Hier, 7 février 2021, un plafond de verre a été brisé. Une femme a été arrêtée pour complot contre la sûreté de l’État – selon le Premier Ministre – pour assassiner le Président – selon le concerné – un coup d’État en somme, selon le Gouvernement. Il est fini le temps où seuls des Himmler Rébu pouvaient se permettre non pas un mais deux coups d’État ratés. Désormais, une femme peut faire tout aussi bien – ou tout aussi mal, c’est selon.

Tôt dans la matinée, sur Whatsapp, circulent les photos de la conspiration. Une soirée pyjama avec des fusils rouillés, quelques billets de gourdes et de dollars et des comploteurs hébétés. Des internautes se sont essayés à un #koudetachallenge; d’autres ont multiplié les bons mots; en gros, on a beaucoup ri parce que, comme on le sait depuis Boutenègre, « la politique en Haïti est une affaire de griyen dan ».

Certains parlent de montage réalisé par l’équipe au pouvoir. Avec quelque raison. Le fil de couture est gros et blanc. La conversation entre le chef de la sécurité présidentielle, Dimitri Hérard – connu des lecteur.rice.s de ce blogue – et l’Inspectrice générale de police Antoinette Gauthier est d’un ridicule suprême. On peine à comprendre comment ces « oui, mon commandant », « attendez que je note mon commandant » n’ont pas mis la puce à l’oreille du cerveau d’une telle opération. Les 4 extraits audio circulant sur Whatsapp rappellent ces séries policières américaines où des gens paumés accueillent en leur sein un agent infiltré du FBI qui les aident à organiser le coup jusqu’au jour J où ils sont tous arrêtés et conduits en prison.

D’autres parlent de répression; d’arrestations illégales de citoyen.ne.s qui s’étaient paisiblement réunis pour possiblement préparer l’après-Jovenel Moïse. C’est dans l’ordre des choses, le président Moïse est en passe de réussir sa transition. C’est bien beau de lancer un hashtag demandant qu’il parte, d’inviter à ne plus le suivre sur Twitter, et même de le faire dans toutes les langues, mais il faut que des gens se décident à faire effectivement quelque chose et personne n’a jamais laissé le pouvoir parce qu’il y a eu des tweets.

Il est trois façons de forcer un Président à laisser le pouvoir. Légalement, en le destituant. Illégalement, par un coup d’Etat. Légitimement, par la révolution. Les hashtags ne figurent nulle part dans l’équation. Au moins, l’équipe de Gauthier semble avoir eu un plan, et, à en croire l’Entente de Petit Bois circulant sur Whatsapp, cela allait au-delà de l’arrestation de Jovenel Moïse – grâce à un mandat parti se renforcer à Washington – pour proposer une politique de gouvernement.

Au final, c’est plutôt l’accord de Terrace Garden qui aura son Président. Un peu après minuit, ce matin, un Président intérimaire a été présenté à la nation. Il doit organiser la transition de 2 ans qui nous permettra de retourner au « temps constitutionnel » de 5 ans – débuté en 1990 et non 1988 parce que raisons – et il le fera 3 ans plus tard au lieu de 5 parce que, encore une fois, raisons. Naturellement, tout ceci fait parfaitement sens, parce que « la politique en Haïti est une affaire de griyen dan. »

Sauf que ce « griyen dan » affecte la vie de millions de gens qui ne sont jamais consultés sur ces questions et dont les conditions de vie vont encore se détériorer parce que la vie des charognards de la démocratie est jugée plus importante que la leur…


PS: Un Président de la République séparatiste du Grand Nord serait sur le point d’être installé au Cap Haïtien. Le siège du Gouvernement sera à la Citadelle La Ferrière et cette nouvelle république s’étendrait de Montrouis au Môle Saint Nicolas. La prestation de serment est prévue pour 5h cet après-midi parce que raisons.

10 réponses à « Une affaire de griyen dan »

  1. […] La dernière source d’hilarité en date est ce nouveau “Président” que veut nous imposer l’opposition sous prétexte de sauvegarde de la démocratie. Je crois que c’est ce qui m’excède le plus dans toute cette histoire. Cette rare couardise. Vous voulez renverser un Président ? Assumez ! Vous voulez prendre le pouvoir sans passer par des élections ? Assumez ! Ces disgracieuses contorsions pour expliquer, année après année, la nécessité pour Jovenel Moïse de partir. Cette quête ridicule d’arguments légaux pour que le Blan approuve. C’est bas, c’est vil, c’est humiliant. C’est aussi ridicule mais la chose s’entend : “la politique en Haïti est une affaire de griyen dan“. […]

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  2. […] que la politique en Haïti est bien une affaire de griyen dan, l’on m’informe qu’une vidéo plus longue existe sur YouTube. Je vous la mets […]

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  3. […] Gauthier, future candidate à la présidence par les élections (en 2015) et, il semblerait, par coup d’État (en 2021). Alors Directrice de l’HUEH et Déléguée de l’Ouest, elle aurait elle-même […]

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  4. […] d’arrêter le Président et non de le tuer. Le scénario qu’il présente est celui de la tentative de coup d’État du 7 février 2021 où il s’agissait là aussi de mandat secret autorisation la mise aux arrêts du Président. […]

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  5. […] Aujourd’hui, un ami aurait expliqué à l’Associated Press que – tout comme pour le coup d’État raté du 7 février 2021 – Sanon aurait été contacté par des personnes prétendant représenter le Département […]

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  6. […] ceux qui voudraient que les choses se fassent autrement … mais c’est un niveau de griyen dan que même lui ne peut se résoudre à rejoindre. S’il a été, de son propre aveu, présenté […]

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  7. […] de la sécurité, un des acteurs principaux, 6 mois plus tôt, le 7 février 2021, de la répétition générale du magnicide, et désormais un des suspects principaux du magnicide acté. On ne compte plus les membres et les […]

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  8. […] 8 février 2021, un jour après la répétition générale de son magnicide, le Président Jovenel Moïse publiait l’arrêté présidentiel créant la […]

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  9. […] même momentanément été élevée au rang de première femme putschiste de notre histoire lors du coup d’État d’essai du 7 février 2021. Quant aux autres, aucune sanction internationale ne semble peser contre eux. Le […]

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  10. […] vraie question demeure comment un président, sachant qu’il était la cible d’un coup d’État, et qui se vantait de rester en travers de la gorge […]

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