Qui veut noyer le poisson accuse de racisme

Les excuses d’Ayiti College et affiliés deviennent de plus en plus ridicules. Pour avoir dénoncé une arnaque si évidente qu’elle se dénonçait toute seule, l’animateur Carel Pedre m’a présentée comme une personne qui ne l’aime pas. Maintenant que le Professeur Jozef Kwaterko de l’université de Varsovie a finalement pu permettre aux jeunes victimes haïtiennes de faire connaître leur histoire dans les colonnes du plus ancien quotidien d’Haïti, Abraham Sean Cormier, directeur d’Ayiti College, le présente comme une personne n’aimant pas les Noirs. Car, voyez-vous, c’est par pur racisme que le professeur aurait piégé ces pauvres étudiants sans défense pour qui Ayiti College s’est démêlé comme Me Jean Jacques afin de leur offrir une éducation de qualité.

Vous savez déjà ce qu’il en est : Ayiti College n’existe légalement plus, a organisé un système de Ponzi pour tenter d’éponger ses dettes, offre des bourses qui n’en sont pas, et fait payer pour des ordinateurs qui ne sont pas livrés. Je ne vais donc pas m’attarder sur ces faits déjà traités dans les deux billets précédents. Aujourd’hui, je vais partager avec vous ce que j’ai pu obtenir du professeur quand nous nous sommes parlés la semaine dernière et ce que deux « boursiers » d’Ayiti College m’avaient révélé après la publication du tout premier billet. L’idée ici est de parvenir à une restitution des faits avec vocation de tuer dans l’œuf toute autre entreprise de ce genre.

La première personne à laquelle je me suis intéressée est la première responsable d’Ayiti College à avoir été médiatisée. J’avais vu son nom dans un article de Ticket Magazine qui, pour avoir été au courant du problème, n’en a pas moins présenté la bonne nouvelle de la « bourse » Carel Pedre à ses jeunes lecteur.rice.s, leur assurant de nouvelles victimes. Elle serait intervenue dans l’émission de l’animateur vedette pour « éclaircir » la situation – notamment la dissolution documentée d’Ayiti College – sans rien éclaircir du tout. Elle n’aurait pas pu de toute façon, l’arnaque était avérée. Son audace m’arrêta toutefois. J’ai donc commencé par aller fureter sur sa page LinkedIn.

La visite fut instructive. Gaia Stecher est une restauratrice, avec une spécialisation en vins. Elle a travaillé comme serveuse, gestionnaire de buffet et gérante de restaurant puis d’hôtel. Des emplois allant de 10 à 39 mois dans le secteur de l’hospitalité, avec une progression normale dans sa carrière.

Extrait de la page LinkedIn de Gaia Stecher

En 2018, nous la retrouvons en charge de l’alimentation à Gede Festival. Une vidéo sur la page Facebook de Chokarella la montre présentant le festival et expliquant son rôle. Une lectrice – qui semble en savoir plus mais ne rien vouloir dire d’exploitable – insistant sur le fait que l’animateur se serait laissé emballer par les garanties offertes par une amie, il semble possible d’établir que cette amitié date au moins de cette époque là.

En octobre 2019, elle passe de gérante d’hôtel écolo à Pétion-Ville à assistante administrative d’une plate-forme éducative; un changement de carrière pour le moins surprenant et qui lui vaut de se retrouver au cœur de la sombre histoire décrite par l’étudiante Miranda Jennifer Saget dans sa lettre à Sean Cormier pour lui « faire part « [des] inquiétudes qui [l’]’accompagnent depuis [s]on arrivée en Pologne ».

Madame Saget croyait partir faire des études de médecine en Italie à l’université de Naples mais a plutôt, après un détour par la République dominicaine, atterri en Pologne pour des études d’infirmière. Dans sa très longue lettre du 10 mai 2020, elle raconte avec candeur ses déboires en terre étrangère à commencer par une escale en Pologne qui ne l’était pas:

Je vous avoue que j’ai été vraiment suprise d’avoir appris seulement ici en Pologne [que j’y ferais mes études] et non pas en Italie, comme c’était convenu au préalable entre vous et mes parents. J’ai compris et je me souviens bien que vous m’aviez alors expliqué que ce séjour en Pologne serait temporaire, autour de deux semaines, en attente de l’ouverture de l’année académique en Italie, afin de suivre l’année préparatoire ( « premed year ») aux études de médecine à l’Université Federico de Naples (Napoli).

