Les yeux bien secs

La troisième (et dernière ?) partie du rapport de la Cour des Comptes sur la gestion des Fonds Petrocaribe est finalement sortie et, les arrêts de débet se faisant toujours attendre, je crains de n’en voir l’intérêt. Tout ce qui s’y trouve, nous les savions déjà et, à peu de choses près, c’est le rapport Beauplan d’il y a 3 ans, revu et augmenté. Aussi, vous proposé-je, de préférence, que nous nous amusions un peu de l’épidémie de keratitis sicca que recèlent les pages 1009 à 1030 de ce « rapport 3 ».

Nous avons tendance à l’oublier mais la Cour des Comptes est une Cour. C’est dans son nom. Elle prononce des arrêts. Nous les attendons. Il va donc de soi que les accusés aient le droit de contester le rapport et de se défendre de ses accusations. C’est ainsi donc que, pour cette troisième publication, la Cour répond aux contestations des deux premières parties et, croyez-moi, quand je vous dis que la sécheresse oculaire chez nous est bien plus grave que l’on aurait pu le croire.

Le rapport précise les principes de l’audit et les standards auxquels il se réfère, notamment l’ISSAI 400.209 qui rappelle que « le principe d’une procédure contradictoire impose la vérification de l’exactitude des faits avec l’entité auditée ». Je vous ai remis la page ici, si vous souhaitez vous en imprégner.

Passons maintenant à la partie intéressante: les justificatifs absolument ridicules soumis par les concernés.

D’abord, G.K Import Export avec laquelle le BMPAD a négocié un contrat de gré à gré au lieu d’un appel restreint comme convenu. En réponse:

Dans une correspondance du 4 avril 2019, M. Farah BLAIN, responsable de G.K. Import-Export S.A et fournisseur du BMPAD a transmis à Monsieur Pierre Vol-mar DESMEYEUX, Président de la CSCCA de 2018-2019 des explications accompa-gnées de :

▪ copie du contrat signé avec le BMPAD

▪ procès-verbal de réception définitive signé par le coordonnateur cellule énergie du MTPTC

▪ copie des paiements provenant du BMPAD.

Rapport 3, p. 1010

On peine à voir comment de tels documents remettraient en cause les conclusions de la Cour mais bon… Naturellement, la Cour a rappelé que cela ne changeait strictement rien à rien.

Puis, il y a ENERSA qui n’aura installé que 60% de lampadaires après avoir reçu 87% du montant du contrat. Ils ont soumis des documents prouvant exactement ce que la Cour avait constaté parce que, évidemment.

Dans sa correspondance du 19 Février 2019, M. Jean Ronel NOEL, responsable de la société ENERSA fournisseur du BMPAD, a transmis à Monsieur Pierre Vol-mar DEMESYEUX, Président de la CSCCA de 2018-2019, en réaction au rapport publié le 31 janvier 2019 une lettre explicative accompagnée des copies des do-cuments officiels émis par le MTPTC et le BMPAD, notamment :

▪ Procès-verbal de réception définitive du 22 septembre 2017;

▪ Feuille d’analyse du projet du 21 février 2017;

▪ Ordre de démarrage des travaux du 2 juin 2014.

Rapport 3, p 1011.

Suit la bizarrerie de Vorbe & Fils offrant des informations supplémentaires sur 6 projets pour lesquels le MTPTC a préféré ne rien dire (1012-1019) et la FICOSA faisant pareil pour un autre projet (1019-1020). Peut-être qu’il s’agissait pour eux de montrer l’ineptie caractérisée du Ministère… auquel cas, bien joué les gars !

L’affaire devient encore plus cocasse lorsque nous arrivons à l’ancienne firme de notre Président, j’ai nommé AGRITRANS, productrice extraordinaire de bananes et constructrice pas moins rare de routes. La Cour a ainsi eu droit à un.e:

  • Original d’un spécimen de chèque annulé de AGRITRANS
  • Copie certifiée d’une de presse datée du 4 février 2019
  • Copie certifiée du certificat de pa-tente 2018-2019 au nom d’AGRITRANS SA
  • Copie certifiée d’une correspondance adressée à la Banque Nationale du Crédit en date du 1er février 2019
  • Copie certifiée d’une attestation émise par la Banque Nationale du Crédit en date du 5 février 20

Des documents parfaitement hors sujet et qui ont provoqué cette réponse de la Cour :

La CSCCA a analysé les documents fournis par les avocats de AGRITRANS. Il en ressort que :

▪ Le rapport de la CSCCA auquel font référence les avocats de AGRITRANS dans leur correspondance n’est pas le rapport officiel remis au Sénat et disponible sur le site internet de la Cour

▪ La documentation fournie par les avocats de AGRITRANS ne remet pas en cause l’essentiel des constatations relevées dans le rapport 2 sur la ges-tion du fonds PetroCaribe.

Suivent d’autres contestations n’y changeant rien ou dont les réponses sont à venir. Une confusion Medishare/Bernard Mevs est éclaircie et un écart de e 1,370,000 USD justifié, replaçant les responsabilités au niveau des autorités étatiques et uniquement.

Les contestations se terminent avec les yeux secs suprêmes au Parlement dont le Vice-Questeur se contentera de confirmer un détournement de fonds de 220,000,000.00 parce que.

Demeure toutefois le fait que les yeux les plus secs d’entre tous sont peut-être ceux de la Cour Supérieure des Comptes qui, depuis 3 ans, nous offre au compte-gouttes un travail qu’elle aurait dû faire il y a dix ans et pour lequel nous lui payons un milliard de gourdes l’an.

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