Ce 14 novembre 2018, 12:13, marque le 3ème mois d’une décision collective de poser une question qui domine désormais la scène politique haïtienne: #KotKòbPetroCaribeA? Où sont passés les fonds? À quand un audit, une enquête crédibles? À quand le procès? À quand la restitution des fonds volés, détournés, exportés?
Au début, ils étaient nombreux à parier sur un énième feu de paille. Une question que « rentrerait » le prochain scandale. D’aucuns y virent un buzz de plus …D’autres tablèrent sur l’essoufflement rapide d’un énième mouvement qui ne mènerait nulle part.
Pourtant, trois mois, des sit-in, des dizaines de marches, et des milliers de tweets plus tard, le #PetroCaribeChallenge continue son chemin et amasse, lentement mais sûrement, ses petites « victoires ».
La première est, naturellement, d’avoir réussi à dominer effectivement l’espace public, au point que les politiques, les journalistes, les citoyens n’ont plus que cette question à l’esprit. Il y a 6 jours, préoccupés par la prochaine manifestation du 18 novembre, des parlementaires de la majorité présidentielle ont appelé à un remaniement ministériel alors même que le Cabinet Céant n’a pas encore deux mois. Le Premier Ministre Céant multiplie d’ailleurs les rencontres – avec la Cour Supérieure des Comptes (CSCCA), entre autres – et les initiatives. Des Jeudi Petro à la mise en place d’une Commission indépendante, en passant par la publication au Moniteur d’une compilation de 694 pages de textes officiels relatifs aux Fonds PetroCaribe ou encore des véhicules blindés mis à la disposition des enquêteurs … le Premier Ministre semble déterminé à prouver sa bonne foi.
Le Parlement et la Primature ne sont pas les seuls à avoir attrapé la fièvre PetroCaribe. Une opposition généralement ineffective et aisément écartée croit avoir trouvé dans le challenge l’espoir d’un renouveau. Le Président Jovenel Moïse, qui avait déclaré la corruption comme étant les cinq plus grands problèmes du pays tout en étant lui-même inculpé pour blanchiment d’argent, est passé de celui qui nous mettait en garde contre une chasse aux sorcières dès son investiture à celui qui promet une réponse célère de l’État par un message en trois tweets:
Et se débarasse de son Chef de Cabinet, et ancien ministre des finances sous Martelly, Wilson Laleau, ainsi que de 17 autres hauts fonctionnaires, le 18 octobre 2018.
Le jour précédent, le 17 octobre, Haïti venait de vivre sa plus grande manifestation depuis plus d’une décennie, avec des citoyens un peu partout dans le pays posant la même et unique question
#KotKòbPetroCaribeA. Le Président devait agir. Il a donc offert son très puissant chef de cabinet comme pour montrer, comme son Premier Ministre, sa bonne volonté. Déjà, le 3 septembre 2018, un jour après la première marche #PetroCaribChallenge, M. Laleau était à la télé pour se défendre contre ce qu’il voyait comme une cabale politique contre sa personne. Dans une entrevue particulièrement émotive, l’ancien vice-recteur d’université pleura sur son sort d’accusé à tort. L’extrait devint viral mais personne ne sembla y croire.
Le lendemain, la CSCCA annonça la remise d’un rapport d’audit en janvier 2019 tandis que le Premier Ministre – alors nommé – en faisait un point central de sa déclaration de politique générale. Deux jours, plus tard, le 6 septembre, suite à une pression montante en et hors ligne, le Président Michel Martelly a dû « clarifier » ses « blagues » voulant qu’il ait investi l’argent des fonds PetroCaribe dans les hôtels et, généralement, se retirer de l’espace public où jusqu’ici il se faisait aussi arrogant qu’insultant.
Parallèlement, le Commissaire Ocnam-Daméus, un vieil ami de ce blogue, multiplie les mandats sans effet, les décisions à l’emporte-pièce qu’il est obligé de rentrer un jour plus tard, et généralement s’active à s’activer. Mais, peu s’en faut. Nous maintenons la même question #KotKòbPetroCaribeA.
Trois mois plus tard, la chanson dure. Nous sommes toujours aussi déterminé.e.s à mettre fin à la corruption pour arriver à #AyitiNouVleA. Nous sommes toujours aussi déterminé.e.s à nous battre pour que nos frères et nos soeurs vivent dans la dignité.
Cette bataille va continuer. Aussi longtemps qu’il le faudra. C’est une promesse que nous faisons à notre mère, Haïti. Une promesse que nous ne démériterons, que nous ne lâcherons pas prise, que nous resterons fidèle à notre devoir. Et, pour nous y tenir, nous l’avons mise par vidéo:
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