engagées sur des levées de fonds. Il y a donc, à Plaisance du Sud aussi, de quoi espérer.
Pour répondre donc, en un seul trait, à vos gentilles attentions par e-mail, WhatsApp et Facebook Messenger, les miens iront mieux. Ils ne vont pas bien, loin s’en faut. Ils iront mieux. Ils iront mieux parce qu’ils ont foi en l’avenir. Ils iront mieux parce qu’ils ont espoir. Ils iront mieux parce qu’ils s’attacheront à tout reprendre, tout recommencer, autant de fois qu’il le faudra.
Dans les Nippes, nous avons toujours su qu’il ne valait jamais mieux compter que sur nous-mêmes.