J’étais enthousiaste à l’idée de faire ces études de médecine, à l’issue desquelles, avec un vrai diplôme de médecin, je pourrais, pensais-je, m’engager à servir ma patrie et mes compatriotes. Comme vous le savez, ce séjour à Komorów en Pologne s’est prolongé au-delà de quinze jours, puis un mois, deux, trois, quatre, cinq, jusqu’en Mai aujourd’hui.

Ayiti Collège nous a demandé de suivre un cours de polonais (inutile pour vivre et étudier en Italie) et d’anglais (utile pour étudier en Italie), sans nous en expliquer la raison. Or, ce qui m’a inquiété, c’est que vous m’aviez dit explicitement que je devrais écrire à l’Université de Napoli pour expliquer le retard dans ma venue. Vous avez dit précisément que je devrais expliquer dans la lettre que je veux rester en Pologne pour une semaine.Vous le savez aussi bien que moi, que je n’avais pas écrit cette lettre et jusqu’à present, je suis toujours à Pologne.

E-mail de Miranda Jennifer Saget à Sean Comier – avec en cc Gaia Stecher – en date du 10 mai 2020, 23:44:36 +0200 (légèrement édité pour faciliter la lecture).

L’histoire ne s’arrête pas là. Le mail parle de visa qui expire en septembre, de démarches pour l’obtention de la carte de séjour non effectuées, de contrat signé précisant qu’il faut étudier à l’université où l’on a été inscrite alors que la Pologne remplace l’Italie. Une copie dudit contrat  – d’un amateurisme désespérant – est reprise ci-dessous.

C’est à ce contrat que fait référence Monsieur Cormier dans sa « réponse » publiée hier dans le Nouvelliste. Je l’ai, naturellement, fait suivre au Professeur Kwaterko qui n’avait pas été préalablement contacté par le journal et se propose d’y répondre, après ses vacances, soit un peu après le 23 août. Spoiler alert : Abraham Sean Cormier raconte n’importe quoi et cette histoire de racisme est d’un ridicule qui ne vaut même pas qu’on en parle.

Abraham Sean Cormier est un peu comme un fantôme. Hormis sa naissance en mai 1988, les informations que j’ai pu trouver sur lui sont faibles. Elles se résument à deux fiches d’inscription sur le registre des compagnies en Angleterre et en Estonie. La première, que vous connaissez déjà, est celle d’Ayiti College – depuis dissoute – au registre des compagnies à Londres. C’était en 2017 – le 21 décembre pour être précise. Monsieur Cormier y est listé comme un consultant en gestion de projet de nationalité haïtienne résidant en Allemagne. La seconde, Gaia Stecher y a fait référence à l’émission de Carel Pedre. Il s’agit d’une autre compagnie AYITIX OÜ – et non Ayiti College – enregistrée le 10 novembre 2017 et spécialisée dans la consultation en informatique.

Depuis le 15 janvier 2018, la législation estonienne exige de toute compagnie dont le Conseil d’administration siège à l’étranger une personne compétente pour recevoir les documents de procédure en Estonie. C’est Xolo Oü une compagnie spécialisée dans le montage de compagnies virtuelles et d’e-résidence estonienne qui joue ce rôle pour Ayitix Oü; confirmant le caractère fictif de cette dernière. Du reste, c’est une coquille vide qui n’a payé aucune taxe au cours des derniers 24 mois et qui n’a aucun employé. J’ai pensé un temps payer les quelques 20 dollars nécessaires pour un rapport complet mais avec zéro dollar de taxes et zéro employé, il ne semble pas y avoir grand chose à découvrir.

Voilà donc Monsieur Cormier avec deux compagnies européennes – l’une dissoute, l’autre vide – qui prétend diriger une plate-forme de formation universitaire sans aucune assise légale et à coups de fausses promesses et de faux transferts d’argent.

Copie de « transfert » d’argent rejeté par l’université. Le rejet a été signalé à Gaia Stecher le 3 mars 2020.

Au 5 août 2020, deux jours après la publication de la lettre du professeur Kwaterko dans le Nouvelliste et un jour après que Carel Pedre ait lancé un appel à détails sur ma vie privée – il lui suffit pourtant de lire ce blogue – en représailles pour avoir amplifié encore une fois l’arnaque à laquelle il se prête avec Ayiti College, ce dernier a finalement payé les 6000 euros de frais d’inscription pour les cours de langue. Le lendemain, le 6 août 2020, il remboursait les 1200 dollars devant originalement servir à l’achat de l’ordinateur qui n’était jamais arrivé.

Revenons toutefois à la lettre de Mme Saget. Elle y reprendre ses nombreux échanges avec Mme Stecher et Monsieur Cormier sur des questions administratives simples : paiement des frais d’inscription, validation du baccalauréat haïtien, carte de séjour, etc.

… j’ai reçu des mails de madame Gaïa Stecher le 9 Avril 2020 me signalant que si je voulais bénéficier du paiement de frais d’études en Pologne (je cite:  The condition under which you can study tuition free ), je devrais choisir entre deux universités publiques : l’Université de Mazovia à Siedlec (avec laquelle Ayti Collège a un accord) ou l’Université de Médecine à Varsovie (avec laquelle AC n’a pas d’accord). Or, j’ai bien vu sur la page web de Mazovia, j’ai bien vu aussi que Mazovia ne donne pas de diplômes BA ni MA de médecine, mais seulement ceux de d’infirmier(e) professionnel(le), d’accoucheur(e) professsionnel(le) et de physiotherapeute. Ce n’est pas le diplôme de médecine que je sollicite à l’issue des études de médecine que vous m’aviez promis!

En plus, les études s’y font en polonais et l’École n’a aucune reconnaissance internationale (j’ai vérifié sur la Philadelphia List) et chaque diplôme de cette école va être inférieur et moins sollicité par les futurs employeurs à cause de cela. En plus pour être admise à Mazovia il faut avoir acquis le niveau de connaissance C-1 du polonais et même notre professeur de polonais engagé par Ayiti Collège doute fort que nous arrivions à ce niveau à la fin du cours. Il nous dit que nous sommes actuellement au niveau A-2; il faut arriver encore à B-1, B-2 et seulement après à C-1, ce qui prend normalement une année supplémentaire d’apprentissage (trois semestres)!

Même chose pour l’Université de Médecine de Varsovie . Ayiti College écrit: « The competency test is a multiple choice test in reasoning and critical thinking in premedical sciences. The test verifies the candidate’s analytical skills and ability to solve problems in a logical way, based on information provided, general knowledge and foundations of medicine. Knowledge in Biology, Chemistry, Physics is checked through problems based on reasoning skills ».

Ces études pour les étrangers à l’Université de Médecine durent 6 années, coûtent 42.000 PLN par an (10 mille $ US), sans parler d’autres frais. Même si vous allez pouvoir payer ce montant, même avec aide du député Profane Victor, comme vous l’avjez promis (prière de confirmer), comment voulez-vous que j’y sois admise? Car certaines de nous ont appris (au bureau des étudiants étrangers du Rectorat) que les études en médecine en polonais exige le certificat de connaissance C-1 et que les études en anglais exige le certificat au niveau TOEFL /TOEIC ou examens certifié C-1 à passer à British Council de Varsovie. Ni moi ni aucun de nous n’a de connaissance de la langue polonaise ou anglaise pour passer les examens écrits de Biologie, Physique, Chimie et Mathématiques!

Ibidem

C’est un peu long et cela continue longtemps encore mais je voulais la laisser parler pour que sa voix porte, pour que l’histoire de ses déboires informe et serve d’avertissement à d’autres qui pourraient se laisser attirer par le chant des sirènes d’autres Abraham Sean Cormier.

Je n’ai pas encore réussi à trouver la trace de l’enregistrement d’Ayiti College en Haïti – la COVID-19 limitant sérieusement mes déplacements -mais si elle existe je vais m’attacher à faire interdire son fonctionnement sur le territoire et je compte sur vous pour m’aider à y arriver.

En attendant, il importe de continuer de suivre cette histoire et de l’aider à se faire connaître partout dans la République; surtout quand le professeur Kwaterko et les étudiant.e.s auront répondu, dans les semaines qui viennent, à la publication d’Abraham S. Cormier dans le Nouvelliste.

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